La première loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure était promulguée le 29 août 2002, il y a huit ans. Le Parlement a définitivement adopté, aux termes de vifs débats, la seconde loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, le 8 février 2011, après la réunion d'une commission mixte paritaire. Le texte, qui comporte 142 articles, fixe en annexe les objectifs et les moyens de la sécurité intérieure à l'horizon 2013. Par sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, le Conseil constitutionnel a censuré plusieurs mesures emblématiques votées par le Parlement, dont certaines intéressant les collectivités territoriales. Les articles 41, 53, 90, 92 et 101 de la loi ainsi que certaines dispositions de ses articles 18, 37 et 43 ont ainsi été annulées. Le Conseil a en outre examiné d'office et déclaré contraires à la Constitution certaines dispositions des articles 10, 14, 32, 91 et 123-II.
Une circulaire du 28 mars 2011 relative à la présentation générale de la Loppsi 2 revient sur la genèse de ce texte qui fixe « les grandes orientations stratégiques de la politique de sécurité intérieure pour les prochaines années: mutualisation et coopération entre les forces de sécurité (police et gendarmerie), amélioration du fonctionnement des fichiers de police et de gendarmerie, modernisation de leurs moyens par le recours accru aux nouvelles technologies et à la police scientifique et technique, rénovation du management et de l'organisation des services ». Sur le plan juridique, la loi « vient renforcer les outils permettant de lutter contre des nouvelles formes de délinquance - cybercriminalité, pornographie enfantine, criminalité organisée - mais également contre la délinquance routière et toutes infractions violentes et collectives commises sur la voie publique et dans les stades », ajoute la circulaire. On comprend mieux pourquoi six circulaires du ministère de l'Intérieur accompagnent la mise en oeuvre de ce texte « fourre-tout ».
La loi favorise notamment le développement de la vidéoprotection, dont les finalités sont élargies à des missions de régulation de tous flux des transports et de sécurité civile. Parmi les objectifs du plan gouvernemental de prévention de la délinquance et d'aide aux victimes figure, en effet, le développement de la vidéoprotection, en association avec les maires. L'objectif est d'atteindre rapidement les 60.000 dispositifs de vidéoprotection sur la voie publique. Les maires « sont au coeur du dispositif », insiste l'annexe de la loi. Ils sont ainsi appelés à jouer un rôle fondamental dans la coordination des différents acteurs locaux, en particulier dans le cadre des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance. Autre axe de la loi, le renforcement et la clarification du rôle des policiers municipaux, qui sont investis de nouvelles missions.
I. DÉVELOPPEMENT DE LA VIDÉOPROTECTION
Dans tous les textes législatifs et réglementaires, le mot « vidéosurveillance » est remplacé par le mot « vidéoprotection » (art. 17).
Nouvelles finalités
L'article 18 complète la liste des motifs pour lesquels un dispositif de vidéoprotection peut être installé sur la voie publique par les autorités publiques compétentes : régulation des flux de transport (et non plus seulement du trafic routier), prévention des risques naturels ou technologiques, prévention du trafic de stupéfiants, secours aux personnes et défense contre l'incendie, prévention de certaines infractions douanières, sécurité des installations accueillant du public dans les parcs d'attractions. En revanche, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de l'article 18 qui permettaient d'investir des personnes privées de missions de surveillance générale de la voie publique et prévoyaient ainsi « de leur déléguer des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la force publique ».
Incitation des communes à installer des systèmes de vidéoprotection
L'article 22 permet au préfet (préfet de police à Paris) d'inciter certaines communes à installer des systèmes de vidéoprotection, lorsque des intérêts supérieurs le commandent. Trois cas sont ainsi prévus : la prévention d'actes de terrorisme, la protection des abords d'installations d'importance vitales - au sens des articles L. 1332-1 et L. 1332-1 du Code de la défense-, la protection des intérêts fondamentaux de la Nation. Le conseil municipal doit en délibérer dans un délai de trois mois. Le cas échéant, les conditions de financement du fonctionnement et de la maintenance du système de vidéoprotection font l'objet d'une convention conclue entre la commune de son lieu d'implantation et le préfet. Cette disposition est applicable aux EPCI détenteurs d'une autorisation d'exploitation d'un système de vidéoprotection en application de l'article L. 5211-60 du CGCT. « La commune demeure libre de ne pas installer de système si elle n'en voit pas la nécessité », précise la circulaire d'application relative à la prévention de la délinquance.
Transmission des images prises dans les halls d'immeubles
L'article 23 autorise la transmission, en temps réel, des images de vidéoprotection prises dans les halls d'immeubles collectifs d'habitation aux services de police municipale, de police nationale et de gendarmerie, lorsqu'apparaît un risque imminent d'atteinte aux biens ou aux personnes. Au préalable, une convention conclue entre le gestionnaire de l'immeuble et le préfet précise les conditions et modalités de ce transfert. Lorsque la convention a pour objet de permettre la transmission des images aux services de police municipale, elle est en outre signée par le maire.
La Loppsi 2 maintient l'économie générale du régime d'autorisation. Le préfet, statuant sur l'avis de la commission départementale de vidéoprotection, est l'autorité compétente pour autoriser l'installation d'un système de protection sur la voie publique ou dans les lieux ouverts au public. Toutefois, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) est compétente pour autoriser l'installation d'un système lorsque celui-ci inclut un système de reconnaissance faciale (nécessairement couplé à un fichier). A noter, la loi (art. 18) simplifie la procédure d'autorisation des systèmes de vidéoprotection implantés sur les territoires de plusieurs départements.
Le préfet demeure la seule autorité compétente pour infliger des sanctions aux titulaires d'autorisation qui méconnaitraient les prescriptions légales. Ni la CNIL, ni la Commission nationale, ni les commissions départementales de la vidéoprotection ne disposent d'un tel pouvoir. Les commissions départementales peuvent émettre des recommandations et proposer au préfet de suspendre ou de supprimer des systèmes non autorisés, non-conformes à leur autorisation ou dont il est fait un usage anormal (en ce cas le maire intéressé doit être informé de cette proposition). La CNIL peut, après mise ne demeure du responsable du système de se mettre en conformité dans un délai qu'elle fixe, proposer au préfet la suspension ou la suppression d'un système (là encore le maire est informé de cette proposition).
L'article 18 prévoit en outre la faculté pour la CNIL d'exercer le contrôle des systèmes de protection sur la voie publique.
II. RENFORCEMENT DE L'EFFICACITÉ DES POLICES MUNICIPALES
L'article 93 permet aux agents de police judiciaires adjoints, et notamment aux policiers municipaux, de participer aux contrôles d'alcoolémie, sous le contrôle d'un officier de police judicaire (art. L. 234-3 à L. 234-9 du Code de la route).
L'art 94 facilite les mutations des agents de police municipale. Leur agrément et leur assermentation demeurent valables tant qu'ils exercent leurs fonctions. En cas d'urgence, la loi permet au procureur de la République de suspendre ou de retirer sans délai l'agrément d'un agent, sans qu'il soit besoin de consulter au préalable son employeur (maire ou président de l'EPCI).
L'article 95 permet aux agents de police municipale et aux agents de sécurité de la ville de Paris de procéder à l'inspection des bagages à mains des personnes assistant à des manifestations sportives ou culturelles rassemblant plus de 300 personnes (au lieu de 1 500 auparavant).
Le Conseil constitutionnel a en revanche jugé contraire à la Constitution l'article 91 de la loi qui accordait la qualité d'agent de police judiciaire aux directeurs de police municipale. « Ceux-ci n'étaient toutefois pas, dans le même temps, mis à la disposition des officiers de police judiciaire », a-t-il estimé. De même, le juge constitutionnel a-t-il censuré l'article 92 qui étendait aux agents de police municipale la possibilité de procéder à des contrôles d'identité. Pour le Conseil « ces agents, qui relèvent des autorités communales, ne sont pas mis à la disposition des officiers de police judiciaire, eux-mêmes placés sous le contrôle direct et effectif de l'autorité judiciaire ». L'article 92 était contraire à l'article 66 de la Constitution qui impose que la police judiciaire soit placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire.
III. POLITIQUE LOCALE DE PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE
Couvre feu des mineurs
L'article 43 institue la possibilité pour préfet (ou à Paris le préfet de police) de décider une mesure administrative tendant à restreindre la liberté d'aller et de venir des mineurs de moins 13 ans lorsque le fait, pour ceux-ci, de circuler ou de stationner sur la voie publique entre 23 h et 6 h sans être accompagnés de l'un de leurs parents ou du titulaire de l'autorité parentale les expose à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur éducation ou leur moralité (possibilité déjà ouverte au maire dans le cadre de son pouvoir de police générale). En ce cas, le couvre feu, qui présente un caractère général, doit être « strictement proportionné aux nécessités locales » et circonscrit à une « zone particulière et d'une durée limité », précise la circulaire. S'agissant des couvre-feux individuels (mesure judiciaire), le tribunal pour enfants est seul compétent. Le Conseil constitutionnel a déclaré conformes à la Constitution ces dispositions. En revanche, il a censuré le paragraphe III de l'article 43 qui punissait d'une peine contraventionnelle le fait pour le représentant légal du mineur de ne pas s'être assuré du respect par ce dernier de ce couvre feu collectif ou individuel. Cette disposition permettait de punir le représentant légal pour une infraction commise par le mineur.
Contractualisation de la politique locale de prévention de la délinquance
L'article L. 2211-4 du CGCT dispose que sous réserve des pouvoirs de l'autorité judiciaire et dans le respect des compétences du préfet, « des compétences d'action sociale confiées au département et des compétences des collectivités publiques, des établissements et des organismes intéressés, le maire anime sur le territoire de la commune, la politique de prévention de la délinquance et en coordonne la mise en oeuvre ». L'article 44 de la loi complète cette disposition pour préciser que le maire peut, pour les besoins de cette mission, convenir avec l'Etat ou avec d'autres personnes morales intéressées des modalités nécessaires à la mise en oeuvre des actions de prévention de la délinquance. Cette mesure encourage une coordination des rapports entre les pouvoirs publics dans ce domaine « dont il appartiendra au maire de définir les contours en fonction des nécessités locales », indique la circulaire d'application concernant la prévention de la délinquance.
L'article 45 prévoit que les modalités d'échange d'informations au sein des conseils locaux de prévention de la délinquance (CLSPD) soient définies par le règlement intérieur.
Responsabilité parentale
L'article 46 étend le champ du contrat de responsabilité parentale. Pour rappel, l'article L. 222-4-1 du Code de l'action sociale et des familles permet au président du conseil général de proposer à certains parents un tel contrat en cas d'absentéisme scolaire, de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de tout autre difficulté liée à la carence de l'autorité parentale.
Par ailleurs, le conseil pour les droits et devoirs des familles (CDDF) est rendu obligatoire pour toutes les communes de plus de 50 000 habitants, afin de favoriser « le dialogue et le soutien des familles confrontées aux problèmes de comportement de leurs enfants », précise la circulaire d'application.
IV. DISPOSITIONS DIVERSES
La loi comporte un volet important consacré à la sécurité dans les transports publics. Elle institue (art. 57) un délit de pénétration sans autorisation dans les cabines des trains et des rames de métro (art. L. 2242-4 du Code des transports), puni de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Elle prévoit en outre (art. 66) l'aggravation des peines an cas de dégradation de véhicules de transports publics (art. 322-3 du Code pénal), afin de répondre notamment au « caillassage » de bus et aux actes de vandalisme.
La loi comporte par ailleurs un volet relatif à la lutte contre les violences sportives et renforce en particulier la réglementation sur les interdictions administratives de stade (durée maximale portée à 12 mois, motifs élargis - art. 64). L'obligation de pointage, garantie de l'efficacité du dispositif, pourra aussi valoir pour des manifestations sportives se déroulant à l'étranger. Les articles 60 à 65 régissent quant à eux les déplacements des supporters d'équipes lors de manifestations sportives.
La loi (art. 66) alourdit par ailleurs les peines encourues pour les destructions commises « lorsque le bien détruit, dégradé ou détérioré est destiné à l'utilité ou à la décoration publique et appartient à une personne publique ou chargée d'une mission de service public » (art. 322-3, 8° du Code pénal).
Les articles 6 à 9 de la loi favorisent l'identification des cadavres anonymes. A cette fin, la loi permet les comparaisons d'empreintes génétiques. Elle modifie l'article L. 2223-42 du CGCT afin que des prélèvements biologiques puissent être réalisés sur un cadavre anonyme, sous l'autorité du procureur de la République, avant la fermeture du cercueil.
S'agissant du recueil des images numérisées pour l'établissement des titres sécurisés, la loi précise (art. 16), que « la mission confiée au maire de réception et de saisie des demandes de passeport ne comporte le recueil de la photographie du visage du demandeur que pour les communes équipées à cette fin à la date du 1er janvier 2011 et pour une période définie par décret ». En dehors de ces cas, les photographies destinées à la réalisation des passeports, cartes nationales d'identité et autres titres sécurisés sont réalisées par un professionnel de la photographie.
L'article 49 prévoit un délit d'entrave au déroulement des débats d'une assemblée parlementaire ou d'un organe délibérant d'une collectivité territoriale, puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (art. 431-1 du Code pénal).
- Le Conseil constitutionnel a en revanche déclaré contraire à la Constitution, l'article 90 qui permettait au préfet de procéder à l'évacuation forcée d'une installation illicite sur un terrain public ou privé comportant de « graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ». Ces dispositions, qui « permettaient de procéder dans l'urgence, à toute époque de l'année, à l'évacuation, sans considération de la situation personnelle ou familiale, de personnes défavorisées et ne disposant pas d'un logement décent », opéraient ainsi « une conciliation manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les autres droits et libertés », a jugé le Conseil.