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TERRITOIRES

Les digues et les obligations du maire dans la gestion du risque d'inondation

LA RÉDACTION, LE 1er AVRIL 2013
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Malgré l'existence de plans nationaux d'envergure comme le plan digue et les plans de gestion des risques d'inondation créés par loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 (1), les communes ne peuvent faire l'économie de mesures de prévention et de sauvegarde appropriées aux territoires situés derrière des digues, d'autant qu'en présence de victimes, la responsabilité pénale du maire est susceptible d'être engagée (2). I. Une obligation de prévention des inondations et des ruptures de digues Dans le cadre de ses pouvoirs de police générale, le maire est responsable de la sûreté et de la sécurité publique, il doit « prévenir les inondations et les ruptures de digues » (3). Il a l'obligation d'assurer la protection des personnes, des biens, et de prendre des mesures de sûreté en cas de dangers graves et imminents (A) (4). Au titre de la police d'urbanisme, le maire est également tenu d'apprécier la compatibilité du développement urbain avec le risque d'inondation dans les zones endiguées (B). A. Le maintien de la sûreté et de la sécurité publique Si le maire doit prévenir les risques d'inondation (1), l'exercice de son pouvoir de police est nécessairement motivé par la prévention et la gravité des risques (2). 1. Une obligation de prévention au titre du pouvoir de police du maire La loi n'impose aucune obligation au maire de construire ou de prendre en charge l'entretien des digues, la responsabilité incombant au propriétaire de l'ouvrage en cas de rupture et de crue (5). La commune peut néanmoins être mise en cause dans trois hypothèses (6). La première est consécutive à un défaut d'intervention en présence d'une digue manifestement dangereuse. Le Conseil d'État a retenu la responsabilité du maire de Pertuis en raison de « l'importance de la brèche pratiquée dans la digue, (et de) son ancienneté » (7). Ce dernier aurait dû procéder à une inspection de la digue, à l'évacuation des personnes et prescrire des travaux de consolidation en raison de sa fragilité (8). La jurisprudence assigne ainsi une obligation de surveillance de l'état des digues quand bien même l'entretien relève de la compétence d'un propriétaire privé ou encore d'un gestionnaire (9). Pour atténuer, voire écarter sa responsabilité, il incombe au maire de démontrer que toutes les mesures propres à éviter la rupture de la digue ont été prises. Un constat d'huissier ainsi que la convocation des propriétaires de la digue lors des différentes inspections permettront à la commune de se ménager la preuve de ses actions préventives. L'absence de signalisation indiquant aux véhicules le danger résultant de la présence d'une digue peut également constituer une faute (10). Dans cette hypothèse, le maire a l'obligation de signaler les risques naturels, sa responsabilité peut être engagée sur la base d'une faute simple (11). Enfin, au terme de l'article L. 2212-2 du Cgct le maire doit « pourvoir d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours » (12). En cas de crise, la mise en place d'un plan de sauvegarde communal peut constituer une solution efficace pour anticiper le risque d'inondation (13). Lors de l'élaboration du plan, la commune aura tout intérêt à envisager le scénario d'une rupture d'une digue en collaboration étroite avec les autorités préfectorales et le Sdis pour coordonner les secours (14). Ce plan n'a pas vocation à se substituer au service de secours et d'urgence, seules des mesures d'assistance et de soutien à la population sont envisageables (15). 2. Les conditions d'exercice du pouvoir de police du maire Le juge administratif vérifie que les mesures envisagées répondent aux circonstances et à la gravité des risques que le maire entend prévenir (16). Son action nécessite d'être « graduée » (17), seul un risque de « danger perceptible ou prévisible » (18) ou « imminent » (19) justifie l'exercice de son pouvoir de police. Toute la difficulté résidera dans l'appréciation du risque d'inondation. La présence de brèches, le débit et la hauteur d'eau sont autant d'indices susceptibles de conduire la maire à user de son pouvoir de police (20). En dehors de ces hypothèses, ce dernier ne peut imposer à un propriétaire privé des travaux d'entretien ou encore s'y substituer pour le renforcement ou la construction d'une digue (21). De même que des mesures préventives ne peuvent avoir pour objet de priver le propriétaire de la jouissance de son bien (22). Lorsqu'une digue présente un degré de dangerosité important, de simples mesures de polices s'avèrent insuffisantes, le maire doit demander au préfet de mettre en œuvre l'expropriation pour cause de risque naturel prévisible codifié aux articles L. 561-1 et L. 561-2 du Code de l'environnement (23). Le défaut d'entretien des digues comprises dans le domaine public de l'État peut également susciter de nombreuses difficultés. En cas de péril imminent, si le maire peut s'immiscer dans les pouvoirs de police spéciale de l'état, une mise en demeure du préfet s'avère indispensable (24). Ce dernier peut toujours, au titre des pouvoirs de police spéciale sur les cours d'eau non domaniaux conférée par l'article L. 215-7 du Code de l'environnement ou encore au titre des procédures d'autorisation et de déclaration établies par les articles R. 214-6 et suivants et R. 214-32 et suivants du Code de l'environnement (25), ordonner l'arasement d'une digue édifiée sans autorisation préalable (26). B. La prise en compte des digues dans l'aménagement du territoire La maîtrise de la constructibilité derrière les digues nécessite d'être planifiée (27) (1) et autorisée (28) (2). 1. Les digues et la planification urbaine Lors de l'élaboration ou de la révision du Plu, la prise en compte du risque d'inondation constitue une obligation définie aux articles L. 121-1, L. 123-1 et R. 123-11 du Code de l'urbanisme (29). La difficulté consiste à déterminer les droits à construire et à évaluer le risque au stade du rapport de présentation. La phase préalable de diagnostic nécessite une appréhension globale des zones endiguées en tenant compte de l'état actuel des digues, des risques naturels et technologiques susceptibles d'affecter la zone, des crues passées ainsi que de la probabilité maximale de rupture des ouvrages. La connaissance de la vulnérabilité induit une inspection des digues ainsi qu'un état des lieux des personnes, des biens, des activités et des infrastructures « sensibles » comme les écoles ou les hôpitaux. La qualité du diagnostic va conditionner le niveau de protection et en partie la légalité des prescriptions contenues dans le Plu, qui doivent être compatibles avec les dispositions des futurs Pgri, et d'un Ppr approuvé (30). La planification des risques exige une cartographie précise des zones endiguées qui permettra de prévenir le risque auprès des populations mais également de définir les zones à réhabiliter dans le cadre des objectifs d'aménagement définis dans le Padd. Deux orientations majeures s'imposent dans les zones où l'aléa derrière les digues est le plus important. La première consiste à interdire les implantations quels que soient la qualité des digues et les aménagements réalisés par le propriétaire ou le gestionnaire de l'ouvrage (31). La seconde vise à empêcher ou limiter les reconstructions dans les zones sinistrées. Le règlement du Plu peut réglementer de manière restrictive l'implantation des constructions derrière les digues et les zones exposées à un risque d'inondation. Les emplacements réservés, ou encore l'utilisation du droit de préemption institué par les articles 67 et 79 de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels (32) constituent autant de pistes envisageables pour exercer une emprise et un contrôle sur l'urbanisation dans ces zones. 2. Les digues et l'urbanisme opérationnel En l'absence de Ppri ou dans l'attente de son approbation, le risque d'inondation constitue un élément d'appréciation lors de l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme. La mise en place tardive d'un Ppri par l'État ou la contradiction d'un Ppri avec les dispositions du Plu ne saurait exonérer la commune de ses responsabilités dans la gestion du risque d'inondation (33). L'instruction d'un permis de construire nécessite alors une appréhension globale de la construction envisagée (34), la nature du projet, sa destination, son impact sur le risque d'inondation induisant une application « stricte » (35) des dispositions de l'article R. 111-2 du Code de l'urbanisme. Cette obligation s'impose aussi aux communes, la jurisprudence ayant confirmé l'annulation d'un permis de construire en vue de l'extension d'un bâtiment public (36). En cas de contentieux, le juge vérifie la réalité du risque d'inondation qu'il qualifie en fonction des circonstances et de la connaissance du risque de la commune et du pétitionnaire. C'est pourquoi, le refus d'un permis de construire n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation si au moment de l'instruction le maire dispose d'études sur l'état des digues et des ouvrages hydrauliques (37). Des prescriptions spéciales comme des fondations spécifiques (38), la création de zones refuges, ou encore une marge de recul peuvent être imposées au pétitionnaire pour réduire le risque d'inondation. Ainsi, la réalisation d'un diagnostic est fortement recommandée s'il n'a pas été réalisé au moment de l'élaboration ou de la révision du Plu (39). II. L'identification des digues Malgré la compétence exclusive de l'État dans le recensement des digues, le maire doit identifier les digues existantes sur le territoire de la commune et s'assurer que les propriétaires privés assument leurs obligations (A). Il conviendra alors de régler le problème des digues dites « orphelines » (B). A. L'absence de définition législative de digues Les digues ne font l'objet d'aucune définition juridique, le juge qualifiant « librement » (40)  la nature de l'ouvrage. Cette carence est regrettable, car elle laisse planer une incertitude sur les obligations pesant sur le maire, la responsabilité de l'État dans le recensement des digues et la délimitation des zones exposées aux risques naturels n'exonérant en rien la commune de ses obligations de prévention. En l'absence de définition législative, le professeur Jean Marc Février définit la digue comme « un ouvrage ayant pour effet de s'opposer à l'expansion de l'eau en créant un différentiel de charge hydraulique avec la zone protégée qu'il surplombe » (41). La circulaire du 8 juillet 2008 apporte quelques précisions supplémentaires, elle considère comme des digues : « les ouvrages de protection contre les inondations fluviales, généralement longitudinaux au cours d'eau, les ouvrages qui ceinturent des lieux habités, les ouvrages de protection contre les submersions marines en zone d'estuaires, les digues des rivières canalisées, les ouvrages de protection sur les cônes de déjection de torrents, les digues transversales délimitant, avec la digue longitudinale, une zone de protection homogène » (42). À la différence d'un barrage hydraulique, une digue n'est pas destinée à stocker de l'eau, mais vouée à empêcher son expansion (43). D'autres ouvrages dont la vocation n'est pas de prévenir les inondations peuvent également être considérés comme des digues, peu importe les matériaux les composants (44). C'est le cas des remblais de voie de chemin de fer, des remblais routiers, remblai d'accès à un pont ou une infrastructure en remblai, voire de remparts protégeant une ville (45) ou encore de murette (46). Ces différentes définitions, qui s'inscrivent dans une appréciation large de la notion de digue, reposent sur une approche fonctionnelle en privilégiant soit l'intention du maître d'ouvrage, soit la fonction objective de l'ouvrage (47). Dans cette perspective, des constructions situées sur le domaine public et qui jouent le même rôle que les digues sont susceptibles de soumettre la commune aux obligations du décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007. Ce risque est d'autant plus grand que le fait de vouloir échapper à ses obligations en tentant de démontrer que l'ouvrage ne répond pas au qualificatif de digue reste « une idée contre-productive en termes de responsabilité » (48) et constitue généralement un fait aggravant auprès du juge (49). Ce dernier n'étant pas lié par la qualification retenue par l'État (50), la commune devra vérifier que tout ouvrage susceptible d'influencer le cours d'une inondation ne présente pas un risque pour la sécurité publique (51). B. La neutralisation des digues dites « orphelines » En l'absence de propriétaire ou de gestionnaire connus, la procédure des biens vacants et sans maîtres (52) permet « aux communes de mettre, sans négociation et de plein droit, l'État face à ses responsabilités en matière de gestion du risque d'inondation » (53). En effet, si l'article 713 du Code civil précise « les biens qui n'ont pas de maître appartiennent à la commune sur le territoire de laquelle ils sont situés », la propriété peut être transférée de plein droit à l'État lorsque la commune renonce à exercer ses droits. La procédure d'appropriation des biens vacants de l'article L. 1123 et suivant du Cgpp aboutit au même résultat (54). Mais si ces différentes procédures permettent « de réduire la catégorie des orphelines » (55), l'État peut toujours transférer la gestion des digues auprès des collectivités notamment en présence de gestionnaires inaptes (56). En cas de prise en charge conventionnelle (57) ou forcée, la commune sera soumise aux obligations définies dans le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la sécurité des ouvrages hydrauliques et au comité technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques. Toute une série de contraintes plus ou moins importantes comme la constitution et la tenue à jour d'un dossier de l'ouvrage, l'élaboration de dossiers techniques approfondis et la réalisation périodique d'études approfondies sur la sécurité (58), s'imposeront selon la hauteur de la digue et la population protégée (59). Le préfet dans le cadre de la police de l'eau a la faculté de prescrire un diagnostic de sûreté de l'ouvrage pour remédier aux insuffisances de l'ouvrage, de son entretien ou de sa surveillance (60). En présence d'un dysfonctionnement de l'ouvrage, si celui-ci résulte d'un d'un défaut d'entretien (61) ou encore d'un vice de conception (62), la responsabilité de la commune peut être engagée si un dommage est causé à un usager ou à un tiers (63). Pour ne pas décourager les éventuels gestionnaires publics et pour « pallier une analyse jurisprudentielle très stricte de la force majeure » (64), l'article L. 562-8-1 du Code de l'environnement limite la responsabilité pour des dommages que l'ouvrage n'a pas permis de prévenir dès lors qu'il a été conçu, exploité et entretenu dans les règles de l'art et conformément aux obligations légales et réglementaires. C'est ainsi qu'un arrêt du 5 novembre 2012 retient une conception restrictive du défaut d'entretien, la rupture d'une digue réalisée au XIXe siècle « ne (pouvant) être regardée comme (résultant d')un vice de conception, assimilable à un défaut d'entretien normal de cette dernière » (65). Malgré ces tempéraments, les communes restent réticentes à cette prise en charge, qui demande la mobilisation de moyens importants et l'expose à un régime de responsabilité qui reste pour le moins « complexe » (66) et généralement favorable à la victime lorsque les travaux réalisés sont assimilés à des travaux publics. Conclusion Si l'élaboration d'un plan digue à l'échelle communale s'impose, sa mise en œuvre s'avère délicate. En sus des exigences financières liées à l'évaluation de la vulnérabilité et l'entretien de ces ouvrages, bien souvent, le maire ne dispose pas de services techniques suffisamment conséquents. On ne saurait toutefois rappeler que la mise en responsabilité de la commune peut s'avérer parfois bien plus coûteuse que les mesures préventives nécessaires à la sécurité des personnes et des biens.


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