C'est un projet de chauffage urbain exemplaire qui voit le jour dans deux nouveaux quartiers à Strasbourg. Conçu par EBM Thermique, filiale française de la coopérative suisse productrice et distributrice d'énergie, il exploite de manière optimale les ressources du territoire. Tout commence par le pompage de l'eau dans la nappe phréatique, à une température comprise entre 10 et 12 °C, à environ 35 mètres de profondeur, à l'entrée du nouveau quartier des Tanneries de Lingolsheim.
Une première montée en température est assurée par l'entreprise Octapharma, située quelques centaines de mètres plus loin qui, elle, a besoin de froid pour son process. Elle en extrait donc le froid, et rejette les calories dans le réseau : l'eau sort d'Octapharma à 20 °C. Commence alors la seconde phase, qui vise à doubler à nouveau la température. Pour cela, des pompes à chaleur géothermiques, d'une puissance unitaire de 700 kW vont s'activer. Elles seront au nombre de trois lorsque le quartier aura fait le plein de ses 1 200 logements. L'une d'entre elles, à palier magnétique, sera réservée à la production des températures les plus élevées. Mais le reste, entre 40 et 45 °C, suffit à chauffer les appartements, équipés de planchers chauffants à basse température.
Reste l'eau chaude sanitaire. La biomasse s'en charge : le réseau est couplé à deux chaudières d'un rendement de 85 %. La première, d'une puissance de 1,2 MW, sera alimentée par 1 000 tonnes de rafles de maïs dès la livraison des premiers logements, au premier trimestre 2014. La seconde, prévue pour la phase suivante du quartier, déploiera 2,5 MW à partir de 3 000 tonnes de plaquettes forestières. L'eau atteint ainsi une température maximale de 70 °C, et transite par un second réseau de chaleur. Ce dispositif présente trois avantages majeurs, selon EBM Thermique. D'abord, il maintient un coefficient de performance (COP) très élevé sur les pompes à chaleur qui peuvent travailler dans leur plage de température optimale sur leur réseau. Ensuite, il permet d'utiliser le réseau à basse température pour le rafraîchissement (geocooling) des logements en été directement à partir de l'eau fraîche de la nappe. Enfin, grâce à sa température inférieure à 50 °C, la chaleur résiduelle de l'eau de retour est utilisée dans le condenseur des fumées d'une des chaudières. Pas moins de 900 kW sont ainsi récupérés et réinjectés dans le réseau de chauffage. « Ainsi, à certaines périodes de l'année, nous n'aurons pas besoin des pompes à chaleur géothermiques », souligne Hervé Lamorlette, directeur général d'EBM Thermique. Le gaz complète le dispositif au moyen d'une chaudière de 6 MW au départ, doublée à terme d'un second équipement de même puissance. Mais il ne couvrira au maximum que 20 % des besoins. De plus, les deux réseaux de chaleur, au départ de la chaufferie, sont à débit variable à tout moment pour s'adapter au plus près aux besoins et aux températures extérieures.
Le dispositif est reproduit à l'identique à 1,5 km des Tanneries pour un second écoquartier également en émergence, les Rives du Bohrie, à Ostwald. Bilan de l'installation, d'un coût de 17 millions d'euros : le chauffage principal est assuré à une température inférieure de 50 degrés à un réseau de cha-leur urbain traditionnel, avec un rendement global de plus de 90 %. « Nous divisons par deux les pertes d'énergie de distribution », assure Hervé Lamorlette. Le tout sans introduire de technologie prototype : « L'innovation découle de l'agglomération de plusieurs techniques, ce qui est inhabituel », souligne Hervé Lamorlette.