Vingt-un logements, complétés de deux locaux d’activités : achevée ce mois de juillet à Strasbourg, la K’Hutte forme la plus grande réalisation d’habitat participatif en France, d’un coût total de 5,8 millions d’euros. Elle ne sera pas un Ovni écolo au sein de son écoquartier qui lui fournit un réseau de chaleur géothermique. D’ossature béton, isolé principalement par du polystyrène, de niveau BBC sans plus, son bardage de tôle domine son aspect extérieur, en attendant toutefois la végétalisation de deux façades.
Située parfaitement dans les prix de vente du marché local (une moyenne de 3 300 euros TTC du mètre carré), elle ne sera pas un rassemblement de bobos. Ses propriétaires se recrutent dans tous les âges et dans des catégories socio-professionnelles diverses. Seuls huit d’entre eux l’occuperont en permanence. Une association a acquis deux appartements pour des traumatisés crâniens, mais les autres en feront leur pied-à-terre secondaire ou les loueront. Pas très différent de la promotion immobilière classique. Et alors ? répondent en substance ses géniteurs. L’architecte Yves Grossiord, qui déménagera son cabinet sur place, et l’assistant à maîtrise d’ouvrage Bertrand Barrère (société Unanimm) assument la « normalité » de la K’Hutte. « Pourquoi faudrait-il interdire cette forme d’habitat aux locataires ? Pourquoi faudrait-il lui imposer des ambitions écologiques démesurées dont la promotion classique pourrait s’affranchir ? », interrogent-ils.
Pour eux, le projet satisfait aux critères-clés de l’habitat participatif : une communauté de destin sans vivre en permanence les uns sur les autres ; et surtout un logement sur-mesure. « L’ossature béton le permet, justement. Chacun a eu son plan personnalisé, comme une maison individuelle », souligne Yves Grossiord. Des coins toilettes individuels au lieu d’une salle de bains commune, une entrée par la cuisine, la transformation d’une cave en local pour percussionniste, une dalle renforcée pour supporter un énorme aquarium de 500 litres : les demandes plus ou moins étonnantes ont pu être prises en compte. La dimension collective s’incarne au dernier étage, par une salle commune et une terrasse-jardin de 200 m2, en complément des terrasses individuelles.
Une autre « normalité » revendiquée tient à la durée de gestation. Moins de cinq ans se sont écoulés entre la toute première esquisse et la livraison, ce qui n’a rien d’excessif en comparaison d’un programme classique. « 80 % de la commercialisation s’est faite dans les deux premières années et presque aucun candidat n’a renoncé en cours de route », rappelle Bertrand Barrère. Souplesse de l’aménageur de l’écoquartier (la Sers), expertise dans l’accompagnement des candidats, constitution d’une équipe complète de maîtrise d’œuvre, regroupement des acquéreurs dans une société civile coopérative expliquent ce déroulement plutôt fluide, selon les concepteurs de la K’Hutte. Un facteur extérieur vient gâcher le résultat final, enragent-ils. Surgi « sans concertation aucune », un programme privé viendra boucher la vue depuis la façade Sud.CRLe site consacré au projet K'Hutte