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BIODIVERSITÉ

Tribune | « L’agriculture au chevet des abeilles »

PUBLIÉ LE 11 JANVIER 2024
PAR PHILIPPE LECOMPTE, APICULTEUR BIO PROFESSIONNEL ET PRÉSIDENT DU RÉSEAU BIODIVERSITÉ POUR LES ABEILLES
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Tribune | « L’agriculture au chevet des abeilles »
Philippe Lecompte / Crédit : Réseau Biodiversité pour les Abeilles
Philippe Lecompte, apiculteur bio professionnel et président du Réseau Biodiversité pour les Abeilles, invite à penser conjointement agriculture et protection des abeilles. Celles-ci sont essentielles à la production agricole et à la diversité biologique des végétaux, rappelle-il dans cette tribune. 

Après des années noires à répétition, et malgré une situation inquiétante, la filière apicole française retrouve des couleurs. La production est en hausse avec 34.000 tonnes de miel récoltées en France. Certaines estimations laissent penser que la réalité pourrait même flirter avec les 40.000 tonnes. Cette tendance masque une disparité territoriale forte marquée par un déplacement des bassins de production. Au Nord d’une ligne allant du Pays Basque aux Alpes, le changement climatique entraîne une météo plus favorable pour les ressources florales. La conjonction de températures élevées au printemps avec une pluviométrie importante en avril et en juin a permis de soutenir les floraisons et les miellées. Grâce à des apports importants en pollen et en nectar, les colonies ont pu se développer en début de saison et pallier les mortalités hivernales toujours trop importantes. Ces facteurs sont essentiels pour les apiculteurs qui intègrent de plus en plus la notion de production d’essaims dans leurs pratiques afin de stabiliser leur cheptel. 
 
Les tendances de fond sur les grandes cultures sont elles aussi bénéfiques à l’apiculture. Si dans le Sud, une menace pèse sur la lavande, la hausse des surfaces de tournesol et de colza et le maintien de la production de luzerne offrent aux butineuses un garde-manger de qualité.  C’est là un des enjeux pour une filière qui demeure fragilisée par une recherche scientifique trop inefficace pour répondre aux besoins des apiculteurs. Le boom de la production ne doit pas masquer les menaces qui continuent de peser sur les butineuses, à commencer par le Varroa, ennemi numéro 1 des abeilles, et le cortège de virus qu’il véhicule au sein des colonies infestées, laissant trop souvent les apiculteurs démunis, d’autant que des mutations peuvent multiplier la pathogénicité par 10.

Pour s’assurer un avenir, la filière apicole française doit produire des miels bons marchés afin de concurrencer ceux qui inondent le marché, notamment en provenance d’Ukraine et de Chine. Et pour remporter cette bataille commerciale, le miel de tournesol est la clé de voûte de la production tricolore. En raison du caractère très mellifère du tournesol et de l’abondance de son nectar, cette culture permet une production de miel importante et sécurisée, complémentaire des miellées printanières, beaucoup moins aléatoires que celles des miellées de forêts comme le sapin ou l’acacia. 
 
Et lorsque la météo et la ressource alimentaire sont au rendez-vous, le chemin de croix des apiculteurs est constitué des choix politiques et législatifs posés à Paris et à Bruxelles. C’est le cas de l’avenir des variétés tolérantes plébiscitées par les producteurs de tournesol. Ces innovations variétales permettent en effet un traitement phytosanitaire en post-levée, c’est-à-dire uniquement en cas de présence de mauvaises herbes. Parmi elles, l’ambroisie est particulièrement redoutable. Cette espèce invasive est aussi fortement allergène. Sa progression est importante dans les bassins de production de tournesol, notamment la Vallée du Rhône, le Sud-Ouest et le Grand Est, provoquant des problèmes de santé publique. Les variétés tolérantes sont une des solutions les plus efficaces pour contenir le développement de l’ambroisie et maintenir les surfaces de tournesol, stratégiques pour la production de miel et l’équilibre économique et commercial de l’apiculture française. En complexifiant le cadre réglementaire pour utiliser ces variétés, par des contraintes administratives déraisonnables, les parlementaires et les pouvoirs publics font peser une grave menace sur une filière apicole fragilisée depuis de nombreuses années et qui commence à peine à entrevoir le bout du tunnel. Au-delà des difficultés auxquelles les apiculteurs risquent d’être exposés inutilement, c’est l’efficacité de la politique sanitaire qui est en jeu puisque l’ANSES estime que les allergies provoquées par l’ambroisie pourraient affecter jusqu’à 3,5 millions de personnes. 

L’autre conséquence néfaste d’une complexification de la réglementation de ces variétés de tournesol serait la perte brutale et significative de biodiversité.
 
L’abeille est souvent considérée, à juste titre, comme une clé de service de la biodiversité. Elle assure en effet le service de la pollinisation. Et gracieusement. Sans elle, les rendements des productions agricoles seraient en berne tout comme les couleurs de nos campagnes mais aussi le patrimoine inestimable de la diversité biologique des végétaux, et avec elle d’innombrables espèces de la faune et de l’entomofaune. L’engagement de tous est plus que jamais nécessaire pour soutenir la santé des abeilles comme celle des exploitations apicoles et agricoles. Les difficultés de la mobilisation en faveur du climat, soulignées lors de la dernière COP 28, nous appelle à être responsables en matière de biodiversité, sans excès et avec détermination. Oui, avec la biodiversité, on a tous à y gagner.
 
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