Le constat est unanime, la criminalité environnementale est en hausse spectaculaire. En France, les infractions au droit de l'environnement ont augmenté de 20 % entre 2010 et 2012. Et dans le monde, l'arrivée des mafias, en particulier sur le secteur des déchets et du commerce d'espèces menacées, a fait bondir le nombre et la gravité des trafics. Gros bénéfices, risques faibles et sanctions inexistantes, tout s'explique. Un rapport d'Eurojust de novembre 2014 estime les profits générés entre 30 et 70 milliards de dollars par an. Cette forme de criminalité est même classée au quatrième rang mondial des activités illicites derrière les stupéfiants, la contrefaçon et le trafic des êtres humains. Cette évolution a conduit une équipe de seize juristes internationaux à travailler pendant trois ans, sous la présidence de Laurent Neyret, professeur à l'université de Versailles, sur l'évolution du droit pénal de l'environnement. Un travail réalisé en collaboration inédite avec la rédaction du Monde qui a remonté cinq filières illégales, sujet de cinq enquêtes en cours de publication, autant de « scènes de crimes » pour les juristes.
La synthèse de ces travaux, qui comprend 35 recommandations, a été publiée* et remise à la ministre de la Justice Christiane Taubira. Le diagnostic de ces experts est sans appel. « Le droit français est illisible et non dissuasif. Le droit international est éclaté entre des textes sectoriels comme la convention de Bâle sur les déchets et la convention Cites sur le commerce des espèces menacées », constate Laurent Neyret.
À l'échelle nationale, il recommande d'une part de dépénaliser les infractions liées à la violation de règles administratives et d'autre part de créer dans le Code pénal des délits de mise en danger et d'atteinte à l'environnement. À l'échelle internationale, il propose la généralisation de la coopération judiciaire, la création de sanctions adaptées et une convention internationale contre la criminalité environnementale. « D'un point de vue institutionnel, il faut envisager un procureur international de l'environnement, un groupe de recherche et d'enquête et une cour pénale internationale », conclut-il. À défaut de croire à la révolution pénale, on peut déjà se réjouir de l'annonce par Christiane Taubira d'une présentation avant l'été du projet de loi sur l'introduction du préjudice écologique dans le Code civil. DB