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La défense incen die en manoeuvres

LA RÉDACTION, LE 1er AVRIL 2008
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L'apport en eau nécessaire pour assurer la défense incendie est encore aujourd'hui défini par trois circulaires, dont la plus récente date de... 1967 ! La principale, datant de 1951, invite à respecter un certain nombre d'exigences techniques, dictées avant tout par les caractéristiques des équipements des sapeurs-pompiers et une maxime issue de l'observation des sinistres : « L'engin de base de lutte contre le feu est la motopompe de 60 m3/h dont sont dotés les centres de secours. La durée approximative d'extinction d'un sinistre moyen peut être évaluée à deux heures. Comme corollaire immédiat, il en résulte que les sapeurs-pompiers doivent trouver sur place, en tout temps, 120 mètres cubes d'eau utilisables en deux heures. » La circulaire de 1951 précise les données techniques à respecter : les réseaux d'eau doivent pouvoir fournir un débit minimal de 17 l/s à une pression minimale de 1 bar ; les prises d'incendie doivent avoir un diamètre de 100 mm, sauf exceptions ; ces prises doivent se trouver en principe à une distance de 100 à 200 mètres les unes des autres, l'espacement pouvant être étendu à 400 mètres dans les zones où les risques sont très faibles. Ce texte signale que des points d'eau naturels ou des réserves artificielles peuvent être aménagés là où une extension du réseau serait trop coûteuse. Ils sont aussi utilisés si le réseau n'a pas la puissance nécessaire pour répondre aux besoins des sapeurs-pompiers. Ces points d'eau doivent notamment pouvoir fournir les 120 m3 d'eau indispensables, d'après la circulaire, aux services de secours, être incongelables et toujours accessibles aux camions. La mise en place de ces points d'eau peut se révéler essentielle. En effet, « les réseaux d'alimentation en eau potable doivent être conçus pour leur objet propre : l'alimentation en eau potable. La défense contre l'incendie n'est qu'un objectif complémentaire qui ne doit, ni nuire au fonctionnement du réseau en régime normal, ni conduire à des dépenses hors de proportion avec le but à atteindre », précise une circulaire du ministère de l'Agriculture du 9 août 1967. Surdimensionner les réseaux d'eau potable pour satisfaire les besoins de la défense incendie, comme cela a pu être fait, risque de conduire à des problèmes sanitaires. La vitesse de circulation de l'eau en distribution normale est alors très faible, d'où une stagnation de la ressource et un risque de prolifération bactérienne ou de corrosion. De même, construire un réseau parallèle réservé à la défense incendie sera trop coûteux, même si cette solution a été adoptée ici ou là. Délimitation des responsabilités Ces textes et leurs règles relativement rigides doivent être abrogés sous peu, avec l'adoption d'un nouveau décret « d'ici à l'été ou l'automne 2008 si tout va bien », précise le lieutenant-colonel Philippe Blanc, en charge du dossier à la direction de la Défense et de la Sécurité civiles du ministère de l'Intérieur. Sa prudence s'explique facilement : au moins trois projets de refonte des principes du système de défense incendie ont échoué au cours des quarante dernières années. Et l'adoption d'un nouveau texte est promise depuis près de deux ans... Toutes les recommandations techniques données par ces directives ne sont en réalité qu'indicatives, puisqu'une circulaire n'a pas force réglementaire, contrairement au décret. Ce nouveau texte devra notamment clarifier les responsabilités des différents acteurs administratifs : mairie, service départemental d'incendie et de secours (SDIS), syndicat intercommunal... C'est le maire, détenteur des pouvoirs de police sur sa commune, qui décide des solutions à mettre en oeuvre pour la défense incendie, compte tenu des facteurs de risques qu'il connaît et des moyens dont il dispose. Il doit être aidé dans cette tâche par les SDIS, en d'autres termes, les sapeurs-pompiers. L'un des principaux buts du nouveau décret sera de préciser les rôles du maire et des SDIS, et de renforcer leur concertation. En effet, une certaine confusion s'était peu à peu installée sur les fonctions des uns et des autres. Normalement, la responsabilité du contrôle du bon fonctionnement des prises incendie - appelées hydrants -et du réseau incombe au maire. Même si le règlement impose aux SDIS de procéder à un test annuel des bouches et des poteaux d'incendie, cela ne s'apparente pas à un contrôle complet. Comme le rappelle Guillaume Priou, gérant chez Hydam, société qui s'est lancée dans le contrôle des hydrants : « Les normes en vigueur imposent un contrôle plus complet que la simple mesure du débit et de la pression réalisée par les sapeurs-pompiers. Il faut aussi désengorger les matériels, vérifier l'état des bouchons, des raccords, des joints, de la soupape, du régulateur, effectuer le graissage de plusieurs éléments, contrôler visuellement la signalisation et l'accessibilité des prises à incendie. Toutes ces données apparaissent dans un rapport de maintenance rendu au maire. Ce dernier pourra le présenter en cas de problème afin de prouver qu'il avait pris toutes ses dispositions pour assurer une bonne défense incendie. » Ce dernier point est essentiel : le maire est responsable en cas de défaillance des moyens en eau mis à la disposition des secours. Si, lors d'un incendie, les dégâts sont aggravés parce qu'une borne fonctionne mal, le débit est trop faible ou une citerne trop petite, les victimes pourront se retourner contre l'élu ; et elles le font de plus en plus, secondées par leurs compagnies d'assurances. Résultat, les services d'entreprises comme Hydam sont de plus en plus sollicités. « Il y a encore trois ou quatre ans, les inspections effectuées par les SDIS, qui vérifiaient la pression et le débit aux prises, semblaient suffire. Aujourd'hui, ces services se désengagent de plus en plus de ce domaine d'action, car il a pu leur être reproché de n'avoir pas fourni un service suffisamment performant, alors qu'en réalité, légalement, ce contrôle n'est pas de leur responsabilité », explique Guillaume Priou. vérification de la conformité Même chose en ce qui concerne la responsabilité du « pesage » des poteaux et des bouches d'incendie, c'est-à-dire de la vérification de la conformité aux normes des nouveaux équipements, lors de leur réception. Actuellement, les sapeurs-pompiers s'en chargent, mais cela pourrait évoluer avec le nouveau décret : en effet, si la prise d'eau se montre finalement défectueuse, c'est le maire qui sera responsable. Il serait donc logique que le pesage soit réalisé par ses services ou par un prestataire commandité par lui. « La responsabilité du pesage a d'ailleurs tendance à rebasculer chez les maires depuis un an, note Heike Ziehmann, chef de produit de la gamme incendie chez Tyco-Valves, dont la filiale Bayard fabrique des hydrants. La question du pesage et du contrôle des hydrants pose de nombreuses interrogations, qui devraient trouver une réponse dans le nouveau texte. Le marché est en pleine effervescence... » Le lieutenant-colonel Philippe Blanc précise que « le nouveau texte devrait recaler les SDIS dans leur rôle d'experts. Il prévoit la mise en place d'une architecture réglementaire comprenant trois étages : le premier au niveau national, énonçant les principes généraux ; le deuxième avec des règlements départementaux de la défense extérieure contre l'incendie ; le troisième au niveau local, avec des schémas communaux de défense incendie. Ces derniers seraient élaborés par les SDIS et arrêtés par les maires en fonction des risques identifiés sur chaque commune et des moyens disponibles pour lutter contre les sinistres. Ils serviraient de base au maire pour prévoir les investissements à réaliser et seraient l'outil principal de dialogue entre l'élu et les SDIS ». La question de la responsabilité touche aussi à la délimitation des compétences entre commune et syndicat intercommunal. En transférant à un syndicat intercommunal la compétence de distribution d'eau potable, le maire n'en transmet pas pour autant sa responsabilité en termes de défense incendie. Cette dernière ressort de son pouvoir de police et non de sa compétence en matière de service public de l'eau. La jurisprudence récente l'a confirmé. Le projet de décret sur la défense incendie, de son côté, pourrait élargir à l'intercommunalité la possibilité de gérer et de contrôler les moyens de défense incendie. Mais cela exigera des maires et des syndicats de caler précisément les engagements de chacun, car le pouvoir de police restera du ressort du maire. Les schémas communaux créés par le nouveau décret devraient matérialiser les deux principes fondamentaux de la nouvelle réglementation : fonder la défense incendie sur l'analyse des risques, au lieu d'énoncer des principes généraux trop rigides, et privilégier l'approche locale. contrainte sur les réseaux Le décret ne devrait pas contenir de prescriptions sur les sources d'eau destinées aux sapeurs-pompiers : il se contentera de mentionner, comme le faisait déjà la circulaire de 1951, que toutes les sources sont potentiellement utilisables, du réseau d'eau à la rivière en passant par les citernes, à condition d'être accessibles et de correspondre aux risques. « Le décret rappellera que les réseaux d'adduction d'eau potable ne sont pas la réponse exclusive au risque incendie », souligne Philippe Blanc. Voilà un discours qui fera plaisir aux exploitants de réseaux. La défense incendie actuelle leur apporte en effet plus de contraintes et de risques que d'avantages. Elle impose de fournir un débit et une pression élevés, ce qui implique sur la plupart des réseaux l'installation de canalisations de 100 mm. « À l'heure où nous entrons dans une dynamique de renouvellement des réseaux, et où l'on constate une diminution tendancielle de la consommation d'eau potable, les impératifs actuels de la défense incendie nous empêchent de diminuer le diamètre des réseaux. Nous sommes donc parfois contraints de les surdimensionner par rapport à la seule consommation en eau potable. Cela est d'autant plus vrai dans les zones d'activité où les SDIS exigent souvent un débit encore plus important », précise Frédéric Blanchet, responsable de l'unité réseaux chez Veolia Eau. En effet, en raison de l'ampleur des risques, les sapeurs-pompiers demandent souvent l'installation de prises incendie de 150 mm, ce qui impose des canalisations de même taille. Or la consommation d'eau est normalement plutôt faible dans les centres commerciaux et les bureaux. Autre contrainte : pour éviter les chutes de pression en cas d'incendie ou lors des tests des hydrants, il faut mailler les réseaux et donc rajouter des canalisations entre les lieux desservis. Toutes ces contraintes sur les réseaux sont d'autant plus lourdes que leur financement ne ressort pas du budget de la défense incendie. La commune, qui est responsable des investissements en matériel destiné à approvisionner en eau la défense incendie, inscrit ces dépenses à son budget général. Or, le renouvellement ou l'extension des canalisations ressort du budget annexe de l'eau et de l'assainissement de la commune ou du syndicat des eaux auquel elle appartient. Les contraintes de la lutte contre l'incendie pèsent donc sur les services de l'eau sans que les budgets soient adaptés. « Il arrive que des collectivités affectent une partie de leur budget général à l'entretien du réseau d'eau potable au nom de la défense incendie. Ces exemples vertueux sont néanmoins très exceptionnels », rappelle Frédéric Blanchet. du décalaminage à la défaillance Certaines difficultés, plus exceptionnelles, peuvent aussi surgir. « Les essais bisannuels réalisés par les SDIS sur les hydrants entraînent parfois un changement du sens de circulation de l'eau dans les tuyaux et augmentent brutalement la vitesse de l'eau. Cela peut décalaminer les canalisations, c'est-à-dire décoller la pellicule d'oxydation qui les recouvre et donner à l'eau un aspect rouillé, ce qui est gênant pour certains utilisateurs, comme les pressings. Nous nous efforçons donc de réaliser ces opérations durant le week-end », précise le colonel Philippe Vanbersalaert, responsable de la commission technique de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers. Enfin, l'une des contraintes les plus importantes pour les exploitants concerne le risque d'accident et de fuite, surtout en raison de l'utilisation des hydrants par des entreprises ou des individus peu scrupuleux, qui ponctionnent de l'eau à ces sources « gratuites ». Une mauvaise utilisation des bornes ou des bouches incendie risque de provoquer des perturbations hydrauliques, sources potentielles de défaillances sur le réseau. Il y a dès lors risque de fuites, d'où une perte nette pour les exploitants. Les puisages effectués sur les hydrants pour assurer la défense incendie, le test des matériels et les vols eux-mêmes, en revanche, ne représentent selon Frédéric Blanchet qu'une faible charge, qui est aussi supportée par les exploitants au nom de l'intérêt général. Ces ponctions ne peuvent être mesurées car la législation interdit d'installer un débitmètre sur les hydrants : il pourrait bloquer l'appareil. Certaines entreprises de l'eau font cependant payer aux communes ou aux diverses entreprises puisant de l'eau sur les bornes incendie un forfait couvrant ce prélèvement sur les prises incendie. Grâce au nouveau décret, les communes rurales pourraient tout de même voir le fardeau financier de la défense incendie diminuer. Les recommandations en vigueur peuvent être en effet inutilement coûteuses pour ces collectivités. Les 120 m3 déclarés indispensables pour l'alimentation en eau des sapeurs-pompiers ne sont pas forcément nécessaires pour éteindre un feu dans une maison individuelle ou une ferme isolée. Il en est de même concernant l'implantation des hydrants et le débit à fournir. Le blues des maires ruraux Étendre le réseau d'eau potable jusqu'à des habitations ou des bâtiments isolés pour mettre en place des hydrants peut devenir hors de prix, et les communes renoncent donc souvent à le faire. Elles peuvent aménager un réservoir artificiel ou prévoir l'accès à un cours d'eau ; cela représente cependant des montants parfois non négligeables. La dépense sera d'autant plus conséquente que l'objet à défendre est volumineux ou présente des risques, comme un bâtiment industriel. Si la commune ne peut les financer, l'industriel devra le faire lui-même, ce qui peut décourager l'implantation d'entreprises en zone rurale. Bernard Murat, sénateur de Corrèze, en faisait état dans une question parlementaire en 2005 : « Le cas où des entreprises ne veulent pas, ou ne peuvent pas, s'installer dans les zones rurales parce qu'elles n'ont pas les moyens financiers de faire face à la réglementation incendie se rencontre de plus en plus souvent. » En énonçant le droit à dimensionner les moyens en fonction des risques, le nouveau décret devrait permettre aux maires ruraux de diminuer leurs dépenses. Il devrait aussi assurer une meilleure gestion des deniers publics, en liant « les moyens de défense incendie qui sont sous la responsabilité du maire (hydrants, ressources en eau) et les moyens opérationnels dont dispose le SDIS (hommes, camions...). Même si cela semble une évidence, ce n'est pas toujours le cas, se désole le lieutenant-colonel Blanc. Un exemple : on compense trop souvent l'absence de ressources en eau sur le terrain en dotant les SDIS de camions-citernes. Dans bien des cas, c'est une fausse bonne idée : un camion-citerne est lourd et volumineux et ne passe pas sur toutes les routes... » La nouvelle approche, combinant dialogue et expertise au niveau le plus local, devra permettre de faire fusionner ces deux mondes.


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