L'arrêté ministériel relatif à la récupération des eaux de pluie et leur usage à l'intérieur et à l'extérieur d'un bâtiment vient enfin de paraître (voir p. 62). Il est loin, cependant, de répondre à tous les enjeux liés à l'installation des dispositifs de récupération, traitement et distribution d'eau à l'intérieur du bâtiment.
En ce qui concerne la qualité de cette eau, de nombreuses études montrent que si l'eau est correctement dégrillée et recueillie dans des cuves placées sous terre (et donc protégées de la lumière, ce qui prévient le développement d'algues), sa qualité est tout à fait acceptable pour une utilisation dans les chasses d'eau, l'arrosage et le nettoyage des sols. Concernant l'utilisation dans les lave-linge, un retour d'expérience est à envisager. Il faudra sans doute apporter une attention nouvelle au matériau composant la portion de toiture récupérant la pluie et les produits utilisés pour son entretien.
disconnexion totale
Un des points sensibles de la récupération d'eau de pluie concerne les enjeux sanitaires. Pour Bernard de Gouvello, ingénieur au CSTB et actuellement détaché au CEREVE (laboratoire de l'École des ponts et chaussées), le plus préoccupant est la stricte séparation des deux réseaux, qui véhiculent l'eau du réseau public et celle issue du système de récupération d'eau pluviale. En effet, si l'eau pluviale est utilisée pour alimenter les toilettes, il faut envisager qu'en cas de cuve vide, le réseau public puisse alimenter ce point d'usage, mais dans le respect d'une disconnexion totale. Cette disconnexion peut être respectée grâce à un système de surverse, peu ardu à mettre en place, ou à d'autres types d'accessoires réglementaires. « Mais l'on aborde alors
des enjeux de société, souligne Bernard de Gouvello. Quelqu'un qui installe lui-même son réseau de récupération ne pensera
pas forcément à la disconnexion totale. Se pose alors la question du contrôle. Comment vérifier que les installations respectent la sécurité sanitaire ? »
Ainsi, après une longue période de prise en charge de la production et de la distribution d'eau par la collectivité pour le compte de l'usager, la logique risque de considérablement évoluer. Alors qu'il n'était qu'un simple consommateur, l'usager va participer à la production du service. « Cela va nécessiter des comportements plus responsables. L'usager devra contrôler la propreté de sa cuve, nettoyer ses filtres, gérer son stock d'eau, veiller à ce qu'il n'y ait pas de fuites », souligne l'ingénieur du CSTB. Cette évolution est l'un des sujets d'étude du grand projet d'équipement en eau du CSTB, Aquasim.
Une telle évolution du système implique de mettre en place un minimum de contrôle et d'information auprès des utilisateurs. Bernard de Gouvello signale qu'un système de récupération des eaux ne doit pas seulement être bien conçu, mais aussi bien utilisé : « Une installation est quelque chose qui vit. Or il y a une césure entre les gens qui construisent et ceux qui gèrent ces installations. Les gestionnaires doivent disposer de plus d'informations. » Et l'expert évoque la possibilité d'impliquer les gestionnaires dans des contrats de maintenance.