Tels les soldats enterrés du premier Empereur de Chine, des dizaines d'échangeurs à chaleur sont alignés en rangs serrés dans l'installation souterraine d'Enwave à Toronto, capitale économique de l'Ontario, au Canada. Ce projet impressionnant, qui a nécessité 250 millions de dollars canadiens (environ 164 millions d'euros), apporte une alternative technologique et écologique à la climatisation des bâtiments de cette mégalopole. L'originalité de l'installation est de s'appuyer sur le réseau de distribution d'eau potable de la ville et, en aval, sur l'usine de potabilisation de Laker View et de son captage d'eau dans le lac Ontario. « Ce qui en fait une installation unique au monde », souligne Andrew Wilcox, ingénieur en charge du développement d'Enwave.
maintenance minimale
Pour ce projet, une extension en profondeur (- 85 mètres) de la prise d'eau de l'usine de Laker View a été nécessaire (pour un coût d'environ 53 Me). Cela a permis de récupérer une eau à 4 °C. Après le traitement de potabilisation, l'eau, dont la température n'a pratiquement pas changé, part en direction de la ville, via trois canalisations de 1,20 m de diamètre et 4,5 km de long qui passent dans le lit du lac. Récupérée à quelques centaines de mètres de la rive, cette eau de très haute qualité permet aux échangeurs à chaleur de ne requérir que le minimum de maintenance, là où une installation traditionnelle utilisant de l'eau brute aurait nécessité un prétraitement. Par ailleurs, l'échange de chaleur entraîne
une hausse de la température de l'eau potable de 4 à 12 °C. En été, il est parfois nécessaire d'utiliser une unité supplémentaire afin de refroidir artificiellement l'eau.
À terme, ce sont près de 250 bâtiments qui pourront se raccorder sur ce réseau de climatisation. Actuellement, seuls 50 bâtiments sont connectés et 10 à 12 sont en cours de raccordement. Cela ne représente qu'une partie (environ 55 000 habitants) de cette ville gigantesque, mais reste suffisant pour amortir l'installation. Du reste, ce réseau a dû être creusé en profondeur - du fait d'un maillage important des différents réseaux d'utilités - oscillant entre une profondeur de 20 à 45 m (la ville étant en pente). Cette particularité rend l'extension du réseau coûteuse et entraîne un coût de raccordement d'un bâtiment de l'ordre du million de dollars canadiens. En revanche, l'offre d'Enwave se situe à un prix moins élevé qu'une climatisation classique, ce qui permet d'amortir le raccordement tout en s'offrant une image plus verte, même si l'idéal en la matière est de se passer de climatisation et d'opter pour des techniques de haute qualité environnementale (bâtiment passif...).
Chaque bâtiment qui décide de se raccorder au réseau d'Enwave utilise alors un réseau de climatisation ainsi, là aussi, qu'un échangeur à chaleur. Pour le client, les avantages sont nombreux : la consommation énergé-
tique est réduite de 75 %, le prix de la climatisation est fixe et n'est donc pas sensible à la hausse du prix de l'électricité.