En 1999, l'usine du Syndicat des eaux d'Ile-de-France de Méry-sur-Oise (95) s'équipait d'un traitement membranaire de nanofiltration pour produire 170 000 m3 d'eau potable par jour. Capable de retenir des éléments de la taille des ions, ce procédé de filtration mis en place par Veolia Eau visait avant tout à améliorer le traitement des matières organiques, mais il permit du même coup de diminuer la teneur en chlore injecté en sortie d'usine, donc d'améliorer le goût et l'odeur de l'eau. Une véritable prouesse technologique. Auparavant, Degrémont (groupe Suez) s'était illustré avec des membranes d'osmose inverse installées en 1972 sur l'île d'Houat (56) pour dessaler l'eau de mer.
Mais finalement, c'est l'ultrafiltration, leur petite soeur à pores plus gros, qui s'est imposée sur le marché de l'eau potable. Une technologie moins chère, beaucoup moins énergivore et qui, couplée à du charbon actif, peut arrêter les pesticides et autres micropolluants. À elle seule, elle constitue déjà une barrière redoutable contre des parasites relativement insensibles à la désinfection comme Cryptosporidium ou Giardia. De quoi satisfaire un marché en plein durcissement réglementaire, les normes de potabilité se faisant de plus en plus exigeantes. Entre la fin des années 1980, date des premiers essais, et aujourd'hui, l'affinage par ultrafiltration a littéralement explosé. En 2008, Degrémont a installé un parc de 1,2 million de mètres cubes par jour cumulés, soit 6 à 8 millions d'habitants concernés. Chez Stereau (groupe Saur), l'ultrafiltration compte pour la moitié des réalisations en eau potable.
Dans le même temps, le bioréacteur à membranes (BRM), ensemble de membranes entre la micro et l'ultrafiltration immergées dans un bassin biologique, est passé du stade de pilote au début des années 1990 à celui de matériel de routine dans les stations d'épuration françaises moins de dix ans plus tard. Le BRM a commencé sa conquête par les communes littorales, davantage concernées par la qualité des eaux de baignade, mais avec les contraintes réglementaires liées à la protection du milieu récepteur (directive-cadre sur l'eau de 2000, directive Eaux résiduaires urbaines de 1991), il s'est progressivement imposé partout. Aujourd'hui, les membranes concernent quatre step sur dix chez Veolia Eau. Stereau, qui avait inauguré son premier BRM au Guilvinec, en 2004, sur 26 000 EH, en est à une vingtaine de références aux capacités croissantes (90 000 EH prévus en 2010 à Bormes-les-Mimosas).
Ce boum des membranes en eaux résiduaires urbaines est à mettre en perspective avec le développement de la réutilisation des eaux usées épurées, pour l'irrigation notamment. Le « Re-use » a non seulement dopé le marché des BRM, mais aussi favorisé sur les step existantes la mise en place de traitements tertiaires par ultrafiltration. Dans une perspective d'usages industriels poussés ou de réalimentation de nappes, Stereau a même testé divers couplages, par exemple traitement biologique + nanofiltration ou BRM + osmose inverse, avec des résultats encourageants, ce dernier couplage émergeant également sur effluents industriels. Les membranes sont utilisées depuis plus de vingt ans sur certaines eaux de process, mais l'intérêt accru pour le recyclage des effluents joue en faveur du BRM depuis la fin des années 1990.