Quand il a fallu se pencher collectivement au chevet des rivières, on a inventé les « Sage », schémas d'aménagement et de gestion des eaux. Aujourd'hui, un nouvel outil de gestion collective est en train de voir le jour en Provence, dédié cette fois aux canaux d'irrigation. Ainsi, le 28 janvier, aux Taillades, en plein coeur du Luberon, élus, représentants des collectivités et des associations concernées sont venus signer la charte d'objectifs des contrats de canaux. Cette charte concerne cinq canaux vauclusiens, desservant une zone de 20 000 hectares : les canaux de Saint-Julien, de Cabedan-Neuf, de l'Isle-sur-la-Sorgue et de Carpentras, et le canal mixte qui les fournit en eau après avoir prélevé les eaux de la Durance au niveau du barrage de Mallemort, le tout sillonnant la plaine de Cavaillon et celle du Comtat. Une démarche similaire est en cours pour le canal de Manosque.
Pourquoi une telle démarche qui associe soixante-quinze signataires ? « Il devenait impératif d'associer tous les usagers et les aménageurs du territoire, pour une meilleure gestion des ouvrages et de la ressource en eau », précise Sandrine Pignard, chargée de mission recrutée par les gestionnaires des canaux et qui travaille exclusivement sur ce projet depuis 2006. La raison principale de cette mobilisation reste la mutation des usages sans que les modes de gestion et de financement n'aient suivi, sachant que les ouvrages très anciens, par endroits endommagés et vétustes, nécessitent des investissements. Créés à partir du XIe siècle, ces canaux ont porté le développement économique agricole et environnemental de toute la région, devenue grâce à eux le « jardin de l'Europe ». Mais face au recul des surfaces agricoles (estimé à 30 % en vingt ans), au développement démographique, urbanistique et touristique, il faut répondre de façon organisée à une évolution de la demande.
PASSAGE À L'ACTE
Entamé en 2006 par un état des lieux pour chaque canal, le dispositif attend de passer à l'acte. Reste à établir, cette année, des fiches actions chiffrées, avec une programmation des interventions entre cinq et sept ans, « sachant que certaines actions nécessitent simplement une nouvelle organisation ou gouvernance », précise Sandrine Pignard. Charge aux signataires d'amener leurs projets, encadrés par un comité de pilotage. « Les pistes sont multiples, révèle-t-elle, comme la prise en compte de l'arrivée des particuliers en tant qu'adhérents, l'accès à d'autres sources de revenus, la pérennisation des structures d'un point de vue juridique, la sécurisation de l'approvisionnement, l'entretien des ouvrages, la lutte contre la pollution par la multiplication des accès... ».
L'attente est forte, comme le prouve Christian Mounier, maire de Cheval-Blanc : oeuvrant pour une nouvelle répartition des charges, il veut faire en sorte que les agriculteurs et les propriétaires fonciers ne soient plus seuls à financer l'entretien d'ouvrages relevant d'une problématique d'intérêt général. D'autres proposent de vendre de l'eau brute pour la potabilisation ou encore d'autoriser la fréquentation des berges pour la promenade. De ce foisonnement d'idées, parfois contradictoires, devrait naître une autre façon de communiquer ensemble et surtout de gérer.