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Pourquoi il faut tout remettre à plat

LA RÉDACTION, LE 1er OCTOBRE 2009
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Historiquement, le modèle économique régissant les services d'eau et d'assainissement s'appuie sur une hypothèse d'augmentation régulière des consommations, qui est aujourd'hui battue en brèche. Après une série continue de baisses de 1 % par an, le phénomène semble même s'accroître en 2007 et 2008 (- 4 % puis - 2 %). « La philosophie hygiéniste traditionnelle qui voulait que les gens consomment toujours plus d'eau a permis, pendant des années, d'accepter une structure tarifaire (part fixe, part variable) pas du tout conforme à la réalité économique de services constitués à plus de 70 % par des charges fixes. Cette situation n'est plus tenable avec l'effet de ciseaux que génère la baisse des consommations, dans un contexte où l'on demande aux services d'assurer toujours plus de missions nouvelles », résume Pierre Victoria, délégué général du Cercle français de l'eau (CFE), qui organise en décembre un colloque sur cette thématique. Le sujet est compliqué car l'économie du service d'eau, la structure tarifaire, la rémunération du délégataire sont étroitement liées et que des contraintes réglementaires figent un certain nombre de choses. Et puis il y a la dimension sociale et l'acceptabilité de la facture de l'usager. Des pistes sont avancées, mais elles restent à tester pour identifier les avantages, travers et difficultés de nouveaux modèles. « Il s'agira forcément d'une révolution progressive, passant par l'expérimentation d'une organisation un peu différente et de montages contractuels nouveaux sur quelques services pilotes. Il faut réfléchir au cas par cas. Une généralisation n'est pas envisageable à moyen terme », souligne Loïc Mahevas, directeur de Service Public 2000. D'ailleurs, on ne trouvera sans doute pas un seul modèle s'adaptant à toutes les contraintes des différents services. UNE ÉVOLUTION CONTRACTUELLE En lien avec le développement du conseil aux collectivités, on constate de plus en plus de diversité dans les contrats de délégation et une prise en compte plus fine de la baisse des consommations. « Cela va dans le bon sens : une des manières de minimiser le risque est d'avoir une vision prospective fiable sur les projections de volumes », rappelle Béatrice Arbelot, déléguée générale de la FP2E. On voit en outre se développer une part de rémunération à la performance. « Il devient rare que, dans un contrat, il n'y ait pas a minima un petit volet indicateurs de performance. En général, cela représente 5 ou 10 % de la rémunération du délégataire », témoigne Tristan Mathieu, directeur délégué à la direction des collectivités publiques de Veolia Eau. Il ne s'agit plus, comme avant, de pénalités - d'ailleurs pratiquement jamais appliquées -, mais de véritables systèmes de bonus-malus. La communauté urbaine de Bordeaux (CUB) a par exemple intégré, dans son contrat avec Lyonnaise des eaux, 61 engagements de performance - notamment sur des aspects développement durable - représentant 5 % de la rémunération. Lyonnaise des eaux veut développer ce lien entre performance environnementale et performance économique : sur une dizaine de contrats en cours de renégociation, il pourrait conditionner 20 à 22 % de sa rémunération. Côté Veolia Eau, le contrat de la ville de Muret (Haute-Garonne), par exemple, a évolué l'année dernière en intégrant 30 % de rémunération à la performance (voir encadré ci-dessous). « Le principe est intéressant et peut se développer, mais il a ses limites. On imagine mal une rémunération majoritairement à la performance. On ne peut d'ailleurs pas caricaturer la performance à travers quelques indicateurs, au détriment d'autres aspects, ce serait intrinsèquement pervers », prévient Tristan Mathieu. « La performance du délégataire étant en partie liée aux investisements réalisés, il faudrait fiabiliser le partage des responsabilités et arbitrer entre le transfert des risques et la rémunération à la performance, pour que ce type de modèle puisse prendre une part plus significative », ajoute Béatrice Arbelot. On peut noter à ce propos que le futur contrat du Sedif atteindrait, selon des sources bien informées, un niveau de rémunération à la performance proche de 80 %. Mais c'est un cas très atypique puisqu'il s'agit d'un service particulier et d'une régie intéressée, ne recouvrant pas le même périmètre que les contrats classiques (voir encadré p. 26). Dans la plupart des contrats comprenant un tel mécanisme, le bonus-malus alimente un fonds ; il est complètement déconnecté de la structure tarifaire, donc du prix de l'eau payé par l'usager. Il y a quelques années, SP 2000 avait proposé un modèle plus vertueux, mais qui s'est révélé politiquement compliqué. « L'idée consistait à introduire, dans les formules de révision contractuelle du tarif, des coefficients prenant en compte la performance sur des indicateurs clés (indice de perte linéaire, taux de conformité des analyses bactériologiques notamment), qui avaient donc un impact direct sur le prix de l'eau. Ce montage était compliqué à expliquer aux usagers, qui voyaient le prix augmenter légèrement mais ne percevaient pas l'amélioration de la qualité, pourtant réelle », souligne Loïc Mahevas. DE NOUVELLES PROPOSITIONS L'une des pistes sur lesquelles SP 2000 travaille aujourd'hui est celle d'une accentuation volontaire de la baisse des consommations, grâce à des mécanismes incitatifs. Objectif : trouver un effet de seuil qui modérerait les charges fixes, en évitant les besoins de renforcement des infrastructures existantes ou de création de nouveaux ouvrages. Ce modèle ne pourra pas être appliqué partout, et son dosage est délicat car il s'agit de renforcer le scénario tendanciel sans créer d'effets pervers (dégradation de la qualité de l'eau liée aux temps de séjour dans le réseau). UN SYSTÈME DE BONUS-MALUS Concrètement, la rémunération du délégataire comprendra un système de bonus-malus alimentant un fonds, reposant sur des objectifs de baisse des consommations, ainsi que de critères de performance et de qualité du service plus classiques. Le délégataire peut jouer sur la pression, le comptage (plus d'individualisation dans le collectif, meilleure information sur la consommation), la sensibilisation sur l'utilisation des matériels hydroéconomes et le bon usage de l'eau : trois leviers à impact immédiat sur la consommation. « À lui de faire preuve de créativité, souligne Loïc Mahevas. A priori, ces éléments ne représenteraient pas plus de 5 % de la rémunération, soit un niveau équivalent à la marge sur un contrat bien négocié. Ce modèle contractuel implique de bien connaître l'état zéro des consommations, d'être capable de prévoir un scénario tendanciel objectif, d'analyser finement le prévisionnel pour fixer un objectif réalisable au délégataire. Il faudra aussi des garde-fous pour éviter les pièges intrinsèques du mécanisme, limiter les conséquences sur le service de l'assainissement, et prévenir d'éventuels effets de bord que l'on a un peu de mal à imaginer dans un raisonnement aussi nouveau. » Pour qu'il soit incitatif, ce mécanisme doit aller de pair avec une structure tarifaire incitative qui doit, elle aussi, maîtriser les effets de grande ampleur et, en plus, ne pas être pénalisante pour les petits consommateurs. Une telle révolution suppose enfin une bonne communication vis-à-vis de la population, car l'affichage du prix au mètre cube va monter (mais pas la facture, puisque la consommation va baisser). Chez Saur, ce principe est aussi un sujet de réflexion. « Un bonus-malus à la performance intégrant une baisse des consommations serait valorisant pour le métier. Certains élus sont demandeurs, mais il faut trouver le bon modèle, qui préserve l'équilibre économique du service ainsi que les intérêts de l'opérateur, rappelle Roland Morichon, directeur général Sud-Ouest de Saur. On ne sait pas encore bien où placer le curseur. Et il y a des problèmes juridiques à gérer : si l'on imagine que le reste de la rémunération est fixe, cela pose le problème des modalités tarifaires du prix de l'eau, qui sont étroitement liées et aujourd'hui très encadrées (la loi sur l'eau a fixé le plafond à 30 % de part fixe, contre 50 % auparavant). Accessoirement, si la rémunération est partiellement garantie, le délégataire ne prend plus beaucoup de risques, alors que c'est un des éléments de la définition juridique de l'affermage. » RENFORCEMENT DU CONTRÔLE Face à des modalités contractuelles plus complexes, le suivi du contrat et le contrôle par la collectivité prennent encore plus d'importance. Or, même si la situation a déjà beaucoup évolué, certaines collectivités n'assument pas encore pleinement ce rôle. « Pour de petites collectivités, l'enjeu autour de ces nouveaux modèles - notamment lorsqu'ils intègrent une rémunération à la performance - sera de bien négocier les dispositifs contractuels, de se donner les moyens d'un contrôle simple et efficace, et d'expliquer la transition aux usagers avec la plus grande pédagogie », rappelle Loïc Mahevas. En pratique, même une petite collectivité peut se donner les moyens de vérifier les résultats. « La collectivité a un devoir de contrôle et ne peut se contenter des résultats transmis par le délégataire. Ce n'est pas de la méfiance, c'est juste assumer son rôle de déléguant. Il y a toujours des moyens simples de recouper les informations : le bilan de la Ddass pour la qualité de l'eau, l'agence de l'eau pour les volumes facturés (calcul du rendement de réseau), etc. », relate Christophe Delahaye, premier adjoint au maire de Muret. Mais attention à ne pas tomber dans l'excès. « Dans l'esprit de la délégation, le contrôle s'exerce sur les résultats, ce qui est souhaitable et fait progresser tout le monde. Mais on assiste à une dérive de contrôle sur les moyens : on nous demande le nombre de personnes affectées à telle tâche, le temps de réponse pour effectuer telle intervention, avec parfois un niveau de détail qui s'approche du compte rendu d'intervention. Pour l'évaluation de la qualité du service, certaines de ces demandes sont compréhensibles, mais il ne faut pas confondre les genres : le délégataire a le choix des moyens qu'il met en oeuvre », rappelle Roland Morichon. NOUVELLES MISSIONS Plus largement, c'est toute l'économie des services qu'il faut remettre à plat. Dans un contexte où le développement durable est à l'honneur, les collectivités sont en effet sans cesse sollicitées pour prendre en charge de nouvelles missions (issues de la DCE, du Grenelle de l'environnement, voire du Grenelle de la mer), en amont et en aval de la gestion de l'eau et de l'assainissement. La liste non exhaustive comprend la protection de la ressource, des milieux, la biodiversité, la gestion du pluvial, des eaux de baignade, ou l'obligation de contrôler les citernes de récupération d'eau de pluie... NOUVELLES COMPÉTENCES Naturellement, les collectivités se tournent vers leur délégataire, pour lesquels ces missions « annexes » commencent à prendre une importance considérable. La question de la rémunération se pose, ainsi que celle de l'imputation budgétaire. « Les frontières de nos métiers sont en train d'évoluer, ce qui implique de développer de nouvelles compétences : hydrogéologie pour des études sur la ressource, écosystèmes et biodiversité pour la maîtrise des impacts des rejets... Notre offre a évolué en conséquence, vers une réduction de l'empreinte des activités (émissions de CO2, ressource et biodiversité) dans le cadre d'une solution complète liant, au plan contractuel, performance environnementale et performance économique », explique Helène Valade, directeur développement durable de Lyonnaise des eaux. Cette offre a été expérimentée avec la CUB, et bientôt dans une dizaine d'autres contrats en cours de renégociation. « Cette évolution soulève cependant certaines questions : celle d'un contexte très contraint au plan réglementaire, celle des périmètres (pour la protection de la ressource, logiques de bassin-versant par exemple) et enfin, celle de la facturation », ajoute-t-elle. Ces nouvelles missions sont parfois très différentes de l'activité traditionnelle, comme dans le cas du contrôle des ouvrages de collecte d'eau de pluie. En même temps, cette problématique est intrinsèquement liée à la protection de la qualité sanitaire de l'eau potable (risques de retour d'eau). Est-il possible, ou même légitime, d'intégrer ces missions dans le contrat de délégation ? « Il s'agit d'abord de savoir si la mission en question relève de la compétence de la collectivité qui passe le contrat d'eau ou d'assainissement, ce qui interpelle sur le découpage territorial et les prérogatives des collectivités. Ensuite, une éventuelle intégration dans le contrat de délégation soulève une série de difficultés d'ordre juridique, comptable, fiscal, voire simplement contractuel. Des évolutions législatives seront nécessaires pour faciliter l'avènement d'une gestion intégrée de missions, certes liées sur le plan pratique, mais découpées compte tenu du cadre juridique ou de l'organisation territoriale », plaide Loïc Mahevas. Certains aspects ont déjà été clarifiés au plan légal, comme le contrôle de la défense incendie. Intégré dans les contrats, il faisait l'objet d'une rémunération peu claire du délégataire, et était imputé sur la facture d'eau. Aujourd'hui, légalement, il s'agit d'une convention annexe ou d'un marché de prestation de services imputé sur le budget général. Sur les eaux de baignade, l'autorité en charge n'est souvent pas la même que celle qui organise l'assainissement, d'où une pratique plutôt orientée sur des marchés de prestations de services, imputés sur le budget général. Il y a pourtant un lien fort entre la gestion des réseaux d'assainissement, la problématique du pluvial, surtout quand le réseau est unitaire, et la qualité des eaux de baignade, qui pourrait justifier de confier toutes ces missions à un seul opérateur ; il y a un intérêt, aussi, à densifier l'objet du contrat. Sur le pluvial, relevant théoriquement du budget général, certaines collectivités vont au-delà de ce qu'elles sont autorisées à faire. On voit, par exemple, des délégataires d'assainissement gérant l'entretien des grilles et des avaloirs (compétence en lien avec la voirie). RECHERCHE DE COHÉRENCE Une vraie réflexion doit donc être menée pour remettre tout le système à plat, redéfinir les règles d'imputation budgétaires et peut-être même revoir l'organisation territoriale pour introduire plus de cohérence. « Il faut clarifier cette nébuleuse sur les services satellites. A priori, toutes ces nouvelles prestations devraient suivre l'exemple de la sécurité incendie : des conventions spécifiques, dans lesquelles les collectivités définissent leurs attentes, une prestation rémunérée à son juste niveau, et financée par le budget général. Le délégataire en place sera de toute façon en bonne position, dans la mesure où il connaît bien les installations, et cela créera plus d'émulation », estime Roland Morichon. « Il y a une autre option : on pourrait imaginer, demain, que le délégataire joue un rôle dans ces thématiques présentant un lien fort avec les activités traditionnelles, moyennant une réflexion sur un découpage plus fin de ces missions, afin de faire un arbitrage sur le financement par le budget annexe, le budget général, un cofinancement par d'autres acteurs, etc. On peut essayer de se rapprocher du principe de recouvrement des coûts prôné par la DCE, même si celui-ci n'est pas encore totalement clarifié au niveau européen », propose Béatrice Arbelot.


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