Par le lien qu'elle construit entre réseaux d'assainissement et stations d'épuration, l'approche intégrée séduit les esprits. Un récent mémoire de fin d'études à l'École nationale du génie de l'eau et de l'environnement ( Engees) de Strasbourg la dote d'un modèle expérimental de terrain. Le doctorant Damien Kuss a étudié l'interaction entre le bassin d'orage et la station à boues activées de Rosheim (Bas-Rhin) datant de 1995, dont le dimensionnement de 11 000 EH n'avait pas intégré, comme tant d'autres, le traitement de surcharges de pollution issues de grosses précipitations. S'appuyant sur les recherches de Katel Le Roy, une ancienne étudiante de l'école strasbourgeoise, Damien Kuss et le Syndicat des eaux et de l'assainissement ( SDEA) du Bas-Rhin, exploitant de la station, ont cherché à identifier le « meilleur » couple entre le volume du bassin et le débit maximal admissible en entrée de station. Plus précisément, les variables qui peuvent minimiser les rejets d'azote ammoniacal en sortie, sans générer de surcoûts rédhibitoires.
OBJECTIF FINAL
Ce paramètre a été choisi, car il frôle sur place son seuil de qualité de 0,5 milligramme/litre par temps sec et le dépasse régulièrement en cas de pluie. « Dans l'absolu, l'idéal serait un indice biologique qui puisse caractériser directement l'impact des rejets urbains de temps de pluie, puisque l'objectif final consiste à minimiser l'effet sur le milieu récepteur. Mais les données sont plus rares », souligne Damien Kuss.
Le modèle numérique, fruit de complexes équations, a fait varier le volume du bassin d'orage de 1 500 à 3 500 m3 et le débit admissible de 200 à 700 m3/heure. Il s'est fondé sur les précipitations effectives de 2006, année dont le caractère représentatif a été vérifié par le croisement avec les mesures de long terme de Météo-France. Verdict : l'optimum se situe à 2 520 m3 et 300 m3/h. Hasard heureux, la seconde donnée correspond au dimensionnement effectif de la station de Rosheim. La première, elle, se rapproche de la capacité plafond du bassin d'orage (3 000 m3), ce qui a amené à rechercher une éventuelle amélioration dans le cas où de fortes précipitations venaient à remplir l'ouvrage. Réponse positive : en augmentant temporairement le débit à 500, voire 700 m3/h, l'azote ammoniacal diminue de 15 %. « Le clarificateur le supporte : il fallait en effet vérifier l'absence de risque de remontée des boues. Mais 700 m3/h forme vraiment la limite », signale Yves Burtschell, responsable d'exploitation au SDEA.
DISCRÈTES PERFORMANCES
L'étude a poussé un peu plus loin encore en différant la vidange du bassin d'orage jusqu'au retour aux conditions de temps sec. Mais, à Rosheim, la pertinence économique et environnementale de la stratégie ne saute pas aux yeux : le gain supplémentaire se limite à 4 % au niveau de l'azote ammoniacal et le stockage de trop longue durée comporte des risques, comme la fermentation génératrice de sulfure d'hydrogène (H2S).
Damien Kuss en convient, le « modèle de Rosheim » demanderait à se compléter de données, en amont sur le réseau d'assainissement, et en aval sur l'impact sur le milieu récepteur. La station peut en outre être qualifiée de stable s'agissant de ses volumes saisonniers et de ses effluents, quasi exclusivement domestiques. Et sur le plan informatique, la segmentation entre réseau et station a conduit à des logiciels distincts qu'il est difficile de faire communiquer entre eux.