Après un long processus de concertation, tous les Schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (Sdage) ont été adoptés par les comités de bassin. Établis sur une période allant de 2010 à 2015, ces plans de gestion définissent les orientations de chaque bassin hydrographique en matière de politique de l'eau. Ils intègrent les obligations définies par la directive-cadre eau (DCE) ainsi que celles issues du Grenelle de l'environnement (captages prioritaires, plan Ecophyto 2018, etc.) pour un bon état des eaux en 2015. Ils ont nécessité de nombreuses réunions des acteurs de l'eau, deux consultations du public en 2005, puis en 2008, et la consultation des assemblées départementales et régionales, des chambres consulaires et des organismes locaux de gestion de l'eau.
La grande nouveauté de ces Sdage est de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats. « Sur le plan de l'ambition et de la méthode, la situation d'aujourd'hui est très différente de celle d'hier. Il y a des objectifs de résultats et des dispositions précises à mettre en oeuvre. Si l'on échoue, il y aura du contentieux. Nous sommes donc collectivement sommés de réussir, remarque Philippe Dupont, directeur de la planification et de la programmation à l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée et Corse. On peut également souligner l'effet DCE : le curseur des actions, des investissements, des aides se déplace vers le milieu aquatique et la ressource en eau. » Les objectifs fixés - qui tablent sur deux tiers des eaux en bon état en 2015 - peuvent néanmoins paraître décevants au regard des ambitions initiales de la DCE : toutes les masses d'eau (sauf les fortement modifiées) en bon état en 2015. En fonction de l'état actuel des eaux, des moyens disponibles et des capacités de portage de projet des maîtres d'ouvrage de chaque bassin, l'objectif 2015 a en effet été adapté (voir tableau p. 25), en jouant sur le report d'échéance pour « coûts disproportionnés ». Globalement, les associations ont manifesté leur déception par rapport à ces Sdage et aux programmes de mesures (PDM) associés. France Nature Environnement regrette « des objectifs plutôt modestes, et qui ne seront sans doute pas atteints faute de mesures véritablement ambitieuses » et constate « un manque de volonté politique pour réduire les pollutions diffuses d'origine agricole ».
TROIS POSTES DE DÉPENSES MAJEURS
Dans le chiffrage financier des Programmes de mesure, ou PDM(1), on retrouve trois postes de dépenses majeurs : l'assainissement, y compris pluvial, (qui représente plus de 51 %), la gestion des pollutions agricoles (25 %), la qualité physique des milieux aquatiques et l'hydromorphologie (17 %). Mais la grande variété des méthodes de calcul empêche la comparaison entre les bassins. L'appréciation de la segmentation entre les trois grandes catégories d'actions (« mesures de base » correspondant au respect des directives DERU, nitrates, etc. ; « mesures complémentaires » relevant de la DCE, nécessaires en vue du bon état ; « autres mesures » qui concernent par exemple les barrages, les actions sur les inondations, etc.) diffère en effet d'un bassin à l'autre. Surtout, ces nouveaux Sdage ayant essentiellement pour ambition de répondre aux obligations européennes, et notamment aux objectifs de la DCE, certains comités de bassin ont exclu du PDM des actions prévues, mais n'ayant pas de lien direct avec les obligations réglementaires actuelles ou l'atteinte du bon état, alors que d'autres les ont intégrées. Conséquence : le calcul du ratio du coût complet du PDM par habitant, qui devrait permettre de comparer les montants financiers en jeu sur des bassins dont la surface et la population sont différentes, donne un résultat largement inférieur sur le bassin Loire-Bretagne (46 euros/habitant/an) par rapport aux autres bassins (62 euros pour Rhône-Méditerrannée, 72 euros pour Rhin-Meuse, entre 87 et 103 euros pour les autres bassins). Cela ne signifie pas que les enjeux y sont proportionnellement moins lourds, car Loire-Bretagne a exclu de son PDM un certain nombre de mesures (mise en conformité des ANC, renouvellement des réseaux d'assainissement, valorisation des boues, etc.) considérées comme n'étant pas des mesures clés en vue du bon état.
UNE MISE EN OEUVRE RAPIDE
Au-delà de la difficulté de comparaison que cela génère, on peut se poser la question de la communication pouvant être faite auprès du grand public sur ces grands documents de programmation au contenu complexe, qui ne représentent pas forcément la totalité des dépenses prévues en faveur de l'eau durant les six prochaines années. Quoi qu'il en soit, l'enjeu principal réside désormais dans une mise en oeuvre rapide. « On est sur un cycle de six ans, ce qui est très court. Il s'agit d'aller à l'essentiel, de prioriser les opérations ayant un impact fort sur l'amélioration des milieux au lieu de commencer par des opérations mineures, comme on le faisait souvent par le passé. Il va falloir raccourcir le temps de la concertation, sans négliger pour autant son importance, le temps du transfert des connaissances, du retour d'expérience, pour entrer directement dans l'opérationnel », estime Philippe Dupont.
Les 9es programmes d'intervention des agences de l'eau, qui couvrent la période 2007-2012, ont été révisés pour ajuster les soutiens aux ambitions des Sdage. L'équilibre financier global des programmes n'est généralement pas atteint (redéploiement de lignes budgétaires sous-utilisées, nouvelles modalités d'aides). L'agence Adour-Garonne fait exception : en augmentant les redevances de 9 % par an pendant trois ans, elle rattrapera l'écart avec les taux moyens au niveau national et pourra soutenir les mesures inscrites dans le Sdage. Elle était en effet en difficulté financière en 2007 et n'avait pas budgété la mise en conformité DERU dans un calendrier serré.
Suite au Grenelle de l'environnement, les agences peuvent désormais, en l'absence d'une maîtrise d'ouvrage locale, devenir elles-mêmes maîtres d'ouvrage de travaux de restauration de la continuité écologique ou de l'hydromorphologie des cours d'eau.
La plupart des agences ont accueilli cette nouvelle avec un enthousiasme modéré, car assurer directement la maîtrise d'ouvrage est compliqué techniquement et juridiquement (qui est responsable, qui entretient, après la réalisation des travaux ?). L'agence de l'eau Seine-Normandie, qui maîtrise déjà le volet acquisition foncière (elle est propriétaire de 700 hectares de zones humides dans la zone de la Bassée, confiées en gestion à l'ONF) envisage de se lancer, avec prudence. « Dans la mesure où l'agence et ses partenaires financeront jusqu'à 100 % de certains travaux, on s'est logiquement posé la question de les faire nous-même. Il est compliqué d'intervenir sur un cours d'eau quand l'agence n'est pas formellement propriétaire des berges et qu'un certain nombre d'acteurs à l'amont ou à l'aval peuvent être concernés par l'opération. La prudence est donc de mise, mais nous avons défini des secteurs pilotes sur lesquels l'agence testera la méthode au cours des trois prochaines années », détaille Jean-Noël Brichard, directeur de la programmation et de la politique territoriale de l'agence de l'eau Seine-Normandie.