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Quel avenir pour le tourism e durable ?

LA RÉDACTION, LE 1er SEPTEMBRE 2010
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Durable, responsable, solidaire, écologique : ces dernières années, le tourisme se pare de qualificatifs pouvant paraître incompatibles avec une activité qui est, par nature, lourde d'impacts. Émissions de gaz à effet de serre, pollution de l'eau, des sols, bétonnage du littoral, appauvrissement de la biodiversité, surproduction de déchets, consommation de produits importés, hausse des prix et pression foncière, voyages standardisés éloignant les visiteurs des visités, conversion de la culture en folklore... Si l'on ajoute que jusqu'à 80 % des bénéfices économiques du tourisme reviennent dans les pays d'où proviennent les touristes, il est temps de s'interroger sur la nécessaire mutation du secteur vers des pratiques conciliant développement économique et équilibres écologiques, participant localement à l'ancrage des métiers et services et permettant un partage plus équitable des revenus de l'activité. Cela implique que le tourisme durable passe d'une niche de marché à une norme en matière de voyages. « Les concepts d'écotourisme ou de tourisme solidaire ne peuvent proposer une alternative suffisante. Il n'y aura pas de tourisme durable sans évolution du tourisme de masse », affirme Mathieu Gauvin, chargé du secteur touristique au Comité 21. En partenariat avec le ministère de l'Écologie, Atout France a engagé, fin 2008, des études qualitatives et quantitatives pour mesurer la sensibilité des clientèles aux éco-initiatives des opérateurs touristiques. Résultat, 28 % des Français affirment connaître l'expression « tourisme durable », 68 % se disent prêts à privilégier une destination en faveur de l'écologie, 86 % à adopter un comportement d'écoconsommateur sur leur lieu de séjour, 68 % à opter pour un mode de transport moins polluant et 56 % à privilégier un hébergement disposant d'un écolabel... Mais seulement 4 % disent avoir acheté une offre relevant du tourisme durable. « L'intérêt du gros de la clientèle ne se traduit pas encore dans les actes, mais je suis convaincu que cela viendra », affirme Yves Godeau, président de l'association ATR (Agir pour un tourisme responsable). Parmi les freins identifiés par Atout France : le manque d'offre identifiable, la peur d'un habillage marketing ou « green washing », ainsi que l'assimilation du concept à une contrainte, limitant la détente et le plaisir d'être en vacances. L'écart entre discours et pratiques doit être nuancé car, progressivement, les publics s'intéressant à des voyages alternatifs s'élargissent. Le profil des clients partant avec l'ATES (Association pour le tourisme équitable et solidaire) ou avec les voyagistes spécialisés en tourisme écologique ou responsable, n'est plus exclusivement celui des militants de la première heure. En outre, un frémissement existe dans l'attitude des comités d'entreprise, qui pourrait être de nature à élargir et démocratiser la demande. Quelques voyagistes, comme Voyager autrement, ainsi que des associations membres de l'ATES, travaillent depuis longtemps avec des comités d'oeuvres sociales ou des CE portés par des élus militants (Maaf, Total, France Telecom, Banque de France, etc.). « Depuis quelque temps, de nouveaux CE viennent vers nous, à la demande de salariés », note Julien Buot, coordinateur de l'ATES. « On ne peut cependant pas parler de tendance. Les CE ont pour vocation de permettre à des salariés modestes de voyager : ils sont extrêmement attentifs à la question du prix ; or les voyages durables sont souvent chers. En outre, il y a un manque de lisibilité quant à la réalité des engagements, qui inquiète les élus de CE », nuance un organisateur de salons spécialisés pour les CE. Révolutionné par le low-cost et l'e-tourisme, le secteur touristique se caractérise aujourd'hui par une spirale des prix à la baisse, qui engendre une véritable démocratisation du voyage : on trouve sur Internet un séjour d'une semaine en hôtel 4 étoiles à Djerba en pension complète à 160 euros. « De telles offres correspondent au bradage de prestations invendues. Leur prix ne représente en rien la valeur intrinsèque des voyages proposés ; il nuit gravement à la compréhension du juste prix et handicape le développement d'offres alternatives de qualité », regrette Jean-Pierre Lamic, fondateur et président de l'association Voyageurs et voyagistes éco-responsables ( VVE). « Cette stratégie du prix le plus bas, qui régit le marché actuel, se traduit par une standardisation des offres et par une compression des coûts : elle est a priori difficilement compatible avec un concept prenant en compte une meilleure répartition des gains », reconnaît le directeur du développement d'un gros voyagiste. Une rémunération correcte des intervenants locaux (agences réceptives, guides, etc.) est en effet un des prérequis du tourisme durable. « Je ne peux pas entrer en compétition, au niveau du prix, avec une offre touristique plus classique, parce que je me suis engagée à ce que les prestataires avec lesquels je travaille puissent en vivre dignement », précise Mariane Didierjean, responsable du développement de Voyager autrement, spécialisé dans les séjours solidaires et responsables. Il y a donc un coût de production plancher du voyage responsable, liée à son principe même, qui fait que ce type de séjour n'est pas à la portée de toutes les bourses (d'autant que l'organisation en petits groupes de voyageurs empêche la négociation de tarifs aériens attractifs). Le succès croissant de la vogue écolo-chic ajoute encore à cette impression que le tourisme durable est réservé à une population plutôt aisée, capable de s'offrir une nuit dans un hôtel doté de l'écolabel européen, comme le Regents Garden à Paris (à partir de 320 euros la nuit) ou La Grée des landes à La Gacilly (à partir de 110 euros). Cette vision est néanmoins réductrice, car il existe, en France, une offre foisonnante d'hébergements et de séjours à des prix nettement plus accessibles, en hôtels, gîtes ou campings, également écolabellisés. Mais, si le tourisme durable n'est pour l'instant qu'un marché de niche, son image est déjà entachée d'un soupçon d'opportunisme : certains pourraient se donner une image vertueuse à moindres frais pour profiter d'une clientèle aisée en quête de nature et d'authentique. « Je crois pouvoir dire que la plupart des voyagistes qui se sont historiquement engagés dans cette voie l'ont fait par conviction personnelle. Mais, aujourd'hui, on sort du militantisme pour arriver sur quelque chose de tendance, qui attire de nouveaux acteurs. Certains profiteront sans doute de la situation pour soigner leurs marges », analyse Mathieu Gauvin. Y a-t-il véritablement des abus ? Aucun voyageur n'est en mesure de juger du rapport qualité-prix d'une telle offre à l'étranger, d'évaluer son sérieux et la réalité de ce qui se cache derrière. Mais il est instructif de regarder les prix affichés par des voyagistes étrangers pour des séjours en France. On trouve ainsi, sur un site britannique de bonne réputation spécialisé dans le voyage responsable, une randonnée de 7 jours à vélo en Bretagne, avec hébergement en gîtes ou dans de petites pensions, pour environ 1 000 euros par personne, sans le transport aérien : on peut penser que seule une confortable marge justifie un tel niveau de prix. Pour que les particuliers s'y retrouvent dans la jungle de ces offres alternatives, il n'y a qu'une solution : la labellisation, seul étalon capable d'assurer une crédibilité. Dans le domaine de l'hébergement, les labels ont fleuri, un peu trop sans doute, au point de créer l'effet inverse de celui recherché. La coexistence de labels, plus ou moins exigeants, couvrant de manière souvent partielle les différents aspects du tourisme durable (écolabel européen, Clef verte, Gîte Panda, Green Globe, Chouette nature, Hôtels au naturel, Eco Gîtes...), brouille finalement le message pour le consommateur. La labellisation des offres des voyagistes est plus compliquée, compte tenu du nombre de maillons et de services entrant dans la fabrication d'un pack. Il existe plusieurs chartes d'engagements de voyagistes spécialisés (ATES, VVE) comprenant des exigences élevées et plutôt bien contrôlées du fait du petit nombre de membres. Un seul label est officiel : la certification ATR, délivrée par l'Afnor sur la base d'un référentiel développé à l'origine avec des voyagistes spécialisés dans les voyages d'aventure. Ce label exige une transparence des relations avec les parties prenantes (agences réceptives, guides, etc.), et une sensibilisation de la clientèle au tourisme responsable. C'est un premier garde-fou, mais il a ses limites. Les critères pris en compte correspondent à ceux des voyages visés à l'origine, de type randonnées dans le désert : le référentiel aborde très peu la question de l'hébergement, par exemple. Surtout, c'est un système en partie déclaratif. « La certification nous amène à formaliser nos relations avec nos prestataires à travers un cahier des charges. Nous partageons des valeurs avec ceux que nous avons choisis, et nous avons confiance en eux. Mais il est vrai que nous n'avons pas les moyens de vérifier qu'ils appliquent vraiment et totalement nos demandes. Il faudrait pour cela faire des audits sur place. Mais comment les financer ? » témoigne Marianne Didierjean, de Voyager autrement, l'un des voyagistes certifiés (sur une quinzaine). L'association VVE a une idée sur la question. « Labelliser le tourisme responsable sans évaluations de terrain est une aberration, estime Jean-Pierre Lamic. Il faut absolument évaluer sur place les retombées sociales, l'impact réel sur l'environnement, les perturbations occasionnées à la faune, ou les conséquences des chocs en retour occasionnés par certaines rencontres interculturelles, etc. » Il prône la création d'un fonds, financé par un prélèvement de quelques euros sur chaque voyage, pour financer une telle démarche. « Cela apporterait une véritable crédibilité à la labellisation et mettrait tout le monde sur un pied d'égalité », ajoute-t-il. Il réclame aussi la création d'autres fonds : un pour financer des formations légales et reconnues, pour les guides notamment ; et un fonds de réserve qui permettrait de ne plus laisser à l'abandon des destinations touchées par des événements climatiques ou géopolitiques. Le tourisme durable étant perçu comme un levier de développement, de plus en plus de territoires s'efforcent de se positionner en tant que destination touristique durable. Cela se traduit par une multiplication de salons mettant ce tourisme à l'honneur, organisés par des pays ou des régions. En mai dernier, au Sénégal, pays où le tourisme balnéaire est en perte de vitesse et qui revoit sa stratégie de développement en affichant la volonté d'y intégrer un tourisme durable, s'est tenu le Salon Ticaa. On peut citer également le salon Ecorismo, consacré au développement durable pour le tourisme, qui a eu lieu au Maroc en 2010, et se tiendra à Nantes en 2011. Au nord comme au sud, les acteurs publics essayent à la fois de valoriser l'existant et de planifier l'évolution future. Le conseil régional de Bretagne a ainsi préparé un schéma de développement touristique instaurant un nouveau modèle de développement touristique durable. Il a mis en place un club tourisme durable : les acteurs répondant aux critères d'un référentiel visant à qualifier cette offre accèdent à ce club qui leur donne une visibilité et leur permet d'envisager d'être sélectionnés dans le guide Tao Bretagne. De son côté, la Région Paca encourage les audits et diagnostics environnementaux des entreprises touristiques, soutient leurs investissements avec des critères d'écoconditionnalité, a instauré un Prix régional de l'innovation touristique, publié un manuel de gestion environnementale et sociale à destination des professionnels du tourisme, une carte de l'écotourisme régional... Les initiatives françaises de ce type sont légion. « Par le passé, les promoteurs et professionnels du tourisme faisaient un peu ce qu'ils voulaient. Mais, aujourd'hui, il y a une réappropriation forte par les élus de la vision d'un développement touristique maîtrisé », analyse Mathieu Gauvin. Difficulté : plus un territoire est grand, plus il est hétérogène et plus il aura du mal à se positionner comme destination durable, même s'il développe une politique exemplaire en la matière. Pour l'instant, seule l'échelle micro (une réserve naturelle, une petite commune) permet de s'approcher de ce que l'on peut qualifier de destination durable. Ainsi, sur les marais du Vigueirat, site naturel protégé appartenant au Conservatoire du littoral (20 000 visiteurs par an), le projet européen Life promesse a permis de réduire considérablement l'impact des infrastructures et des touristes, d'assurer la compatibilité de la fréquentation du site avec la protection de la biodiversité, de faire bénéficier le village et le territoire alentours de la manne touristique, alors qu'ils en étaient auparavant exclus. « Les acteurs des territoires ont compris qu'un développement touristique anarchique et incontrôlé sape les fondements de l'attractivité touristique, par la destruction, de l'environnement, de l'identité, de la qualité d'accueil... Des principes et des outils permettent d'anticiper, planifier et contrôler ce développement pour atteindre un optimum touristique pérenne », encourage Jean-Pierre Lozato-Giotart, directeur de recherches à Paris-III et du pôle ingénierie et management des projets touristiques à l'Institut catholique de Paris. Il met en avant différents éléments à prendre en compte dans l'étude d'impact préalable à de nouveaux schémas touristiques : la disponibilité de la ressource en eau (sans laquelle aucun projet n'est viable), l'évaluation de la capacité de charge (le flux touristique qu'un espace peut supporter)... Son équipe multidisciplinaire a développé des méthodes pour mesurer les impacts et la faisabilité d'un modèle touristique appliqué à un territoire donné, ainsi que la viabilité économique du projet. « Derrière, les décideurs peuvent faire des choix éclairés, parfois difficiles, de planification territoriale des pratiques et des destinations touristiques. Comme aux Seychelles, où la décision a été prise de ne pas occuper plus de 30 % du linéaire balnéaire », précise Jean-Pierre Lozato-Giotart.


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