Participer au jury du Prix des techniques innovantes organisé par l'Ademe permet à la rédaction d'Hydroplus de faire un tour d'horizon des travaux de la recherche publique française. Sur une trentaine de candidatures, nous avons ainsi sélectionné trois projets.
Produire du biogaz par digestion
Celui qui nous a le plus impressionnés regroupe plusieurs thématiques très actuelles : il offre une alternative à l'épandage des effluents d'élevage d'origine porcine - le lisier - qui permet, à la fois, de produire du biogaz par digestion et d'empêcher le relargage de polluants (azote et perturbateurs endocriniens) dans le milieu naturel.
À l'heure actuelle, 25 millions de tonnes d'effluents d'élevage de porcs sont épandus chaque année sur les sols français. Et ces effluents dispersent dans les sols plusieurs polluants qui contaminent les milieux aquatiques et édaphiques : il s'agit de polluants émergents, parmi lesquels figurent les hormones stéroïdes - qui sont des pertubateurs endocriniens très puissants - ainsi que des antibiotiques.
Les chercheurs du Laboratoire de biotechnologie de l'environnement ( Inra Narbonne) et de l'unité de recherche gestion environnementale et traitement biologique des déchets ( Cemagref Rennes) ont donc étudié la digestion anaérobie du lisier, qui est très riche en matière organique carbonée et azotée. Mais si cette digestion permet de produire du biogaz, elle ne traite ni l'azote ni les polluants émergents, que l'on retrouve dans le digestat. « Nous avons mesuré des pourcentages d'élimination inférieurs à 18 % pour les hormones et à 35 % pour les antibiotiques », expliquent les chercheurs dans un résumé de leurs travaux. Leur idée originale a été d'alterner les conditions aérobies et anoxiques afin de transformer l'azote ammoniacal en azote moléculaire. La concentration en azote a ainsi été réduite de 70-75 %. Ce couplage a aussi permis d'améliorer la qualité sanitaire du lisier : « Plus de 80 % de la charge initiale en hormones et de l'activité oestrogénique sont éliminés alors que l'élimination des antibiotiques varie, en fonction du composé, entre 76 et 95 % de la charge initiale », ajoutent-ils. Le potentiel de production de biogaz à partir du lisier a aussi pu être estimé à 5,9 mètres cubes de méthane par tonne de lisier.
À noter que, parmi les projets présentés, figurait également celui du laboratoire de biotechnologie de l'environnement de l'Inra, qui vise à comprendre les processus gérant la dynamique des perturbateurs endocriniens durant la digestion anaérobie des boues d'épuration urbaines. Pour ce faire, ils utilisent une approche intégrée et pluridisciplinaire et étudient les interactions entre trois compartiments : la matrice, les perturbateurs endocriniens et les micro-organismes.
Échantillonneurs passifs
Deuxième équipe de recherche récompensée par Hydroplus, le laboratoire de l'Institut des sciences moléculaires (ISM) de l'université de Bordeaux 1, pour son travail sur les échantillonneurs passifs et la surveillance de la qualité des eaux. Dans un contexte réglementaire fort, le fait de pouvoir quantifier les substances dans les eaux des milieux récepteurs (eaux continentales, estuaires et mer) et dans les rejets industriels est primordial, que cela concerne les substances prioritaires au sens de la DCE et celles liées au programme national de réduction des substances. « Classiquement, l'analyse des contaminants dans l'eau se fait après prélèvement d'échantillons d'eau en conditions "ultrapropres" (pour éviter toute contamination des échantillons au cours du prélèvement et du traitement) et la mise en oeuvre de protocoles d'extraction-concentration en laboratoire. Ces techniques sont relativement longues et requièrent du personnel très qualifié, expliquent les chercheurs dans leur résumé. De plus, cette approche ne donne qu'une information ponctuelle (dans l'espace et le temps) sur l'état de la contamination. Enfin, les limites de quantification, qui sont liées aux techniques analytiques et aux protocoles de traitement des échantillons, sont parfois au-dessus des concentrations en substances dans les masses d'eau, ou même des concentrations correspondantes aux valeurs limites d'émission ou encore aux normes de qualité environnementale. »
L'emploi des échantillonneurs passifs correspond à une nouvelle façon de surveiller les rejets et les masses d'eau, en tenant compte de la variabilité temporelle de la contamination. On est ainsi renseigné sur les risques toxiques et écotoxiques associés aux substances présentes, identifiées ou non identifiées. Les travaux de cette équipe ont consisté à développer de nouveaux échantillonneurs passifs et à optimiser et valider des échantillonneurs passifs existants dans le cas d'effluents industriels : « Nous proposons aussi de mettre en place une méthodologie pour coupler l'échantillonnage passif aux biotests de toxicité. Enfin, nous avons testé ces outils physico-chimiques et biologiques sur des mésocosmes et en avons validé l'application in situ. »
Traitement biologique de l'arsénite
Enfin, nous avons sélectionné une nouvelle méthode de traitement de l'eau, mise au point par le laboratoire du service environnement et procédés du BRGM, qui consiste à coupler l'action de bactéries autotrophes et de matières minérales naturelles pour traiter les eaux contaminées par l'arsénite [As(III)]. Les procédés actuels font appel à des oxydants forts (comme l'ozone, le permanganate de potassium, les chlorures qui génèrent des sous-produits toxiques) ou à des technologies comme l'emploi d'alumine activée, de Bayoxide ou de GFH qui se révèlent très coûteuses pour de petites installations de traitement d'eaux (20 à 100 m3/h). L'oxydation biologique proposée par le laboratoire du BRGM est réalisée par des bactéries autotrophes As(III)oxydantes fixées sur de la pouzzolane et pouvant être employée sur de petites unités de traitement d'eaux. « Des études pilotes en laboratoire ont permis de démontrer l'efficacité d'une oxydation biologique de l'As(III) pour des eaux contenant de l'ordre de 15 à 50 µg/l d'As(III) en bioréacteur à lit fixe contenant de la pouzzolane initialement colonisée par une souche bactérienne autotrophe Thiomonas arsenivorans dans des conditions proches du milieu naturel », concluent les chercheurs.