En 2004, Nathalie Lewin a été embauchée par OTV France, filiale de Veolia Eau Solutions & Technologies, en raison des nouvelles exigences... du Syndicat interdépartemental pour l'assainissement de l'agglomération parisienne ( Siaap). Ce dernier demandait en effet la présence d'un ergonome dans le groupement constructeur, exigence reprise aujourd'hui systématiquement sur tous ses appels d'offres. « La station d'épuration de Seine-Aval à Achères a été construite depuis les années 1930, sans prise en compte systématique des questions liées à la facilité d'exploitation », raconte-t-elle. Pour ses nouvelles installations, le syndicat souhaitait sortir de cette logique.
Le premier chantier qu'elle a suivi a été l'unité de nitrification-dénitrification à Seine-Aval. Les études étant déjà avancées, les modifications touchant le génie civil n'ont pas pu toujours être réalisables, mais des améliorations importantes ont été apportées, comme la mise en place de supports pour les « big bag » de polymères, fixés au-dessus des trémies de préparation. Auparavant, ces sacs étaient suspendus à des chaînes, ce qui faisait courir un risque d'écrasement à l'opérateur en phase de déchargement.
Sur le chantier d'extension de l'usine Seine-Grésillons - qu'elle suit depuis la phase appel d'offres - Nathalie Lewin a pu mieux apporter son expertise, devenant ainsi « l'oeil de l'exploitant » au sein de l'équipe d'ingénieurs-concepteurs. « En arrivant, j'ai entendu dire que l'ergonomie n'était que du bon sens, confie-t-elle. Mais cela n'est pas toujours vrai, car le bon sens du concepteur n'est pas toujours le bon sens de l'exploitant. » Et parce que le travail de l'ergonome en conception est, justement, d'intégrer dès la conception les besoins des futurs exploitants, en termes d'exploitation, de maintenance et de sécurité.
Il a donc fallu à Nathalie Lewin convaincre et sensibiliser nombre de collègues du bien-fondé de sa démarche. Avec succès : les ingénieurs, « intéressés par cette manière de voir qui était nouvelle pour eux, sont devenus force de proposition ». C'est ainsi que, de « grain de sable » qui oblige à refaire les plans, elle est devenue une référence indispensable lors de chaque étape de conception. Tout d'abord au niveau de la conception générale du plan de la station : elle fait alors de la macro-ergonomie, réfléchissant à l'implantation optimale des ouvrages process et des locaux, à la gestion des flux et des déplacements... Mais aussi au niveau de la microergonomie, qui concerne l'implantation des équipements dans les bâtiments.
L'ergonomie est devenue indispensable au projet. Les grilles de suivi que Nathalie Lewin a mises en place, avec les ergonomes du Siaap, pour communiquer avec la maîtrise d'ouvrage sont désormais considérées par cette dernière comme incontournables. Ces grilles précisent, pour chaque zone, les équipements et leurs moyens de manutention, les cheminements des exploitants, les interventions prévues et leur fréquence, les accès conçus pour la maintenance... Quelque peu rattrapée par le succès de son initiative, l'ergonome avoue : « Pour la compréhension de l'exploitant, ces grilles sont désormais indissociables des plans. » Sans doute parce que les grilles remettent l'être humain au coeur du plan.