L'exploitation du maërl breton est interdite depuis avril 2010, et l'importation de maërl islandais reste coûteuse. Or, sans ce calcaire marin aussi appelé neutralite, le traitement de neutralisation des eaux agressives lors de la production d'eau potable doit être réexaminé.
Cette adaptation dépend des caractéristiques de la ressource et du type d'installation. Si l'eau est suffisamment minéralisée, un simple système de stripping à l'air peut suffire à la neutraliser « à condition que la station ait une alimentation électrique et que son débit soit supérieur à 10 m3/h », précise Patrick Degoul, représentant en France d'Aquadosil.
L'eau agressive est souvent déficitaire en ions HCO3-. La filtration sur un produit calcaire est dès lors utilisée, à la fois pour rendre l'eau moins agressive et pour la reminéraliser. Dans ce cas, une injection de CO2 peut se révéler nécessaire en amont pour atteindre l'équilibre minéral. La question du choix du calcaire se pose aussi, sachant que le marché français du maërl était de 12 000 à 15 000 tonnes par an.
LE MEILLEUR COMPROMIS
Une récente étude (1) réalisée pour le département des Vosges sur la reconversion des stations de traitement d'eau potable utilisant du maërl concluait que « les calcaires terrestres présentent le meilleur compromis technico-économique [...], en particulier le Filtracarb 1.25/2.5 L-SB », commercialisé par la société Omya. Cependant, l'étude n'a concerné que deux fabricants : Omya et Lhoist. Chaque station n'a testé qu'un seul produit. Ces résultats sont donc à prendre avec recul.
Florence Clermont, ingénieur chez Lhoist, considère que l'Hydro-calcit, écarté de l'étude dans ses conclusions, est un matériau adapté pour remplacer la neutralite : « Ce calcaire, rendu ultraporeux par traitement thermique, présente une surface de contact importante et un temps de contact équivalent à celui du maërl, sans traitement complémentaire à base de soude. » En revanche, pour utiliser du calcaire terrestre concassé, il faudra sans doute augmenter le temps de contact ou la taille des filtres, ou injecter de la soude en aval de la filtration pour faire remonter le pH. Des solutions qui peuvent se révéler coûteuses ou lourdes pour les petites installations. De son côté, François Bordas, chercheur à l'université de Limoges, juge que « un bon nombre d'installations pourront être maintenues en l'état, en jouant sur les débits et la granulométrie du calcaire terrestre afin d'augmenter la surface de contact ».
La situation de chaque station doit donc être analysée par un maître d'oeuvre. Ces derniers se sont emparés du sujet, à l'image de la société SLD TP qui, en avril 2010, a racheté l'entreprise Gemini, spécialisée dans la conception pour le secteur de l'eau potable. C'est en effet un marché prometteur : pour le seul département des Vosges, le coût de la réhabilitation des 230 stations de neutralisation a été estimé à 28 millions d'euros sur les dix prochaines années. Il y aurait près de 900 stations concernées sur le territoire français.