Historiquement, c'est d'abord au Maroc, en matière de collecte des déchets, que les groupes étrangers ont développé leurs activités au Maghreb. Depuis les années 1990, le gouvernement marocain encourage en effet les municipalités à confier la collecte des déchets ménagers et la propreté à des opérateurs privés. Aujourd'hui, la moitié de la population urbaine dispose d'un service de collecte des déchets ménagers opéré dans le cadre d'une gestion déléguée. Cinq opérateurs importants se partagent 80 % de ce marché : Veolia Propreté Maroc, Sita El Beida (Groupe Suez), Segedema (Groupe Pizzorno), l'espagnol Tecmed et l'américain Ecomed. À côté de cela, quelques entreprises marocaines tirent leur épingle du jeu, comme SOS, GMM, Tout Propreté. « Après avoir gagné deux nouveaux contrats de collecte en 2010, notre objectif est d'en décrocher aussi deux en 2011 et de maintenir notre taux de croissance organique de 20 % actuel », indique Thomas Forgacs, directeur général de Sita El Beida. Pour cela, il s'appuie sur les acquis, l'expérience et le savoir-faire qui constituent l'image de marque du groupe français. « Cependant, sur le terrain, c'est avant tout la qualité de la prestation qui fait la différence et c'est là que se situe notre objectif : être un référent, en termes de qualité, précise Thomas Forgacs. Lors des appels, notre ambition est d'avoir la meilleure note technique, ce qui conduit parfois à faire une proposition plus chère que celles de nos concurrents. C'est une stratégie qui est payante, car de plus en plus de municipalités recherchent, non plus le moins disant, mais le meilleur rapport qualité/prix. » Chaque année, de nouvelles communes marocaines décident de passer d'une gestion en régie à un opérateur privé. Malgré la forte concurrence qui caractérise ce marché de la collecte, les opportunités se maintiennent donc à un bon niveau. Cependant, un tournant a eu lieu depuis environ un an : les municipalités sont devenues nettement plus exigeantes dans la rédaction de leurs appels, et leurs cahiers des charges sont de plus en plus contraignants.
COLLECTE : UN MARCHÉ MAROCAIN EXIGEANT
En parallèle, sur les contrats en cours, de vives tensions sont apparues en 2010 entre les opérateurs et certaines municipalités. Celles-ci leur reprochaient un non-respect des obligations contractuelles, notamment en matière d'investissements prévus au cahier des charges. Les opérateurs mis en cause ont, en retour, invoqué d'importants retards de paiement. Tecmed, en particulier à Tanger et à Mohammedia, a essuyé de lourds reproches, des pénalités en cascade et des menaces de rupture de contrat. À Casablanca, le ton est aussi monté entre les représentants du conseil de la ville et ceux du groupe Pizzorno. De son côté, Sita El Beida a trouvé un accord avec les représentants de cette même ville sur le règlement d'arriérés de paiement, en contrepartie de l'engagement, par l'opérateur, d'un plan de renouvellement de matériel. « Au Maroc, les difficultés de paiement sont chose courante, souligne Thomas Forgacs. On tient donc compte de ce facteur de risque au moment de rédiger l'offre. De plus, la grande proximité et le dialogue de qualité que nous entretenons avec les autorités délégantes nous permettent d'identifier les difficultés assez tôt, et on s'efforce alors de les aider à trouver des solutions pour en sortir. » Malgré ces difficultés, ce n'est pas, intrinsèquement, la gestion déléguée qui est remise en cause, car les pouvoirs publics sont convaincus qu'elle constitue un levier unique pour rattraper le retard accumulé dans la gestion des . La gestion déléguée est d'ailleurs promise à un grand avenir, en particulier en matière de gestion des décharges sur laquelle les appels d'offres se multiplient. « Contrairement à la collecte, c'est un marché encore quasi vierge. Il y a, dans le pays, une forte mobilisation en faveur de l'élimination des quelque 300 décharges informelles et de la création de nouveaux centres d'enfouissement répondant à des exigences équivalentes aux normes européennes. Le Maroc vient d'ailleurs d'obtenir, pour ce faire, des nouveaux financements de la Banque mondiale et du FMI », remarque Thomas Forgacs. Afin de se positionner sur ce nouveau marché, Sita El Beida met en place cette année une « Agence Traitement ».
De son côté, de par l'histoire de son implantation au Maroc, Pizzorno est déjà bien présent dans ce domaine. « À la suite d'une belle opportunité qui, il y a une dizaine d'années, s'était offerte à nous (la reprise d'un centre d'enfouissement dans la région de Rabat), le groupe a eu une croissance très progressive au Maroc, en remportant successivement plusieurs appels d'offres, pour de la collecte ou de l'exploitation de centres de stockage », explique Jean-Paul Lavador, secrétaire général du groupe. Aujourd'hui, la Segedema gère la plus grande décharge contrôlée d'Afrique, à Rabat, ainsi que celles d'Al Hoceima et de Moulay Abdellah. En outre, l'entreprise a remporté les marchés de construction et d'exploitation des futurs centres d'enfouissement de Safi et de Marrakech. Pizzorno est aussi implanté en Tunisie, où il a décroché le contrat d'exploitation et de réhabilitation de la décharge de Djebel Chékir, près de Tunis, après un appel d'offres international qui a duré près de cinq ans. « Nos activités au Maroc, en Tunisie et en Mauritanie (gestion de la propreté à Nouakchott et exploitation d'un centre de stockage de déchets), représentent 20 % de notre chiffre d'affaires. La stratégie pour l'instant est de consolider ces positions, ce qui n'empêche pas de saisir les nouvelles opportunités », précise Jean-Paul Lavador.
DES BUREAUX D'ÉTUDES À LA PEINE EN ALGÉRIE
Côté bureaux d'études français intervenant au Maghreb, l'année 2010 a souvent été difficile et les perspectives 2011, compte tenu des récents événements, restent assez sombres. Ainsi, Girus n'a pas obtenu de nouveaux contrats en matière de déchets, hormis ceux en cours (réalisation, avec un partenaire algérien, de deux études de schéma directeur d'élimination pour les déchets d'activités de soins et les déchets industriels, pour la wilaya d'Alger). « Devant les complications de l'administration et de la réglementation, nous nous posons la question de continuer dans ce pays », indique Nicolas Almodovar, responsable du développement à l'international du bureau d'études. À la suite des changements réglementaires récents, l'intervention de sociétés étrangères sur le sol algérien va devenir encore plus difficile qu'auparavant : les filiales doivent désormais respecter de nouvelles règles de répartition de capital, avec une participation majoritaire algérienne. Le bureau d'études français G Environnement, dont l'activité est toujours soutenue dans ce pays puisqu'en 2010, il a assuré la maîtrise d'oeuvre d'extension de décharges et a travaillé sur des études d'impact sur des projets gaziers, se positionne cette année sur un appel d'offres international pour un projet de centre de stockage de classe 1. Il prévoit de faire un petit ajustement des parts détenues par sa gérante algérienne afin de respecter la nouvelle règle. Mais peu de filiales de bureaux d'études étrangers seront en situation d'en faire autant.
BELLES OPPORTUNITÉS POUR LES FOURNISSEURS DE MATÉRIELS
Pour d'autres raisons, les fournisseurs de matériels français ont, eux aussi, des difficultés sur le marché algérien. Une entreprise, qui s'était vu attribuer un marché, n'a jamais reçu l'ordre de service. D'autres évoquent les lourdeurs administratives et une grande inertie. De ce fait, elles ne font plus de ce marché, pourtant demandeur de matériels, une cible prioritaire. L'entreprise Ar.Val (groupe Vauché) continue à se positionner, avec des partenaires locaux (le groupe Amenhyd, des bureaux d'études...), sur des appels d'offres pour des centres d'enfouissement en Algérie (installation récente de deux unités de prétraitement dans le cadre de la réhabilitation de la décharge d'Hamici, en périphérie d'Alger, pour récupérer la fraction valorisable des déchets), mais parie désormais plutôt sur le Maroc. « En 2010, on a senti une révolution de l'approche de la gestion des déchets au Maroc. Il y a dans ce pays une volonté d'améliorer rapidement les décharges et d'installer des lignes de tri en amont de ces sites. Au-delà de l'aspect environnemental, ces chaînes de tri offrent une requalification et des conditions de travail plus sûres aux chiffonniers qui, traditionnellement, récupèrent les produits valorisables à l'arrivée des bennes sur les décharges », indique Patrick Denis, président d'Ar.Val. Pour profiter de ce marché marocain particulièrement dynamique, il faut néanmoins pouvoir se tenir au courant des opportunités : en l'absence de partenaires marocains constitués et identifiables, Ar.val a dû prendre un agent sur place. De nombreux autres fournisseurs en font autant. « Il est difficile d'organiser seul une telle activité depuis la France, témoigne Laurent Zinsch, gérant de LC Technologies, qui distribue des matériels pour le traitement des ferrailles et des déchets. Au Maroc, la demande porte sur du matériel basique, robuste, avec un intérêt pour l'occasion de la part de beaucoup d'opérateurs, même si le panel des clients, et donc de leurs besoins, est extrêmement diversifié. »