L’audition d’Antoine Frérot, PDG de Veolia, était un événement attendu par les sénateurs. Le 10 novembre, les parlementaires ont pu l’interroger sur les questions soulevées pendant les interventions de Jean-Pierre Clamadieu, Bertrand Camus et Philippe Varin, respectivement président d’Engie, directeur général de Suez et président de Suez. Les élus l’ont notamment sollicité sur la pertinence du rapprochement entre Suez et Veolia, après le rachat des parts d’Engie à hauteur de 29,9%. « Comment un groupe fusionné mais délesté de 70% des activités de Suez serait plus efficace, prometteur, innovant que nos deux champions aujourd’hui ? Cette fusion ne ressemble-t-elle pas plutôt à un démantèlement du principal concurrent au moment où de grands contrats de délégations de services publics arrivent à terme ? », a soulevé Sophie Primas, présidente de la Commission des affaires économiques. D’autres questions ont été posées sur la rapidité du processus, sur l’avenir des salariés de Suez, et sur le projet de confier les activités eau de Suez à la société de gestion Meridiam.
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Antoine Frérot se défend de tout démantèlement, préférant évoquer une « synergie » entre les deux groupes, dans un contexte où les entreprises chinoises prennent de plus en plus de place sur le marché du traitement des déchets et de l’eau. « Aucune réponse n’aurait été franco-française avec un projet industriel, fait-il valoir. Les autres auraient été non-françaises ou purement financières, qui auraient conduit à une cession pour le compte d’une entreprise étrangère. » Pour lui, le rapprochement avec Suez est « une opportunité de grouper nos forces. S’il ne se fait pas, dans 20 ans nous nous en mordrons les doigts et nous ne serons plus les leaders. Il s’agit d’un projet industriel, de l’autonomie de notre pays en matière économique. » Il indique avoir informé Bercy et Matignon de son projet, sans avoir eu de retour, avant de déposer son offre le 30 août. Il réfute tout autre lien avec l’exécutif, même lorsqu’il est interrogé sur le rôle d’Ismaël Emelien, ex-conseiller d’Emmanuel Macron reconverti dans la communication – notamment pour Veolia.
Selon Antoine Frérot, le délai d’un mois pour qu’Engie donne sa décision sur son offre n’est « pas si court que ça. La décision d’Engie était fin juillet, et l’offre jusqu’à fin septembre. Deux mois, dans le monde des entreprises, c’est un délai raisonnable. » Sur les emplois, il assure vouloir tenir ses engagements de n’en supprimer aucun jusqu’en 2023 et se dit « prêt à revenir tous les ans » devant le comité de suivi créé par les Commissions des affaires économiques et de l’aménagement du territoire et du développement durable. Il propose de « mettre en place un dispositif au Parlement de suivi, de contrôle de sanction des engagement sociaux sur un champ pluriannuel », dont le rapprochement serait le premier cobaye.
Meridiam en manque d’expérience
Les sénateurs ont aussi pointé le manque d’expérience de Meridiam dans le secteur de l’eau. Pour Antoine Frérot, la décision de lui confier ces volets répond aux « chevauchements » des activités de Suez et Veolia en France. « Meridiam me paraît répondre aux considérations : française, qui s’engage à très long terme (conserver pendant plus de 25 ans cette activité). Meridiam existe depuis 15 ans, elle n’a pas vendu un seul investissement. Meridiam n’est pas présente dans l’eau en France mais aux États-Unis, dans le cadre de grandes universités. Elle a l’habitude de collectivités publiques françaises locales et régionales. » Il fait valoir que la société de gestion spécialisée dans les infrastructures, à la demande d’Engie, a pris le même engagement que lui concernant la préservation des emplois, en plus de « créer 1.000 postes d’apprentis ».
Pour l’heure, Antoine Frérot a déjà informé de son intention d’OPA sur le reste du capital de Suez. Le CA du gestionnaire de l’eau et des déchets est, pour lui, le dernier obstacle. Lequel pourrait être supprimé sous la pression des actionnaires, s’ils sont sollicités par Veolia. Le groupe ne bénéficie pas pour l’instant des effets de la cession, suspendus par une décision du juge des référés à la suite d’un contentieux lancé par les comités sociaux et économiques de Suez.