Les Bref (Best available techniques reference document) sont au coeur de la réglementation IPPC. « Catalogue de techniques, le Bref présente un état de l'art dans un secteur, à un moment donné », illustre Didier le Carre, de l'agence de l'eau Seine-Normandie. Leur rédaction, à Séville (Espagne), passe par la création d'un groupe de travail européen piloté par un membre du bureau IPPC et constitué de représentants des États membres, d'organisations professionnelles européennes et d'organisations non gouvernementales. « L'élaboration ou la révision d'un Bref prend en moyenne trois ans », précise Serge Roudier, administrateur du bureau européen IPPC, au sein de l'Institut des études de prospective technologique, à Séville. Certains États membres, à l'image de la France, constituent leur propre groupe de travail pour préparer leur contribution aux Bref ; un travail en amont indispensable à la qualité finale d'un Bref, qui vient notamment de la qualité des données collectées.
« Les Bref sont d'abord des outils pratiques destinés aux autorités compétentes et aux exploitants, qui trouvent dans ce document les éléments indispensables à la réalisation de leur bilan de fonctionnement », souligne Serge Roudier. Gérard Châtaigner, président de l'Institut français de l'environnement et des traitements de surface, note pourtant que « peu d'industriels s'appuient sur le Bref ».
En effet, parmi les 33 documents disponibles, il n'est pas toujours évident de s'y retrouver : 28, dits verticaux, sont relatifs à un secteur ou un sous-secteur et 5, dits horizontaux, s'appliquent à plusieurs secteurs. Ensuite, tous ne sont pas de qualité équivalente. « Les niveaux d'émissions et les coûts de mise en oeuvre doivent être parfaitement caractérisés. Ce n'est pas toujours le cas », indique Rodolphe Gaucher, responsable de l'unité technologies et procédés propres et durables de l'Ineris.
Enfin, les Bref sont volumineux : jusqu'à 500 pages pour certains. Une dérive qu'a constatée le bureau IPPC. « Le Bref des industries du ciment et de la chaux comptait 111 pages en 2001. Révisé, il grimpe à 450 », illustre Serge Roudier. Des pavés qui ont conduit le ministère du Développement durable, avec l'appui technique de l'Ineris et de l'Ademe, a réalisé des résumés techniques des Bref. « 28 sont disponibles. Bientôt, il existera un résumé par Bref », précise Guy Mottard, au Meeddm. Parallèlement, la structure des Bref s'homogénéise, à l'image de celui sur l'incinération des déchets, un des derniers paru. « Notre activité, déjà bien réglementée, se prêtait à la réalisation d'un Bref très structuré qui a, de plus, bénéficié de l'expérience des précédents », explique Hubert de Chefdebien, président du Syndicat national des concepteurs et constructeurs des industries du déchet et de l'environnement ( Snide). « Synthétiser ces documents, sans perdre leur substance, afin qu'ils soient utilisables de manière optimale, constitue un défi collectif », conclut Serge Roudier.
Selon des modalités précisées dans l'arrêté ministériel du 2 février 1998 modifié, « les valeurs limites d'émissions fixées dans l'arrêté d'autorisation sont fondées sur les meilleures techniques disponibles ». Le Bref, qui présente ces techniques et les niveaux d'émissions associés (BAT AEL pour Emission levels associated with best available techniques) constitue un document central de la réglementation IPPC, sans pour autant être mentionné comme tel. « Un des objectifs de la révision est de renforcer ce rôle », assure Guy Mottard. Effectivement, la proposition de directive IED prévoit une procédure d'adoption formelle des « conclusions sur les MTD » ou synthèses de Bref. Sous réserve d'adoption du texte, sauf cas particulier, les autorités compétentes auront obligation d'intégrer dans les permis d'autorisation des valeurs limites d'émissions comprises dans la gamme des niveaux d'émissions mentionnés dans les Bref, ou au moins égale à la valeur haute.
Ces évolutions réglementaires mobilisent les exploitants. Frédéric Guillet, du Centre technique du papier, s'interroge sur les Bref dont la révision est engagée, rappelant que ce processus « est appréhendé dans l'esprit de la directive IPPC, alors qu'avec la directive IED, il évolue ».
Si les conclusions sur les MTD deviennent des actes légalement contraignants, il en est de même des valeurs d'émissions. « Les valeurs figurant dans les Bref se retrouvant probablement dans nos arrêtés préfectoraux de demain, nous souhaitons qu'elles soient réalistes », souligne Nicolas Lesage, responsable environnement de Total petrochemicals France. « Notre implication est nécessaire, si nous voulons nous assurer que les MTD décrites sont réellement applicables à nos installations », martèle Henry De Croutte, responsable énergie et environnement à l'Union des industries chimiques. Alors que les exploitants s'impliquent, les négociations se poursuivent à Bruxelles pour déterminer la force juridique des Bref.