Les gaz fluorés contribuent notablement au ré chauf fement climatique. C'est pourquoi le Parlement euro péen s'est prononcé le 12 mars « pour une interdiction globale de ces gaz qui représenteraient 20 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030 s'ils n'étaient pas interdits », selon les déclarations de Bas Eickhout, le député néerlan dais en charge du dossier. Il faut dire que les émissions d'hydrofluorocarbures (HFC), utilisés essentiellement en réfrigération, ont augmenté de 60 % dans l'Union euro péenne depuis 1990. Cette famille de gaz remplace les chlorofluoro carbures (CFC), accusés de détruire la couche d'ozone, et interdits par le Protocole de Montréal. Mais certains de ces gaz ont un pou voir réchauffant global (PRG) plusieurs dizaines de milliers de fois plus fort que celui du CO 2 (par définition fixé à 1) !
Tous les HFC ne subiront pas le même sort. Dans les secteurs à fort impact, comme l'automobile ou le froid commercial, seuls les gaz à faible PRG seront auto risés. De même, lorsque des solutions alternatives sûres et efficaces existent, par exemple les systèmes de réfrigération commerciaux centralisés, les gaz fluorés seront totalement interdits. Ceux ayant un pou voir réchauffant moins de 750 fois supérieur à celui du CO 2 seront autorisés pour les systèmes d'air conditionné d'ici à 2025. La climatisation de tous les véhicules vendus en Europe au 1er janvier 2017 devra être dépourvue de R-134a, un gaz au pouvoir réchauffant global de 1 430.
Comment les industriels peuvent-ils s'adapter ? Pour les aider, l'Ademe, l'Alliance froid climatisation environ nement (AFCE) et le Syndicat des industries thermiques, aérauliques et frigorifiques (Uniclima) ont publié une étude sur les solutions alter natives aux HFC1 . Finie la solution unique pour toute production de froid, basée sur le R-134a. Le choix d'un fluide dépend des puissances et des températures recher chées, mais aussi de son PRG, de sa température de vapo risation, sa toxicité, de son inflammabilité, de l'efficacité énergétique du cycle…
Les appareils de froid domes tiques ont déjà fait leur mue : 95 % des réfrigérateurs et congélateurs contiennent de l'isobutane (réfrigérant R-600a). Mais ce fluide, très inflammable, est réservé aux petits systèmes, car il ne doit être présent qu'en petite quantité : 150 grammes dans les appareils domestiques, et jusqu'à 1,5 kg pour le petit froid commercial.
L'industrie automobile n'est pas trop en peine non plus pour supprimer le R-134a. Son remplaçant : le R-1234yf, qui a un pou voir réchauffant seulement quatre fois plus fort que le CO 2 . « Il répond aux exigences réglementaires européennes et américaines, souligne Christophe Maldemé, chef de produit air conditionné et produits à faible PRG chez Arkema. Seuls les constructeurs allemands aimeraient passer à une climatisation au CO 2, mais il n'est pas économiquement viable d'avoir sur le marché des voitures avec des climatisations différentes. »
Côté supermarchés et hypermarchés, il ne suffit pas de changer les fluides, il faut souvent repenser l'instal lation de froid en entier. Par exemple, les fluides frigorigènes circulerontils dans le magasin, avec un fort risque de fuite, ou serontils cantonnés à la salle des machines, ce qui implique l'usage d'un fluide frigopor teur et diminue le rendement ? On note un retour aux fluides « naturels » (qui existaient dans la nature avant que l'on sache les fabriquer) : l'ammoniac (NH 3 ) et le dioxyde de carbone (CO 2 ). Avec une nette préférence pour ce dernier. L'ammoniac présente notamment le désavantage d'être toxique, donc d'être soumis à des réglementations strictes. Les technologies le mettant en œuvre en limitent donc les quantités, et les cantonnent à des locaux techniques à accès réglementé, tandis que le froid est distribué à l'aide de fluides caloporteurs.
Carrefour a ainsi équipé vingt trois magasins avec une réfrigé ration au CO 2, contre seulement deux à l'ammoniac. « Nous nous sommes engagés à équiper tous nos magasins neufs avec des fluides naturels dès 2015, et à faire de même lorsque nous changions le mobilier, indique Hervé Duclos, responsable des achats énergie chez Carrefour. Pour les petits magasins, le choix se porte systématiquement sur le CO 2, car l'ammoniac exige un liquéfacteur, au coût élevé, même pour une petite puissance. » La substitu tion de fluide s'accompagne géné ralement d'un changement de mobilier : les meubles réfrigérés ouverts sont remplacés par des meubles avec portes, beaucoup moins énergivores. « On réduit ainsi de 30 % la puissance nécessaire, ce qui compense le surcoût des installations aux fluides naturels par rapport aux installations classiques », note Hervé Duclos.
« Depuis quatre à cinq ans, on observe une forte demande pour les installations au CO 2, aussi bien pour le froid positif (au-dessus de 0 °C) que négatif, voire pour des centres de traitement de données », confirme Jonathan Leguil, expert tech nique d'Axima réfrigération, filiale de GDF Suez. Sa société est notamment la première à avoir installé en 2010 une ins tallation au CO 2 transcritique, une technologie qui produit simultanément du froid posi tif et négatif avec un très bon rendement. Pour son client, le négociant Léonard Volailles, à Verdun, « cela demande un peu de réglage, comme toute installation neuve, observe Xavier Léonard, gérant de l'entreprise. Nous avons eu quelques évacuations du CO 2 pour raisons de sécurité, mais le coût de ce gaz est négligeable. Nous avons aussi dû nous équiper d'un groupe électrogène car il est important que l'installation soit toujours alimentée électriquement. Le CO 2 est aussi le fluide transportant le froid, ce qui évite l'utilisation d'échangeurs de chaleur ».