La géothermie profonde a maintenant sa chaire industrielle. Inaugurée en avril, elle rassemble EDF, Électricité de Strasbourg (ÉS), le CNRS et l'université de Strasbourg. Elle vient compléter le laboratoire d'excellence (Labex), ouvert il y a trois ans sur le thème. Dotée de 2,1 millions d'euros par ÉS et EDF, auxquels s'ajoutent les 3 millions du Labex, cette chaire a pour but de développer « une filière professionnelle à haute qualification, associant les savoirs techniques et scientifiques des industriels et des chercheurs », selon l'université. R & D, formation initiale et continue (avec la création du premier diplôme universitaire dans la spécialité), renforcement des liens entre l'université et ÉS : les raisons de cette création sont multiples.
Jusqu'à présent, seuls étaient exploité s des sites volc aniques, comme à Bouillante en Guadeloupe, ou bien des réservoirs à plus basse température, principalement en région parisienne, où l'aquifère du Dogger à 75 °C alimente depuis la fin des années 1970 des réseaux de chaleur pour l'équivalent de 150 000 logements. Aujourd'hui, un troisième type de géothermie, celle non volcanique à haute température (150 à 200 °C), est en plein développement. L'installation de Soultz-sous-Forêt (67) no tamment, pilote pour cette technologie, connaît une nouvelle jeunesse. Exit la fracturation hydraulique et ses risques sismiques, place à la stimulation chimique, plus douce. « Nous injectons des acides alimentaires non toxiques, qui dissolvent les minéraux empêchant l'eau de bien circuler, explique Frédéric Masson, directeur de l'École et observatoire des sciences de la Terre (Eost) à l'université de Strasbourg . Nous avons aussi découvert qu'il n'est pas nécessaire de forer jusqu'à 5 000 m, car la circulation est meilleure à 2 000 ou 3 000 m. Et contrairement aux gaz de schiste, toutes les recherches sont publiées dans des revues, il n'y a aucun secret industriel. »
Pourquoi de la R & D ? « Il nous manque des connaissances pour optimiser les projets », souligne Jean-Jacques Graff, directeur général d'ÉS Géothermie, filiale d'Électricité de Strasbourg. Il s'agit surtout d'améliorer l'exploration, avec des technologies moins coûteuses que celle de l'industrie pétrolière. « Il nous faut davantage de projets pour progresser », estime-t-il. Cinq étaient lancés ou en cours de lancement au printemps dernier dans la région. L'un, à Rittershoffen, près de Soultz-sous-Forêt, servira à sécher l'amidon de l'usine Roquette Frères, avec une puissance de 24 MW thermiques. Un projet de cogénération pour la communauté urbaine de Strasbourg est aussi prévu. Les travaux pourraient débuter en 2015. Les autres projets sont au stade de la demande de permis.
L'Alsace n'est pas la seule région qui voit refleurir la géothermie à haute température. D'autres sont également favorables : le Massif central, le Sud-Ouest à proximité de Pau et de Tarbes, et certains sites dans la vallée du Rhône. « Soultz-sous-Forêt a montré que cette géothermie était possible, expose Romain Vernier, responsable de la division géothermie du BRGM. L'enjeu est d'obtenir des débits suffisants pour que ce soit rentable. »
En surface aussi, les centrales ont progressé et peuvent produire de l'électricité avec de l'eau à plus basse température, tout en gardant le même rendement. Ce qui permet de forer moins profond, donc à plus bas coût.