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ENERGIE

En quête de sobriété

LA RÉDACTION, LE 1er OCTOBRE 2014
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1 Optimiser ses procédés La chasse aux gaspillages et la récupération de la chaleur perdue sont les deux principaux leviers pour réduire sensiblement sa consommation d'énergie. À condition de se poser les bonnes questions. L e vingtième siècle a sans conteste été celui de la productivité. Principal objectif pour les industriels : produire davantage et toujours plus vite. L'heure est désormais à l'optimisation des coûts… Et l'énergie ne peut plus passer entre les gouttes. Chez les petits consommateurs, ce paramètre a trop longtemps été ignoré. Les secteurs énergivores du papier, du verre ou de la chimie n'ont pas attendu la crise pour isoler leurs fours ou investir dans des systèmes de récupération de la chaleur. Ils ont toutefois encore de belles marges de progression. L'Ademe estime à 43 % le potentiel théorique d'économies d'énergie de l'industrie à production identique. Par exemple, 17 % de la consommation de combustible sont perdus en chaleur fatale à plus de 100 °C. « Plus on monte en température et plus le taux diminue, ce qui est plutôt rassurant, souligne Frédéric Streiff, ingénieur à l'Ademe. D'un point de vue thermodynamique, on aura toujours de la chaleur perdue. C'est à chaque site d'évaluer ses possibilités et d'investir pour trouver un optimum entre le coût et la performance. » Dans une fonderie, le calcul est généralement vite fait. La plupart des fours à fonte sont équipés de cubilots, des engins de fusion en forme de colonne dans lesquels on place la ferraille pour la préchauffer au contact des fumées avant de l'incorporer dans le four. Pour l'aluminium, on utilise des puits de chargement dont le fonctionnement est très proche. À l'autre bout de l'échelle, de petits gisements peuvent être valorisés très simplement. « Pour récupérer la chaleur perdue sur un groupe d'air comprimé, des solutions sont disponibles. À la sortie d'un four verrier, c'est plus compliqué », compare Jean-François Lucas, spécialiste des procédés industriels au Centre technique des industries aérauliques et thermiques (Cetiat). Le potentiel doit être suffisant pour faire appel à un bureau d'études qui saura évaluer la faisabilité de l'opération, trouver le bon échangeur… Côté débouchés, l'idéal est évidemment de profiter d'un besoin local de chaleur pour le process ou pour le chauffage d'un bâtiment de l'usine. La production d'électricité se justifie aussi de plus en plus. « Les systèmes ORC de cycle organique de Rankine sont très en vogue pour valoriser les fumées de plus de 200 °C. Surtout au-delà d'un mégawatt », propose Frédéric Streiff. De jeunes entreprises jouent plutôt la carte de l'innovation. Elles cherchent des solutions bon marché, simples à administrer et adaptées aux petites puissances, à l'image de la société Hevatech : « Avec notre procédé Turbosol, un couple de fluides vient récupérer la chaleur via un échangeur. Le tout est ensuite accéléré dans une tuyère pour entraîner une turbine reliée à un alternateur qui produit de l'électricité », décrit Marie Kermarrec, chef de projet chez Hevatech. Reste à faire ses calculs. Le coût des équipements, le faible prix de l'électricité en France et l'absence de tarif d'achat réglementé de l'énergie fatale n'incitent pas au développement à grande échelle de ce type de solutions. Valoriser l'énergie perdue ne doit pas masquer un objectif plus fondamental pour les industriels : ne pas brûler de combustible inutilement. Et là aussi, bon nombre d'entreprises commencent à accepter de perdre leurs mauvaises habitudes, notamment en évitant de surchauffer les pièces ou les produits qu'ils fabriquent. Dans la fonderie encore, on connaît l'enthalpie de chaque matériau, c'est-à-dire l'énergie nécessaire pour le faire passer de l'état solide à l'état liquide. Rien ne sert donc d'aller au-delà. Mieux vaut par ailleurs éviter les gaspillages énergétiques. « Les réfractaires et les parois planes des fours sont généralement bien isolés, remarque Jean-Marc Piatek, ingénieur thermicien au Centre technique des industries de la fonderie (CTIF). Les déperditions viennent en revanche des ouvertures nécessaires pour l'entrée des charges et pour le décrassage. Quand elles ne sont pas automatisées, elles sont souvent plus longues que nécessaire. » Si le choix des équipements est important pour réduire la facture énergétique, le travail d'optimisation passe parfois par des solutions de bon sens qui, au premier abord, semblent éloignées des questions soulevées. « Il faut commencer par réduire le nombre d'opérations », note Jean-Marc Piatek. Pour limiter les ouvertures intempestives, il est nécessaire par exemple de bien remplir son four, donc de préparer correctement la matière incorporée. Et pour qu'il y ait moins d'opérations de nettoyage, mieux vaut diminuer les apports de rouille, d'huile ou de sable, autrement dit de matières de mauvaise qualité… Si ces exigences doivent être prises en compte, elles ne peuvent évidemment pas dicter à elles seules la conduite à tenir. La question de l'énergie s'efface parfois devant d'autres paramètres technico-économiques. Sur le site français de l'équipementier automobile BorgWarner, l'analyse des dépenses a mis en exergue des sources d'économies trop négligées : les moments durant lesquels une machine fonctionne sans produire. L'industriel a constaté que certaines machines à laver à haute pression consommaient entre 20 et 30 kW en phase d'attente (pour 80 kW quand elles sont utilisées). « Nous avons retrouvé ce ratio d'environ un tiers sur plusieurs équipements », se rappelle Didier Castets, responsable du management des énergies dans l'entreprise. Il semble illusoire dans l'industrie de reconsidérer chaque process pour limiter ces temps d'attente. « Mais on peut mieux les gérer en mettant hors puissance certains organes », insiste-t-il. Pour cela, deux conditions doivent être réunies : la consommation liée au redémarrage doit être inférieure à l'économie générée et l'évolution ne doit pas influer sur la productivité, ni la qualité des produits. Sur un équipement de test hydraulique par exemple, Borg-Warner met désormais hors puissance des éléments qui ne fonctionnent pas le week-end. « Nous avons constaté qu'il fallait vingt minutes pour qu'ils soient de nouveau opérationnels. Une personne présente sur le site est donc chargée de les redémarrer une demi-heure avant l'arrivée de ses collègues… en appuyant sur un simple bouton », illustre Didier Castets. De même, pendant les pauses repas, l'arrêt génère 7 à 8 % d'économies (et le redémarrage ne prend qu'une minute grâce à l'inertie emmagasinée). L'entreprise entend travailler par ailleurs sur sa consommation d'air comprimé. Elle a en effet remarqué que, lorsque certaines machines sont à l'arrêt, leur approvisionnement n'est pas stoppé. L'installation d'électrovannes de régulation pourrait réduire sensiblement la consommation. l 2 Structurer sa démarche La chaîne de production doit être instrumentée pour mettre en évidence les équipements à changer et les procédés à faire évoluer… Autant de modifications qu'il faut faire accepter. Isoler un four, remplacer un brûleur ou ajouter un variateur de vitesse à un équipement n'est pas une fin en soi. « Les entreprises doivent délaisser leur approche empirique de l'efficacité énergétique pour une démarche plus structurée », suggère Jean-Pierre Riche, dirigeant de la société de conseil Okavango. Cela passe par une recherche continue des pistes d'amélioration et des leviers à actionner, à l'image de ce que propose la norme de management de l'énergie Iso 50001. Puisqu'on n'améliore que ce que l'on connaît, les industriels qui ignorent par où commencer ont un impératif : instrumenter leur outil de production et évaluer leurs besoins. Ce qui ne va pas toujours de soi. Le fabricant de verre et de pots O-I s'est longtemps focalisé sur son plus gros poste de dépense énergétique, la fusion du verre. « Sur le reste, nous avions peu de données de consommation jusqu'en 2009 », reconnaît Laurent Aubert, ingénieur en charge de l'énergie dans le groupe. Pour changer la donne, tous les moteurs électriques de plus de 75 kW, surtout des compresseurs et des ventilateurs, ont été équipés de systèmes de comptage. Côté gaz, au-delà des fours, « nous nous sommes focalisés sur le bassin de travail et sur les feeders, ces canaux qui conduisent le verre en fusion jusqu'à la machine de fabrication », poursuit-il. Techniquement, l'instrumentation du réseau ne doit pas être prise à la légère. « La difficulté n'est pas de se connecter à un automate. C'est de choisir les machines à analyser, de placer les contrôleurs, de classer les énergies… Ce qui nécessite un audit », souligne Jocelyn Lei, chef de produit chez Bodet-Osys. Cet éditeur de solutions logicielles dites MES (Manufacturing Execution System) offre un outil qui centralise l'ensemble des informations pour quantifier le temps de travail de chaque utilisateur, la quantité de matière consommée par unité de produit et, maintenant, l'énergie nécessaire. « On a longtemps utilisé des clés de répartition pour évaluer a posteriori le coût énergétique des produits fabriqués. Désormais, on appuie sur des données précises », note Jocelyn Lei. Les protocoles standards n'ont pas toujours été le fort de l'industrie. « Avant, les incompatibilités étaient nombreuses, donc les transferts d'informations entre les équipements et l'outil de supervision difficiles, se rappelle Olivier Vallée, responsable marketing de Rockwell Automation, un constructeur de solutions d'automatisme. Pour connaître la consommation ou le fonctionnement de chaque appareil, nous devons capter la donnée, la transporter à travers le réseau, permettre à un logiciel de l'acquérir et, enfin, l'exploiter. » Deux écoles s'affrontent pour savoir jusqu'où pousser ce travail. Certains considèrent qu'il est inutile d'en faire trop et qu'il vaut mieux se contenter de peu de données… Une analyse que n'approuve pas Jocelyn Lei. « Si on sait les classer, alors elles sont tout à fait exploitables », insiste-t-il. Des informations précises permettent, d'une part, de relever les dysfonctionnements. Et, d'autre part, de proposer des pistes d'amélioration. Illustration avec le séchage des poudres comme le lait, le café ou les produits pharmaceutiques. « On sait que leur taux d'humidité ne doit pas dépasser 4 %. Pendant des années, on préférait appliquer une marge de sécurité importante faute de maîtriser tous les paramètres : qualité du produit, hygrométrie et température extérieures… On descendait donc jusqu'à 3,5 % », se souvient Olivier Vallée. Or ce demi point est à l'origine d'une surconsommation importante. « Aujourd'hui, des systèmes d'automatisme gèrent des algorithmes complexes pour viser des objectifs de 3,9, voire 3,95 %, quelles que soient les conditions de production », souligne-t-il. De tels exemples ne manquent pas. Si les données de consommation servent à optimiser les réglages, elles servent aussi à remettre en cause certains procédés. « Il faut chercher les économies là où on n'a pas l'habitude d'aller », martèle Jean-Pierre Riche… Avec le risque d'entendre quelques portes claquer entre deux discussions : la résistance au changement est très forte dans l'industrie. « On a déjà essayé, ça ne peut pas marcher », entend-on régulièrement. Sans prendre en compte le fait que les conditions ont évolué ou que l'expérimentation n'était pas exactement la même. Pour vaincre ces résistances, « il suffit de décortiquer et de résoudre chaque problème. La démarche doit être structurée à l'image de ce qui se fait pour la performance industrielle », détaille-t-il. Lancés par Toyota dans les années 1970, les outils de lean management ont en particulier déjà fait leurs preuves pour supprimer tout ce qui a un coût et qui ne sert pas à améliorer la production. Reste à les adapter à l'énergie.  3 Financer ses investissements Malgré l'émergence de solutions de financement, plus ou moins complexes, la capacité d'endettement limitée des entreprises freine les investissements liés à l'efficacité énergétique. Trouver des solutions et définir un plan d'action pour économiser 10 % d'énergie dans une usine n'est vraiment pas difficile. Mais « avant d'aller les chercher, nous devons savoir si les moyens sont là pour les mettre en œuvre ». L'analyse de Boris Berthier, responsable du bureau d'études de Certinergy, semble tomber sous le sens. À ceci près que cette mise en garde concerne tous les investissements, y compris les plus rentables. Alors qu'en temps de crise, tous les moyens semblent bons pour réaliser des économies, les industriels devraient faire de l'efficacité énergétique une priorité. Sauf que bon nombre d'entre eux ne semblent pas prêts à se pencher sur la question. Les entreprises marchent-elles sur la tête ? « Le problème, c'est leur capacité d'endettement limitée », poursuit Boris Berthier. Quand on crée une société par effet levier (LBO pour Leverage Buy Out) par exemple, on contracte une dette trop importante pour imaginer emprunter le moindre centime supplémentaire… Y compris si la rentabilité de l'investissement est immédiate ! « Les investissements dans les économies d'énergie entrent en concurrence avec d'autres plus stratégiques. Et plus l'activité se contracte, moins on investit loin de son cœur de métier », analyse-t-il. Comme d'autres prestataires de l'efficacité énergétique, Certinergy propose à ses clients une solution : le crédit-bail. Si un équipement peut être rentabilisé en quelques années, mais que les fonds ne sont pas là, il « suffit » de faire porter l'investissement par un autre à qui on le loue. Si les économies sont supérieures au montant de la location, l'opération génère un bénéfice immédiat. Si cette option est séduisante sur le papier, elle ne s'applique pas à tous les cas. Certains groupes ont des règles très strictes en matière de crédit-bail et les commissaires aux comptes ne sont pas dupes. Ils considèrent que ce type de contrats s'apparente à de l'endettement. « On peut aller plus loin en proposant des contrats de service », ajoute Boris Berthier. Le prestataire de l'efficacité énergétique ne vend plus une chaudière, mais de la chaleur. Il ne loue plus une machine, mais un service de transformation de matière… La solution n'est pas non plus la panacée, ne serait-ce que parce que les techniciens de l'entreprise préfèrent conserver la main sur ce type de service et parce que les sociétés capables de proposer ces offres ont, elles aussi, des capacités d'endettement limitées. À moins de jouer le simple rôle d'intermédiaire en laissant les banques investir… Pourtant, il y a urgence. Dans la plasturgie par exemple, les presses à injecter électriques ou hybrides ont en théorie tout pour plaire. Non seulement, elles réduisent la consommation énergétique de 20 à 60 %, mais elles sont aussi plus précises, plus rapides, plus faciles à entretenir, car elles comptent moins de pièces et offrent un meilleur confort acoustique… Sauf que, faute de perspectives, « les industriels préfèrent maintenir au maximum leurs vieux équipements que d'investir fortement, regrette Marc Madec, directeur développement durable de la Fédération de la plasturgie et des composites. Ce n'est pourtant pas toujours un bon calcul ». En France, l'âge moyen d'une presse est de quinze à vingt ans contre neuf à onze en Allemagne ! Comme d'autres secteurs, la plasturgie tente d'inciter finan cièrement ses adhérents en actionnant le levier des certificats d'économies d'énergie (lire encadré). Les délégations régionales de l'Ademe misent, quant à elles, sur la sensibilisation, en apportant jusqu'à 70 % des fonds nécessaires pour des diagnostics. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, cette aide ne devrait pas durer. En application de la directive européenne sur l'efficacité énergétique, ces diagnostics deviendront une obligation avant la fin 2015. Ils devront couvrir les équipements dévorant 80 % de la facture énergétique. « Nous souhaitons toutefois continuer à aider les entreprises allant au-delà de l'exigence réglementaire », souligne Frédéric Streiff, ingénieur à l'Ademe. Plus rarement, l'Agence de l'environnement finance la conception de nouveaux équipements lorsqu'ils sont particulièrement novateurs. Jusqu'à la fin 2013, des appels à projets annuels étaient proposés en partenariat avec Total. En Alsace, c'est cette piste qu'approfondit le conseil régional. Avec EDF et Électricité de Strasbourg, elle apporte à l'industrie des aides financières à hauteur de 20 à 40 % des investissements (avec un plafonnement à 150 000 euros). En outre, un partenariat avec BPIfrance simplifie le parcours du combattant des porteurs de projets. Ils ont face à eux un guichet unique pour toutes les démarches à entreprendre. Sans cela, « il est compliqué de savoir qui donne quoi à quel moment », justifie Virginie Wolff, chargée de mission à la Région. Ces aides sont parfois décisives pour que des entreprises franchissent le pas. « Plusieurs de celles qui en ont bénéficié nous ont confirmé que sans cela, le retour sur investissement était trop long pour qu'elles se lancent », note-t-elle. l


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