Vous présidez l'AMF depuis dix ans et vous êtes à ce titre un observateur privilégié de l'évolution des préoccupations environnementales des maires. Quelle a été la première de leurs priorités ?
Les déchets ont été la première préoccupation des maires. Les impacts d'une mauvaise gestion étaient bien visibles et le sujet est devenu très vite important. Mais, entre les partisans du tout incinération, du tout tri et du tout enfouissement, l'AMF a eu l'idée, alors très en avance, d'associer les filières. Dès les années 1990, nous avons imaginé une coresponsabilité des collectivités locales et des industriels et un partage des coûts. Cela a abouti à la loi de 1992 et à la fondation du premier éco-organisme sur les emballages et du concept de responsabilité élargie des producteurs. L'association a été également force de proposition sur les déchets électriques et électroniques et sur les papiers. Et encore récemment, pionnière sur les déchets textiles en poussant à la création du premier dispositif de gestion en Europe. Et après les déchets, l'eau, l'énergie... ?
Les élus ont vite compris que toutes les problématiques sont liées. Une bonne gestion des déchets a forcément un impact sur la qualité de l'eau. Une agriculture biologique dynamique protège les captages et permet d'alimenter les cantines scolaires en circuits courts. Un incinérateur qui valorise son énergie chauffe un quartier et économise de l'énergie fossile. Certes, la réglementation et la fiscalité ont été et sont encore des aiguillons puissants, mais cette approche transversale est portée par les maires, qui sont les plus proches du terrain.
Ces thématiques environnementales ont-elles contribué à stimuler l'intercommunalité ?
L'eau et les déchets ont incontestablement encouragé l'intercommunalité. Mais à des échelles différentes. En effet, une collecte des déchets efficace et rationnelle impose une population d'au moins 20 000 habitants et, pour un incinérateur, c'est au minimum 300 000. Le coût et la rentabilité des installations ont justifié des regroupements. Par exemple, dans le Jura, que je connais bien en tant que député-maire de Lons-le-Saunier, nous avons créé un syndicat départemental de traitement des déchets. Pour l'eau et l'assainissement, c'est un peu différent puisqu'il est impératif, en plus, de tenir compte de la logique de bassin-versant.
Le nombre de communes est souvent jugé excessif. Êtes-vous partisan d'imposer des regroupements comme c'est déjà le cas pour l'eau ?
Je persiste à croire qu'il faut faire confiance à l'intelligence des territoires. S'il existe un intérêt technique et financier à se regrouper, les maires le font sans hésiter. Je ne suis pas favorable à une intercommunalité imposée. C'est pourquoi j'ai déposé une proposition de loi qui crée un nouveau type de regroupement, la « commune nouvelle ». Il s'agit de permettre aux communes volontaires de se rassembler pour peser davantage dans une intercommunalité. Ces communes, plutôt mitoyennes et à recettes modestes, auraient alors un seul conseil municipal, un seul maire et un seul budget. Elles deviennent, si elles le souhaitent, des communes déléguées au sein de la commune nouvelle avec un maire délégué. J'ai obtenu de Bercy une carotte financière. En effet ces « communes nouvelles » bénéficieraient d'un pacte de stabilité de la dotation globale de fonctionnement sur trois ans et ne subiraient pas la baisse de 30 % de la DGF que nous impose l'État.
La loi de transition énergétique en débat à l'Assemblée nationale a reconnu les Régions comme la cheville ouvrière. Comment voyez-vous le rôle des communes ? Il faut une approche en tandem. La Région pilote, mais l'application concrète sur le terrain est locale. Qu'il s'agisse de production d'énergie ou de sobriété énergétique à travers la réhabilitation énergétique des bâtiments, les communes et les intercommunalités sont des acteurs incontournables. L'appel à projets du ministère de l'Écologie « Territoires à énergie positive » en est un exemple. Ce sont des territoires, à l'image de la commu nau té d'agglomération de Lons-le-Saunier, qui sont candidats.
Pour la première fois, le Congrès des maires va s'ouvrir sur une plénière consacrée au climat. Quel rôle peuvent jouer les maires ?
Nous avons choisi d'ouvrir le congrès sur ce sujet pour sensibiliser les maires à un an de la COP 21, qui se tient à Paris en décembre 2015. C'est d'autant plus important que 40 % des maires sont de nouveaux élus. Cette plénière doit les informer, les mobiliser sur un enjeu planétaire en leur faisant comprendre qu'ils sont les artisans des solutions. Au fond, la lutte contre le changement climatique est un thème très local à travers les politiques des déchets, de l'énergie ou des transports. D'ailleurs, dans la résolution finale votée en fin de congrès, l'environnement et le climat figureront en bonne place, au même titre que les finances.
Que souhaitez-vous de votre successeur ?
Je souhaite qu'il poursuive la démarche d'unité sans céder aux conservatismes sclérosants. La force de l'association, c'est son unité. L'AMF doit continuer à être un partenaire constructif et exigeant des pouvoirs publics.