Les grandes ambitions ne sauraient masquer la coriace réalité du terrain. Surtout sur le plan juridique. Ainsi du projet de loi sur la transition énergétique qui n'est pas encore adopté. Tout juste entame-t-il son parcours au Sénat, où les débats en séance plénière n'auront lieu qu'en février prochain. Le texte ne sera donc pas promulgué avant le deuxième trimestre 2015. Il entérinera alors de multiples objectifs à des horizons plus ou moins lointains : 2025, 2030, 2050… Mais gare à ne pas se laisser distraire par le long terme ! L'avenir commence aujourd'hui et, sans attendre, en coulisses, les négociations battent leur plein. Pour l'électricité renouvelable, par exemple, les organisations professionnelles débattent avec EDF et la Direction générale de l'énergie et du climat de l'évolution des clauses types des contrats d'achat.
Des discussions à l'issue incertaine, d'autant que la loi sur la transition énergétique devrait rebattre les cartes. Les échanges portent, en particulier, sur les modalités de contrôle, de sanctions et de résiliation des contrats d'achat de l'électricité renouvelable. Des observateurs avisés y voient une volonté à peine voilée de rendre moins attrayant le mécanisme du tarif d'achat, en le durcissant, pour mieux inciter les renouvelables à affronter le marché de l'électricité. Évitons les procès d'intention. Notons simplement combien ces débats, aussi discrets que techniques, soulignent le défi d'accompagner administrativement la décentralisation du modèle énergétique. Le mouvement est pourtant enclenché et s'accélère. Au point de placer le législateur devant le fait accompli, à l'image d'internet, dont l'essor fulgurant a transformé de nombreux modèles économiques, dans les secteurs de la culture, du tourisme ou encore des transports, sans que la réglementation ait anticipé les nouveaux usages. Concernant l'énergie, l'autoconsommation de l'électricité photovoltaïque illustre bien cette course de vitesse entre le droit et la réalité du terrain. Dans ce numéro, nous consacrons un dossier complet à la mise en œuvre concrète de l'autoconsommation. La conclusion est sans appel : le besoin de l'encadrer se fait déjà sentir, avant même que les spécialistes aient accordé leurs vues sur ce concept balbutiant.