La rentabilité des projets n'est pas si flagrante qu'annoncé », lance Denis Ollivier, animateur de l'Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF). Pas question de jeter la pierre sur tel ou tel responsable : les bureaux d'études, les conseillers des chambres d'agriculture et même l'AAMF… Tout le monde a fait confiance un peu vite aux résultats affichés par les constructeurs étrangers. Bien entendu, le matériel venu d'Allemagne ou d'Europe du Nord est on ne peut plus performant. Mais « nous devons développer des équipements plus adaptés à la méthanisation multi-intrant à la française », explique Grégory Lannou, directeur de la Biogaz Vallée.
Le fumier, la paille ou les céréales immatures sont nettement moins faciles à brasser que le maïs que la plupart des Allemands introduisent dans leurs digesteurs. Sans adaptation, « tout va bien pendant deux ou trois ans, mais ensuite, on assiste à une usure prématurée de certaines pièces et à une augmentation des charges de fonc tion nement », remarque Denis Ollivier. Voire à des casses qui ont des conséquences. « Si un agitateur tombe en panne au bout de cinq ans, une installation de méthanisation à la ferme peut être tentée de tout arrêter », signale Christian Kokocinski, chargé des énergies renouvelables à la direction interrégionale Sud-Ouest de la Caisse des dépôts.
Si la plus grande complexité des projets français n'est pas un obstacle au développement de la méthanisation, elle nécessite par exemple la mise en œuvre de procédés recourant à des fosses de décantation pour éliminer les pierres par gravitation et préparer la matière organique avant qu'elle n'entre dans le digesteur. Ou à des systèmes spéciaux pour apprêter la paille mécaniquement. Un enjeu d'autant plus important que la filière est éclatée. Elle compte beaucoup de petits bureaux d'études ou de fabricants maîtrisant une partie du procédé, mais peu de développeurs capables d'intégrer l'ensemble du projet, à la différence de l'éolien. « Il faut créer une filière industrielle, comme on commence à le faire en Bretagne ou à Troyes, estime le député Jean Grellier. Et les collectivités et acteurs locaux ont un rôle à jouer pour réunir les compétences nécessaires. » Avec le soutien du conseil départemental de l'Aube, la Biogaz Vallée regroupe ainsi une soixantaine d'entreprises de toute la chaîne de valeur : de l'avocat en amont au spécialiste de la promotion et de l'événementiel en passant par l'équipementier. l