Pilote L a recette d'une éolienne flottante Sur le marché semble simple : il suffit d'une éolienne, et d'un flotteur ! Mais la question du dimensionnement se révèle primordiale. Si les éoliennes restent, dans l'immense majorité des cas, identiques à celles fixées au sol, le choix d'un flotteur qui résiste aux conditions marines locales sans être surdimensionné s'avère délicat. Plusieurs prototypes d'éoliennes flottantes sont en cours de développement ou en test. Pour les concevoir, les fabricants se sont inspirés de l'industrie pétrolière. Ainsi, Siemens, allié à Statoil, a développé dès 2009, en Norvège, une éolienne flottante de 2,3 MW baptisée Hywind, basée sur le procédé Spar. Le flotteur est un grand tube, qui s'enfonce jusqu'à 100 mètres de profondeur, fixé au sol par des filins. « Ce type de flotteurs est surtout intéressant à partir de 200 mètres de profondeur », souligne Frédéric Petit, de la division Power Generation de Siemens France.
L'américain Principle Power utilise, lui, un flotteur à trois colonnes, capable d'accueillir des machines de 10 MW. Les colonnes sont reliées par de gros tubes remplis d'eau, créant une stabilité liée aux mouvements naturels de l'eau ou à un pompage. L'éolienne de 2 MW est posée sur l'une des trois colonnes. La commercialisation est prévue dès 2018. De son côté, le français Idéol s'est allié au japonais Hitachi Zosen pour construire une installation au large du Japon. « Notre flotteur Damping pool est le moins cher du marché. Nous sommes compétitifs dès 35 mètres de profondeur, alors que tout le monde dit que l'éolien flottant ne se justifie qu'au-delà de 50 m, vante Bruno Geschier. Son design est simple et compact : c'est un carré composé de cellules en béton, un matériau peu coûteux et produit localement. L'eau de mer au centre de l'enceinte se déplace en sens inverse de l'eau à l'extérieur, ce qui contrebalance le mouvement, donc stabilise la structure. » La première éolienne flottante d'Idéol en France sera construite cet été en Bretagne.
Bien dimensionner, c'est aussi choisir entre une éolienne spécialement conçue, résistante aux mouvements, arrimée à un flotteur de taille moyenne, ou une éolienne standard installée sur un gros flotteur qui réduit les mouvements. « Mieux vaut prendre une éolienne offshore standard pour démarrer, estime Frédéric Petit. Hywind nous a permis de vérifier que la technologie fonctionnait. Nous devons maintenant passer à l'étape suivante : de petites fermes pilotes, éventuellement avec des éoliennes plus puissantes. » Même raisonnement du côté de Principle Power.
Le g ro u p e français DCNS, avec Alstom, fait le pari inverse. Il développe actuellement une éolienne de 1 MW, pour installer ultérieurement sur un flotteur l'éolienne de 6 MW d'Als-tom, baptisée Haliade. « Nous sommes persuadés qu'une solution compétitive passe par l'optimisation de l'ensemble flotteur et éolienne », indique Wilfried Bourdon, directeur du projet d'éolien flottant chez DCNS.
Pour adapter une éolienne standard sur un flotteur, quelques aménagements sont indispensables. La tour doit être plus solide, pour résister à la houle et aux vagues. Surtout, il faut modifier le système de contrôle : « Les mouvements de l'éolienne dus à la houle ne doivent pas être interprétés par l'électronique comme un choc imposant une mise à l'arrêt », souligne Bruno Geschier, d'Idéol. D'autres initiatives plus exotiques voient le jour, comme Nenuphar, un projet d'éoliennes flottantes à axe vertical. Mais ce type de machine n'a pas encore montré son intérêt, même à terre.