La France n’a pas encore installé d’éoliennes fixes en mer que, déjà, elle se positionne sur la génération suivante. Lorsque les fonds marins sont trop profonds, l’éolien offshore sur des fondations posées n’est plus compétitif. Ces sites peuvent néanmoins accueillir des éoliennes flottantes : une turbine montée sur un flotteur, lui-même amarré au fond marin. À l’international, des entreprises pionnières possèdent des prototypes en mer. Le premier, installé en Norvège, date de 2009. Il est équipé d’une turbine Siemens et de câbles du français Nexans. « Nous avons ainsi pu concevoir des câbles électriques plus résistants pour encaisser les efforts mécaniques », témoigne Pierre Kayoun, directeur innovation et technologie de Nexans. Car cette filière émergente demande des développements technologiques particulièrement innovants. En France, plusieurs fabricants devraient disposer rapidement de prototypes. Le 4 avril, l’appel à projets de l’Ademe pour des fermes de trois à six éoliennes flottantes d’une puissance unitaire de 5 MW doit être clos. Il concerne quatre zones : deux au large du Languedoc-Roussillon, une en Provence-Alpes-Côte d’Azur et une en Bretagne. Tous les acteurs tricolores avaient coché cette date sur leur feuille de route.Ideol, par exemple, compte installer à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine un prototype de 2 MW au large du Croisic (44). Sa particularité ? « L’utilisation du béton nous permet de garantir une construction 100 % française quand un flotteur en acier doit être fabriqué dans des pays à bas coûts pour être compétitif. Notre technologie est compacte et donc bien adaptée aux turbines de grande taille », promeut Bruno Geschier, son directeur commercial. Ideol a d’ores et déjà signé un premier contrat en 2015. Non pas en France, mais au Japon. « En effet, les Japonais ont constaté que leurs propres prototypes ne seraient pas compétitifs à grande échelle et nous ont sélectionnés pour équiper leurs deux prochains projets. L’installation est prévue entre avril et août 2017. » Il faut dire que la bataille fait rage pour déterminer quelle sera la meilleure technologie. Des concepts fort différents sont encore en course. Une pyramide de trois piedsDeux entreprises françaises, Nenuphar et Eolfi, ont ainsi choisi de développer des éoliennes à axe vertical. Avantage annoncé : un centre de gravité plus bas, d’où un flotteur plus léger et moins cher. Nenuphar compte installer un prototype en mer de 2 MW en 2017 dans les Bouches-du-Rhône, puis un démonstrateur de taille commerciale de plus de 5 MW en 2019. De son côté, Eolfi possède un profil particulier. L’entreprise a conçu sa propre éolienne à axe vertical, mais se positionne avant tout comme développeur. À ce titre, elle pourrait très bien proposer des technologies concurrentes. « Nous avons ouvert un bureau à Marseille en 2012 pour travailler sur un projet de trois fermes-pilotes. Nous souhaitons proposer deux parcs avec des éoliennes à axe horizontal et un parc à axe vertical. Ce dernier pourrait utiliser notre technologie ou celle de Nenuphar », indique Alain Delsupexhe, président d’Eolfi. D’autres entreprises se trouvent à un stade encore plus précoce, à l’image d’Eolink, qui a été fondée… en novembre 2015. Cette jeune pousse veut remplacer le mât de l’éolienne par une pyramide de trois pieds. Elle planche sur un flotteur qui accueillerait une éolienne de plus de 8 MW. La France mise aussi sur le projet EolMed pour construire rapidement un parc commercial. Porté par Quadran en partenariat avec Ideol, EolMed prévoit d’édifier à l’horizon 2025 un parc d’une soixantaine d’éoliennes flottantes en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées. Dans le reste du monde, plusieurs pays sont en course. L’Écosse, en particulier, se montre très dynamique. « Elle a instauré tous les mécanismes incitatifs nécessaires pour accueillir les parcs. Les champs pétroliers de mer du Nord se trouvant en fin de vie, ses entreprises sont prêtes à se reconvertir dans l’éolien », observe Hakim Mouslim, directeur général du cabinet d’études Innosea spécialisé dans les énergies marines renouvelables. Cependant, son régime de subventions va expirer en 2018 sans aucune certitude, à ce jour, sur la suite qui lui sera donnée. Le Japon est aussi positionné sur cette filière. « Ideol échange de longues dates avec les acteurs chargés du développement et de la mise en exploitation d’une première ferme commerciale en 2020 », retrace Bruno Geschier. « À Taïwan, nous avons de même noué un partenariat, fin 2015, avec China Steel Corporation. Il porte sur l’ingénierie et la construction d’éoliennes flottantes. » Eolfi a également mis le cap sur Taïwan. L’entreprise y est présente depuis 2012, à travers sa filiale Eolfi Greater China, pour identifier les meilleurs sites. Avec quatre projets de 500 MW et deux machines pilotes qui tourneraient de 2020 à 2022, Eolfi ne mise pas seulement sur le marché français.Lydie Bahjejian