Le ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer a salué « le caractère inéluctable et irréversible du processus de fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim ». Mais de son côté, le syndicat FO Énergie et Mines parle de l'échec « cinglant » ou encore de la « défaite » de la ministre Ségolène Royal. Qui dit vrai ? Le conseil d'administration d'EDF du 6 avril n'a pas apaisé les tensions sur le dossier Fessenheim. Ni définitivement clarifier le sort de la centrale devenue le symbole du débat français sur la transition énergétique.Ce 6 avril, le vote du conseil d'administration d'EDF était très attendu. Verdict ? Le conseil n'a finalement pas décidé de fermer la centrale de Fessenheim. Il a choisi d'attendre la mise en service du réacteur EPR de Flamanville. La loi de transition énergétique a en effet plafonné à 63,2 GW la capacité de production d'électricité nucléaire en France. La direction d'EDF s'appuie sur cette disposition pour obtenir un délai supplémentaire avant d'enclencher ou non la procédure de fermeture de Fessenheim. « La décision du conseil, prise en application de la loi et respectant l'intérêt social de l'entreprise permet à EDF, pleinement engagée dans la transition énergétique, de disposer du parc nucléaire nécessaire à l'accomplissement de ses obligations de fourniture vis-à-vis de ses clients », a commenté par communiqué Jean-Bernard Levy, PDG de l'entreprise.Un réacteur à l'arrêtLe conseil d'administration a posé deux conditions. D'abord : que l'abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale de Fessenheim ne prenne effet qu'à la date de mise en service de l'EPR de Flamanville. Ensuite : que la fermeture de Fessenheim soit nécessaire au respect du plafond légal de 63,2 GW. A ces deux conditions, le PDG d'EDF demandera officiellement l'abrogation de l'autorisation d'exploiter de Fessenheim.Mais rien n'est certain. Pour respecter le plafond légal, la mise en service de l'EPR est conditionnée à l'arrêt à la même date d'une capacité de production nucléaire équivalent. Ce pourrait être Fessenheim, mais pas forcément. D'où les réactions outrées des écologistes. « S'il faut attendre le lancement de l'EPR de Flamanville pour fermer officiellement Fessenheim, jamais la transition énergétique ne sera enclenchée en France », s'insurge Greenpeace par communiqué. « Les conditions posées par EDF sont inacceptables. En plus d'être vieille et dangereuse, la centrale de Fessenheim est d'ores et déjà amputée de son réacteur 2 depuis près d'un an, puisqu'une anomalie grave y a été détectée. L'arrêt immédiat s'impose donc. »Une occasion manquéeMême tonalité de la part de Michèle Rivasi. Pour l'eurodéputée EELV, la décision d'EDF « démontre que la gouvernance de l'énergie en France n'est plus entre les mains du gouvernement ». Au passage, elle dénonce une occasion manquée lors du quinquennat de François Hollande : « J'avais alerté à de nombreuses reprises lors des débats et avant le vote de la loi de transition énergétique : il fallait introduire une disposition donnant le pouvoir à l’État de fermer une centrale pour des raisons de politique énergétique. Ça n'a pas été fait, et voilà le résultat ». Pour Michèle Rivasi, en matière d'énergie, les Français sont « pris en otage » par EDF.A l'inverse, FO Énergie et Mines estime que la décision du conseil d'administration est « à mettre à l'actif des salariés et de leurs syndicats », « massivement mobilisés » contre la fermeture de Fessenheim. Et FO prévient : le syndicat continuera « à se battre contre toutes ces décisions idéologiques de fermeture de centrales, à Fessenheim ou ailleurs ». Le bras de fer continue.Le 9 avril, le décret portant - sous conditions - abrogation de l'autorisation d'exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim a été publié au Journal officiel.Thomas Blosseville