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ÉNERGIE

Tribune | « Énergie : pour construire le marché de demain, faisons preuve d’imagination ! »

PUBLIÉ LE 17 OCTOBRE 2023
JULIEN TCHERNIA, PDG ET CO-FONDATEUR D’EKWATEUR
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Tribune | « Énergie : pour construire le marché de demain, faisons preuve d’imagination ! »
Julien Tchernia. / Crédits : @Ekwateur
Dans cette tribune, Julien Tchernia, PDG et co-fondateur d’Ekwateur, fournisseur d’énergie « verte » et renouvelable, présente les limites du système de vente aux enchères expérimenté par EDF pour permettre aux fournisseurs de s’approvisionner. Il propose d’autres solutions pour répondre aux besoins de stabilité et de compétitivité des prix. 

A l’orée d’un hiver incertain et alors que le secteur de l’électricité française a traversé l’une des pires crises de production de son histoire, les règles de ce marché sont amenées à se transformer en profondeur. Dans ce contexte, EDF expérimente depuis le 18 septembre un système de vente aux enchères permettant aux fournisseurs de s’approvisionner dès aujourd’hui pour 2027 et 2028. Un mécanisme présenté comme un remède pour stabiliser les prix et assurer leur compétitivité. Pourtant, cette idée est malheureusement loin d’apporter les solutions promises. Mais alors, que proposer ?
 
Sortir de l’ARENH

Créé en 2010 et conçu pour durer 15 ans, l’ARENH permet aux Français d’accéder à une partie de l’énergie nucléaire d’EDF à un prix fixe de 42 € par mégawattheure. Ce mécanisme assure ainsi aux Français de bénéficier, à coût réglementé, de la compétitivité de la production nucléaire amortie qu’ils ont financé lors du monopole et dont ils subissent le risque.
 
L’ARENH prenant fin en 2025, il faut explorer de nouveaux mécanismes pour que les Français continuent de payer leur énergie à un prix proche du coût de production et moins soumis aux aléas du marché. C’est ce qu’EDF a entrepris en mettant sur le marché 100 mégawatts, livrables en 2027 et 2028 selon un système d’enchères. C’est la possibilité d’avoir dès maintenant un prix fixe et compétitif pour les 5 prochaines années, quand les mécanismes de marché sont aujourd’hui limités à un horizon de trois ans.
 
Un authentique besoin de long terme, mais une fausse bonne idée

Malheureusement, cette idée de contrat de long terme est une fausse bonne idée. Tous les acteurs du secteur le savent et cela n’a pas pu échapper à EDF qui en a fait les frais : en 2010 des industriels réunis dans le consortium Exeltium obtenaient la mise en place d’un contrat de long terme (plus à 15 ans) avec EDF. Dès 2013 la baisse des prix de gros transforme ce contrat en boulet pour ces industriels, présents sur des marchés globaux et concurrentiels. Ils font alors pression sur l’État pour que celui-ci oblige EDF à renégocier à la baisse son contrat long terme, qui aura donc tenu 3 ans ! Même scénario pour le gaz : dans un contexte de déconnexion entre les prix du gaz dans les contrats de long terme indexés sur le pétrole et les prix sur les marchés, GDF Suez a renégocié ses accords auprès de ses principaux fournisseurs. La commercialisation de contrats de long terme à prix fixe par Engie s’est ainsi soldée en 2013 par la renégociation de plus de 50% d’entre eux. La méfiance s’impose donc à l’égard de ce type de contrats, car en cas de baisse de prix sur les marchés, nos industries ne seraient plus compétitives avec leurs concurrents européens.
 
Des défauts structurels

Plus récemment, c’est l’État lui-même qui voulut exiger la renégociation de ses contrats de long terme passés avec des producteurs d’énergies renouvelables, avant que ceux-ci ne lui adressent la même demande lorsque les prix ont connu une hausse considérable. Les pouvoirs publics ne sont donc pas étrangers à cette règle qui veut que les contrats de ce type mènent l’une des parties à se sentir lésée par rapport à une nouvelle donne de marché et à pousser à leur renégociation afin d’éviter de perdre en compétitivité.
 
Une tendance oligopolistique

Au-delà de cet historique peu encourageant, ce mécanisme d’enchères pose un autre problème : il est conçu pour favoriser un faible nombre d’acheteurs de grande taille. Le mécanisme d’éviction est simple : une demande de garanties financières partiales et unilatérales. Partiales car les fournisseurs ayant une cotation financière élevée se voient exonérés de ces garanties. Il s’agit concrètement de sociétés cotées en bourse et avec une note supérieure à BBB+, soit seulement les opérateurs historiques et grands acteurs pétroliers. Unilatérales, car les petits fournisseurs se voient réclamer une garantie sans pouvoir en demander une à EDF. Ce mécanisme nourrit ainsi une tendance oligopolistique tout à fait contraire aux intérêts des consommateurs.
 
Des solutions pérennes restent à imaginer

D’autres mécanismes répondent aux besoins de stabilité et de compétitivité des prix sans tomber dans les écueils précédemment cités, et pourraient être conçus et mis en place rapidement. Imaginons, à titre d’exemple, qu’une entité indépendante soit créée qui regrouperait les actifs énergétiques français déjà amortis – c’est-à-dire les centrales nucléaires et une partie du parc hydraulique en concession, un vrai service public de la production d’énergie en somme. Elle commercialiserait l’énergie qu’ils produisent à l’ensemble des fournisseurs, EDF fourniture compris, en les proposant sur le marché de gros à terme et spot. L’État pourrait alors déterminer un prix cible représentant le prix moyen de production et capter (partiellement ou totalement) par une taxe la différence entre ce prix cible et le prix de vente de marché réellement pratiqué. La rente ainsi générée pourrait être redistribuée directement aux consommateurs et offrirait à chacun une part des bénéfices engrangés par ces infrastructures financées par la dépense publique, tout en maintenant la compétitivité de l’ensemble des acteurs du secteur. Cerise sur le gâteau, une redistribution via la contribution au service public de l’électricité (CSPE) offrirait, grâce au levier fiscal, une transparence totale sur le degré de redistribution appliqué à chaque acteur, celui-ci serait même visible sur la facture, et permettrait ainsi de sortir de la méfiance et de la suspicion latente. En contrepartie, cette entité se verrait garantir un tarif minimum, pour assurer le financement de la maintenance des centrales, quelles que soient les conditions de marché.
 
Le système d’enchères actuellement expérimenté par EDF est ainsi inadapté aux réalités du marché de l’électricité. Pour concevoir des alternatives, les pouvoirs publics comme les acteurs privés devront faire preuve d’imagination et sortir des sentiers battus. C’est seulement à ce prix qu’une sortie de crise durable pourra être amorcée.

 
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