En six ans, 73 M€ de contributions ont été versés dont près des deux tiers (47,30 M€ préci-sément) au bénéfice des opérateurs du tri. Les volumes collectés, triés et valorisés ont quasiment doublé » (voir encadré) : pour Alain Claudot, le directeur général d'Eco TLC, chargé depuis 2009 de percevoir les contributions des metteurs sur le marché, « le bilan est positif ». Certes, il reste encore d'importants progrès à faire mais « le mécanisme des soutiens a tenu ses promesses », confirme Le Relais, principal opérateur national en matière de collecte et de tri, dans son rapport d'activités clôturant l'année 2012. Construite sur les valeurs sans cesse réaf-firmées de l'économie solidaire et sociale, l'entreprise emmenée par son président, Pierre Duponchel, affiche de très bons résultats (91 M€ de chiffre d'affaires fin 2012 dont 77 M€ sur l'activité textile) totalisant 90 000 tonnes collectées (soit près de 60 % de la collecte en France) avec 15 800 conteneurs implantés sur le territoire (dont 3 344 supplémentaires en un an.) « Le Relais poursuit son développement au service de la création d'emplois durables sur le territoire », rappelle Pierre Duponchel. En 2012, trois cent soixante-six emplois ont vu le jour au sein d'une entreprise qui aujourd'hui a franchi le seuil des deux mille salariés, répartis pour 75 % en France et 25 % en Afrique. En outre, deux centres de tri supplémentaires sont entrés en activité en 2012, à Marciac dans le Gers (32) et Pélussin dans la Loire (42), ce qui porte leur nombre à quatorze, sans compter les projets en cours. Une bonne nouvelle pour l'ensemble de la filière. Ainsi, Eco TLC note que « si la capacité de tri s'est bien développée (on compte trente-sept centres conventionnés, tous opérateurs confondus, en France) elle reste cependant insuffisante. Résultats ? Les tonnages triés hors de France sont passés de 15 800 à 29 200 tonnes en six ans, soit de 21 % à 26 % du volume total des exportations ».
Recyclage peu rentable
Du côté du groupe familial Ecotextile, autre opérateur qui compte sur le segment de la collecte et du tri, Mehdi Zerroug, le dirigeant trouve différentes raisons de se réjouir. « La dynamique est créée et bien lancée. Nous avons démontré que la collecte avec le tri intégré, – pour garantir l'écoulement des gisements collectés – ça marche ! » se félicite-t-il. « Le vrai moteur du déploiement des collectes, ce sont les collectivités » assure-t-il. Historiquement composé d'une activité de tri portée par la société Framinex (dont le centre de tri à Apilly dans l'Oise emploie quatre-vingt-dix personnes) complétée par Ecotextile, la branche collecte, le groupe a récemment créé une troisième structure, Ecotextile Insertion, « une entreprise adaptée dont 80 % de l'effectif est constitué de personnes handicapées », souligne Mehdi Zerroug. Suite à un marché remporté auprès du Sydetom 66 (agglomération de Perpignan Méditerranée), un premier centre de tri Eco-textile Insertion (une quinzaine d'emplois) a ouvert ses portes le 4 novembre 2013 à Rivesaltes (66). « L'idée est de développer des capacités de tri au plus près des gisements tout en continuant à alimenter Framinex ». Fin 2013, le groupe devrait atteindre les 20 000 tonnes collectées et triées pour un parc de 5 000 conteneurs. Selon Mehdi Zerroug, l'effectif total sera de cent cinquante salariés en fin d'année et quarante personnes supplémentaires pourraient être embauchées avec la création de nouvelles structures régionales d'Ecotextile Insertion dans la moitié sud de la France en 2014.
Avec près de 60 % des volumes triés, le réemploi est le premier débouché de la filière. « Elle vit d'abord de la réutilisation, qui est complètement dépendante des évolutions de la demande… », résume Serge Sztarkman, le président de Federec textile. « En temps de crise, les volumes de textiles neufs mis sur le marché stagnent ou baissent mais la demande de vêtements d'occasion, elle, se porte fort bien », note-t-il. Une personne sur deux dans le monde est habillée de vêtements de deuxième ou troisième main. Cette activité est surtout tirée par l'exportation, l'Afrique en particulier, car en France, la réutilisation reste faible (11 %). Ainsi, 78 % des textiles réemployés le sont hors d'Europe. Outre la réutilisation, environ 30 % des tonnages triés sont recyclés : près de 9 % du gisement, essentiellement les matières cotonneuses, sont coupés en chiffons d'essuyage tandis que plus de 20 % des tonnages suivent la voie de l'effilochage. Cette activité historique consiste à transformer les vieux vêtements, non réutilisables en l'état, en fibres textiles devenant de nouvelles matières premières pour l'industrie. Tous usages confondus, le volume exporté de TLC triés en France a plus que doublé en six ans, atteignant près de 80 % des tonnages en 2012. À noter également que, après être descendue au plus bas en 2010, 479 € la tonne en moyenne, la valeur des tonnages exportés se maintient autour de 564 € depuis trois ans.
Côté chiffons et effilochage, le ton est plutôt morose. Ainsi, au sein de BIC, la Blanchisserie industrielle du centre, à Saint-Chamond dans la Loire (42), Michel Kekayas, le dirigeant s'alarme. Selon lui, « la contribution en faveur du tri a créé un effet pervers, sûrement involontaire mais pourtant bien réel, en faveur de l'export. Nous n'avons plus accès au gisement, les textiles qui ne peuvent pas être réemployés s'en vont à l'étranger et reviennent ici notamment sous forme de chiffons… Couper et emballer un kilo de chiffons en France revient à 40 centimes en moyenne contre 4 à 5 centimes pour la coupe au Maghreb, en Tunisie en particulier. On ne peut plus rivaliser. Résultats ? On ne produit plus que 2 500 à 3 000 tonnes de chiffons en France quand on en importe plus de 20 000 tonnes par an ! ». Si le textile d'essuyage représentait encore 60 % du CA de BIC en 2009, il pèse 40 % cette année. « Pour faire face », la société propose depuis 2012 « des produits d'essuyage à forte valeur ajoutée, avec une marque spécifique : Eko-Tex ». Outre une gamme étoffée de produits standardisés, ce concept propose aux clients des services associés : fourniture d'une box avec des produits propres, enlèvement des chiffons sales. « Cette activité, en hausse, nous permet de maintenir la tête hors de l'eau ».
Parallèlement, BIC mise sur la R&D, travaillant depuis 2009 sur un projet d'isolants pour l'habitat (cf. RR n° 28 du 09/09/2013). « Nous attendons les retours de brevets pour commencer la fabrication d'ici un ou deux ans mais les retombées économiques ne se feront pas avant trois ans », lance-t-il.
La R&D au service de débouchés économiques viables
Le Relais s'est déjà très sérieusement positionné sur le segment des produits innovants pour le bâtiment avec Métisse, son isolant acoustique et thermique en coton recyclé, fruit de la R&D interne, lancé en 2007. En 2013, l'entreprise a franchi un cap très important en prenant une participation majoritaire (51 %) au sein de la société Minot Recyclage Textile (Pas-de-Calais), acteur historique de l'effilochage. Outre ses marchés traditionnels – rembourrage de sièges pour l'automobile et matelasserie – Minot était déjà fortement impliqué dans le processus de fabrication de Métisse. L'usine de Billy-Berclau (62) apporte donc au Relais une ligne de production totalement intégrée avec de nouvelles perspectives commerciales à la clé. Deux cents emplois pourraient être créés sur cinq ou six sites en France, au fur et à mesure du développement commercial de Métisse et deux mille emplois sont indirectement concernés. Ecotextile travaille également depuis quatre ans sur un projet de R&D pour le développement de panneaux acoustique en béton léger réalisé à partir de chiquettes textiles (broyats) mélangés à un liant. Parmi les usages visés : l'isolation phonique de voies ferrées et de routes. « Ce débouché permettrait de consommer l'intégralité des refus de tri en France », assure Mehdi Zerroug. Des brevets ont été déposés et les premiers panneaux isolants pourraient sortir d'ici un à deux ans espère-t-il. Ce projet est l'un des quatre retenus dans l'appel à projets Eco TLC en mai 2012. Depuis 2009, dix projets sont soutenus financièrement par l'éco-organisme représentant un montant total de 980 000 €.