La gestion des déchets de chantier doit « entrer dans une nouvelle ère, prône Jean-Yves Burgy, gérant du cabinet-conseil Recovering. Dans un contexte de rareté de la ressource et d'augmentation du coût des matières premières, il réside dans le gi sement du BTP un potentiel qu'il est essentiel de parvenir à exploiter. » Un facteur handicape toutefois le développement du recyclage : le faible coût de l'enfouissement, malgré le renchérissement de la TGAP. « Ce qui rend une filière de valorisation opérationnelle, c'est son attractivité par rapport à la mise en décharge », confirme Laurent Château, ingénieur au service prévention et gestion des déchets de l'Ademe. Les coûts de transport sont aussi déterminants. Par ailleurs, pour certains matériaux, les filières de valorisation émergent, ou restent totalement à construire. Les producteurs jouent un rôle essentiel, car ils sont souvent à l'origine des premières offres de collecte et de recyclage.
Parmi les matériaux facilement valorisés, viennent en tête les métaux, du fait de leur valeur de revente. Les enrobés et les bétons issus de la démolition bénéficient aujourd'hui de filières matures, un peu partout sur le territoire. La construction routière en particulier absorbe des volumes importants de ces déchets, même si la route recycle principalement les terres et les déblais de terrassement (à 80 %). Le Grenelle de l'environnement a donné lieu à un gros travail réglementaire pour encadrer et sécuriser l'utilisation de matériaux alternatifs en techniques routières et dans les projets d'aménagement, en s'appuyant sur des guides méthodologiques validés par le Setra. Pour l'Union nationale des producteurs de granulats (UNPG), cette démarche est bienvenue. « L'enjeu principal, c'est l'accès à la ressource naturelle de sable et de graviers, résume Christophe Jozon, pré-sident de la commission recyclage de l'UNPG. Dans ce contexte, le recyclage est du pain bénit, même si le granulat recyclé ne se subs-tituera jamais complètement à celui d'extraction. Les besoins en matériaux pour la construction sont de 550 millions de tonnes par an : même en recyclant 70 % des déchets du BTP, on ne couvrira que 32 % des besoins. » Pour le plâtre et le bois non traité, très facilement recyclables, les filières locales ne sont pas toujours au rendez-vous. Ainsi, la valorisation du plâtre est surtout possible en Île-de-France ou en Rhône-Alpes, où sont concentrées les usines de fabrication. Elle démarre en Paca et en Aquitaine, notamment. Ailleurs, elle peut encore s'avérer difficile. « La décision 2003/33/CE ne permet plus d'assimiler le plâtre à un déchet inerte, du fait du relargage de sulfates, prévient Alexandre Breuil, responsable de l'unité traitement valorisation matière au Grand Lyon. Le stockage en ISDI est donc proscrit. Seul un centre de stockage de classe 2 peut l'accepter, en casier spécial, à la condition de ne pas introduire de déchets biodégradables. Le recyclage est donc aujourd'hui la seule bonne solution. » La filière poursuit son développement en s'attaquant aux méthodes de déconstruction afin de faire évoluer les systèmes constructifs vers un démantèlement plus aisé : c'est l'objectif du programme européen Gypsum to Gypsum.
Pour les fenêtres, les menuiseries en aluminium trouvent quasi systématiquement une seconde vie. Celles en PVC n'ont pas toujours cette chance, quoique cette filière se soit bien structurée ces dernières années. Finalement, ce sont celles en bois qui sont souvent le moins bien loties. Cela dit, le problème avec les fenêtres, c'est le verre : dans 95 % des cas, il n'est pas recyclé. Deux expérimentations importantes sont en cours concernant la séparation du verre de l'huisserie et sa valorisation portées, d'une part, par GTM Bâtiment, avec AGC, Veka Recyclage, Veolia et l'université du Havre, et, et d'autre part, par Paprec, Saint-Gobain et Lapeyre. Paprec a investi 1 million d'euros dans ses centres de Saint-Herblain, en Loire-Atlantique, et Pont-Sainte-Maxence, dans l'Oise, pour traiter à terme 12 000 tonnes de menuiseries par an, ce qui représente 5 % du gisement national. À très court terme, ce projet devrait permettre de recycler 90 % de chaque menuiserie, tous matériaux confondus, un taux de recyclage encore jamais atteint. Parmi les autres rebuts, il reste les revêtements de sol. Pour ceux en PVC souples et les moquettes, des filières de valorisation matière ou énergétique existent, cependant mal connues des professionnels. Quant aux isolants, quelques initiatives prennent forme. Des solutions de reprise sont notamment proposées aux poseurs par certains fabricants pour le polystyrène expansé utilisé en isolation extérieure ou pour la laine de roche.
Enfin, les déblais terreux, qui représentent de loin le gi sement le plus important en quantité, partent le plus souvent en carrière ou en décharge, en dépit du fait que la majorité des terres sont valorisables. Pour l'avenir, deux enjeux globaux se dégagent : renforcer le maillage en installations de recyclage et convaincre les maîtres d'ouvrage, souvent frileux par rapport aux matériaux recyclés, d'y recourir plus facilement. Un gros chantier pour l'avenir de la filière concerne donc l'éducation et la pédagogie, une direction dans laquelle s'est engagé, par exemple, le Syndicat mixte d'étude pour l'élimination des déchets (Symeed), dans le Finistère. « Un groupe de travail départemental a été créé avec les acteurs concernés. Des actions de promotion ont débuté, à travers un guide d'information, des visites de site… », détaille Vincent Garnier, chargé de mission au Symeed. Le passage du statut de déchet à celui de produit (qui fait l'objet d'un projet de décret s'agissant des granulats recyclés et du broyat d'emballages en bois) ira aussi dans ce sens.