L'exutoire privilégié des déchets non dangereux du bâtiment, ce sont les installations de stockage de déchets inertes (ISDI). Ces dernières obéissaient jusque-là à une réglementation dérogatoire : un régime spécial d'autorisation prévu par l'article L.541-30-1 du Code de l'environnement. Les procédures administratives y étaient un peu allégées par rapport aux autres catégories de décharges relevant du régime ICPE et soumises à une autorisation au titre de ces installations classées. De plus, le contrôle des ISDI incombait aux directions départementales des Territoires, et non au corps des inspecteurs des installations classées dont relèvent toutes les autres installations d'enfouissement.
L' É t a t a e n t r e p r i s de remettre à plat cette situation. Au 1er janvier 2015, les ISDI devraient donc rejoindre le giron des ICPE, en étant soumises au régime de l'enregistrement. Cette évolution satisfait l'Association française des opérateurs sur coproduits industriels. « Il est difcile, pour les opérateurs qui veulent trier et recycler, de s'installer quand ils ont en face la concurrence de lieux de stockage pouvant pratiquer des tarifs très bas parce qu'ils sont soumis à des contraintes allégées, et qu'ils sont plus ou moins réguliers du fait que les contrôles sont peu exigeants », remarque Michel Gitzhofer, président de l'Afoco. Il faut toutefois relativiser, car, selon l'Ademe, « cette évolution de la réglementation procède plus d'une volonté de rationaliser l'organisation du contrôle, que d'une ambition de renforcer celui-ci », remarque Laurent Château. Compte tenu des moyens limités des inspecteurs des installations classées, les chances sont peu nombreuses pour qu'ils mettent davantage l'accent sur le contrôle de ces sites, a priori peu polluants, que sur celui d'autres installations industrielles.
Face au fléau des décharges sauvages, cette réorganisation ne devrait donc pas non plus fondamentalement changer la donne. En Seine-et-Marne, l'année dernière, la direction régionale et interdépartementale de l'Environnement et de l'Énergie a dressé quatorze procès-verbaux à des sociétés qui exploitaient des sites de stockage de déchets du BTP sans autorisation. L'une d'entre elles, d'aspect extérieur tout à fait sérieux, accueillait un atelier de mécanique pour les camions flambant neuf et était ceinturée par des barrières et des clôtures bien proprettes. Son gérant faisait même partie du conseil municipal.
Pire même : en mars 2014, la police a démantelé un réseau d'enfouissement illégal de déchets en région parisienne, organisé par une famille bien connue de la pègre de la capitale. À travers une société véreuse, RTR Environnement, ils offraient aux entrepreneurs du BTP de les débarrasser de leurs déchets à prix cassé. Ils s'adressaient ensuite à des agriculteurs endettés pour ensevelir les déchets sur leurs terres : ceux qui avaient le malheur de refuser étaient conduits à céder, par la menace ou le chantage. Un agriculteur de la Seine-et-Marne a ainsi livré à la société plusieurs hectares de terres situées en zone inondable : le ballet des camions, pendant des mois, a fini par attirer l'attention d'une association écologiste locale, l'Adenca. « Il faut rappeler le rôle en amont des donneurs d'ordres, qui sont responsables jusqu'à l'élimination finale de leurs déchets. Ils doivent s'assurer qu'ils sont dirigés et traités dans des installations légales et fonctionnant dans le respect de la législation. Ce genre d'affaires fait du tort à la profession », analyse Jacques Rabotin, président du Syndicat des recycleurs du BTP. l