Pilote Mon objectif est de donner de la valeur Sur le marché et de l'intérêt à la phytoextraction », p os e Claude Grison, à la tête du projet ANR Opportunit(E)4, qui a démarré en janvier 2012 et qui se terminera en décembre 2015. Il est vrai qu'en la matière, les études et les pilotes se succèdent sans que la technique sorte vraiment des laboratoires. « Par manque de débouchés, puisque la biomasse ayant servi à l'extraction des métaux lourds du sol reste un déchet », diagnostique la directrice du laboratoire chimie bio-inspirée et innovations écologiques (CNRS-université de Mont-pellier-II-Stratoz ). Sans compter que cette méthode nécessite souvent plusieurs années pour dépolluer un sol. Depuis le d éb u t de ces recherches, en 2008, l'équipe du CNRS a déposé quinze brevets établissant que la biomasse issue des sols phytotoxiques recèle des cataly-seurs originaux, dotés d'un comportement différent de ceux actuellement utilisés en chimie, en pharmacie ou encore en cosmétique. Des catalyseurs déjà à l'origine de plus de 2 500 molécules.
Des essais grandeur nature ont validé l'approche de Claude Grison. En Nouvelle-Calédonie, depuis trois ans et sur 4 hectares, pousse une espèce locale d'arbre, Geissois pruinosa, extrayant le nickel et le manganèse de sols dégradés par l'industrie minière. Dans le Gard, à Saint-Laurent-le-Minier, trois plantes autochtones ont été identifiées. Noccea caerulescens et Anthyllis vulnararia aspirent le zinc sur un sol pollué à hauteur de 100 000 ppm, et Iberis inter-media, le thallium. Leur croissance et leur reproduction ont été étudiées dans le cadre du projet et, depuis deux ans, elles ont été installées sur 2 hectares, stabilisant ainsi les poussières. Hyperaccumulatrices, elles développent une symbiose assez unique avec des bactéries, qui se traduit par l'enrichissement du sol en azote et la libération de substances qui complexent les métaux du sol. À terme, tout le site doit être planté, et la dépollution devrait durer cinquante ans.
« En Nouvelle-Calédonie, nous avons commencé à récupérer les feuilles les plus âgées, et les feuilles mortes, qui contiennent 10 à 20 % d'éléments métalliques », indique la chercheuse. Les procédés brevetés par le CNRS associent un traitement thermique et chimique pour extraire les « écocatalyseurs ». « Alors que la métallurgie produit des catalyseurs avec un très haut degré de pureté, nos écocatalyseurs, quant à eux, contiennent plusieurs métaux : ceux issus de la phytoextraction, et ceux naturellement présents dans la plante », observe Claude Grison. Plus précisément, ils sont composés de tous les cations métalliques présents dans la plante afin de développer des synergies entre eux. Soit, le zinc, le nickel, le manganèse, le cuivre, le cobalt, le palladium…
Un autre choix stratégique a été fait au niveau du support de ces catalyseurs : « Nous avons préféré les fixer sur un support inerte, ce qui leur confère une bonne activité avec peu d'éléments métalliques », souligne la scientifique.
Des rendements de 100 % sont atteints, là où classiquement un catalyseur ne parvient qu'à 13 % dans le cas de la synthèse d'un anticancéreux, ou à 60 % pour un arôme utilisé en cosmétique. Ces recherches ouvrent des perspectives pour remplacer des oxydants qui pourraient être interdits dans le cadre de Reach. Ou, dans le cadre de procédés de chimie verte, afin de diminuer le traitement des effluents. Des essais menés sur des rejets aqueux ont permis un abattement du palladium de 82 % en huit jours.
Ces résultats sont à l'origine de la société Stratoz, et plusieurs partenariats sont en cours avec Eramet, Chimex (filiale de L'Oréal) et le japonais Takasago. L'objectif est de développer une filière complète, où le métal extrait d'un sol pollué entre dans la fabrication de molécules utilisées localement, en générant une économie de proximité et en finançant la dépollution des sols.