La Jeanne d'Arc et le Colbert ont vécu leur heure de gloire et resteront à jamais gravés dans les esprits des anciens marins français. La Marine nationale a confié ces deux navires sexagénaires de 9 000 tonnes chacun à un recycleur français qui va s'ancrer trente-six mois dans le Grand Port maritime de Bordeaux (à Bassens). Une aubaine que le directeur des ateliers portuaires veut saisir pour développer ce type d'activité sur sa zone : dans les cinq prochaines années, le port de Bordeaux va investir plus de 6 millions d'euros pour moderniser ses outils d'exploitation (portiques de levage, plateformes étanches…). Quelque 50 collaborateurs, dont 25 s'occupant spécifiquement du désamiantage, sont désormais à pied d'œuvre. Au programme : désamiantage à quai et déconstruction en forme de radoub en vue de récupérer les matériaux. Coût total des opérations : 11,5 millions d'euros. Partie de Brest le 11 octobre après une expertise maritime et une toilette de mer, la Jeanne est arrivée à Bordeaux le 14 octobre dernier. Amarrée jusqu'en septembre 2015, la coque Q 860 va subir un traitement complet de désamiantage. Bartin Recycling estime à environ 10 tonnes la quantité d'amiante à extraire. Lancées en novembre, les premières opérations vont porter sur le curage vert (retrait des matériaux encombrants et non amiantés) puis le désamiantage. 90 % de valorisation Cette étape cruciale pour l'image de l'entreprise et la santé des employés sera réalisée en zones confinées et mises en dépression. Veolia s'appuie en particulier sur ses précédentes expériences de dé man tèlement de navires (le cargo frigorifique Matterhorn) et de trains pour mettre en avant son expertise. L'amiante devait à l'origine finir en enfouissement, mais aucun exutoire définitif n'a été encore arrêté. Dans environ un an, l'ex-Jeanne d'Arc ne sera plus qu'une grosse carcasse et passera ensuite à l'étape de déconstruction. La coque sera acheminée alors vers la forme, juste de l'autre côté du quai. Pendant ce temps, le Colbert (Q 683) prendra la place de l'ex-navire-école pour y être à son tour désamianté. Installé en cale sèche pendant six mois, l'ancien navire sera découpé en blocs. La coque est composée à 90 % de ferraille ; le reste est constitué de non-ferreux, de bois et de DEEE. Après préparation et conditionnement, les matériaux seront sans attendre acheminés vers les filières de valorisation. Ainsi, la ferraille sera dirigée par voie maritime vers des aciéries françaises et espagnoles ; les autres déchets seront évacués par la route. Veolia prévoit un taux de valorisation de 90 %. Pour Pascal Tissot, directeur général de Bartin Recycling, hors de question de stocker les ferrailles, vu leur prix ; elles seront vendues dès qu'elles seront prêtes. Selon Bernard Harambillet, directeur général recyclage et valorisation chez Veolia, les recettes liées aux matières revendues ne suffiront pas à couvrir l'ensemble des coûts de traitement, en raison du désamiantage. Qu'importe, ce chantier étoffe la carte de visite du groupe qui compte bien rebondir sur ce démantèlement pour gagner de nouveaux marchés plus lucratifs.