Les petites fractions de métaux, telles que canettes de petite taille, plaquettes de médicaments ou feuilles d'aluminium, vont-elles faire l'objet d'une extension des consignes de tri auprès des ménages ? Plusieurs collectivités amorcent actuellement des expérimentations dans ce sens, dans le cadre du projet Métal, un programme lancé début 2014 pour trois ans, en vue d'explorer la faisabilité technico-économique d'une nouvelle filière pour les petits emballages en métal et assimilés – tous les items visés ne sont pas considérés comme des emballages. Ce programme, initié par le Club de l'emballage léger en aluminium et en acier (Celaa), en partenariat avec Eco-Emballages et l'Association des maires de France (AMF), vise une meilleure valorisation matière des métaux, en premier lieu l'aluminium, dont le taux de recyclage dépassait à peine 30 % en 2012.
Au préalable, de 2010 à 2013, trois centres de tri pilotes ont participé à une phase de recherche et développement, via l'ajout d'une machine à courants de Foucault, associée à un overband et recevant les refus ou les fines issues de criblage de 50 à 70 mm. Il s'agit du site de Pizzorno au Muy (Var) et de deux centres de collectivités, celui du Smed (ex-Sivades) à Cannes-la-Bocca, dans les Alpes-Maritimes, et celui du Syded du Lot, à Catus. Tous sont en mesure de traiter plus de 20 000 tonnes par an de matières issues des collectes sélectives. Le Syctom de l'agglomération parisienne a rejoint le dispositif en 2012, en faisant participer son centre de Nanterre (Hauts-de-Seine), d'une capacité annuelle de 40 000 tonnes. Fin 2014, il adhérait au standard expérimental d'Eco-Emballages sur les petits objets et emballages en aluminium, annonçant que « dès 2015, l'élargissement de la consigne de tri à l'ensemble des petits métaux permettra de simplifier le geste de tri pour les 738 000 habitants » du bassin-versant du site de Nanterre. Le Syded du Lot s'est également engagé dans une telle extension du geste de tri.
Des soutiens attractifs
L'accord avec Eco-Emballages permet à la collectivité de percevoir, pour chaque tonne d'aluminium recyclée, un soutien de l'éco-organisme établi à 278 euros, ajouté à un bonus de 110 euros en moyenne, ainsi que 300 euros versés par le fonds de dotation de Nespresso dans le cadre du projet Métal, outre les 100 à 150 euros payés par le repreneur du gisement, Alunova. De quoi rendre le dispositif attractif, malgré des tonnages concernés relativement faibles. L'apport parallèle de la filiale de Nestlé permet à cette dernière d'afficher une démarche environnementale pour ses doses de café jetables en aluminium : « Les capsules de boisson ne sont pas considérées comme des emballages – sauf s'il s'agit de boissons solubles –, car elles ne sont pas dissociables du produit, souligne Angeline Charbonnier, déléguée générale adjointe du Celaa. Nespresso ne peut donc pas contribuer au Point vert. C'est une des raisons pour lesquelles nous nous sommes intéressés à ces thématiques. » L'acier trié, de son côté, reçoit les soutiens habituels d'Eco-Emballages. Quant à l'achat des machines, d'environ 150 000 euros par site, il était couvert jusque-là par le Celaa. « Nous ne les finançons plus depuis que nous avons quitté la phase de R & D », indique Angeline Charbonnier. Avant même le changement des consignes de tri, les quantités d'aluminium récupérées à Nanterre ont plus que doublé en 2013 et celles d'acier ont augmenté de 10 à 15 %. Au Syded du Lot, l'élargis sement de ces consignes aux petits métaux, appuyé par une campagne téléphonique et écrite, s'est accompagné d'une hausse de 70 % des quantités d'aluminium récupérées. En Essonne, le Siredom s'apprête à faire de même. Ce syndicat de 129 communes adhérentes (et une cliente) a ainsi candidaté auprès d'Eco-Emballages, lequel réserve son standard expérimental, dans le cadre du barème E, à un maximum de 25 centres de tri d'une capacité supérieure à 15 000 tonnes. « Nous nous lançons dans ce projet car nous avons tous les équipements en place », signale Anne Thibault, vice-présidente du Siredom en charge des nouveaux gisements de déchets. Le centre de tri de Vert-le-Grand s'est ainsi doté, à l'été 2011, d'un second séparateur de non-ferreux sur ses refus de tri, à la faveur de la modernisation du site. Depuis l'addition de cet équipement, le Siredom estime pouvoir isoler 110 tonnes par an, soit 97 % des aluminiums contenus dans les collectes sélectives, contre 45 à 50 % auparavant – des chiffres qui se fondent sur plus de 500 caractérisations annuelles du gisement collecté. Il reste à créer une alvéole, en vue de produire deux sortes d'aluminium, sur ce centre qui a traité 32 000 tonnes d'emballages (hors verre) et papiers en 2013. En effet, « avec un seul flux provenant des deux machines à courants de Foucault, notre standard devient de moins bonne qualité, constate Anne Thibault, du Siredom. Or, le prix de reprise est lié à la teneur en aluminium des balles ». En aval, rares sont les industriels à même de traiter ces matériaux complexes, tels que l'aluminium souple, susceptible d'être lui-même recouvert d'un vernis ou d'une couche de plastique. À ce jour, les acteurs du projet Métal ont identifié un seul repreneur, Alunova qui recycle ces gisements par pyrolyse dans son usine de Bad Säckingen, en Allemagne. Un autre investisseur allemand chercherait aujourd'hui à percer le marché français, sous réserve d'accéder à des tonnages suffisants.