Les recycleurs, les constructeurs et les équipementiers automobiles souhaitent intégrer plus de plastiques recyclés dans les véhicules. Mais dans quelle quantité, à quelle qualité et surtout à quel prix ? Depuis quelques années, la part des polymères présents dans les voitures ne cesse de croître. « Ils ont augmenté de 30 % les dix dernières années et représentent désormais entre 12 et 15 % du poids des véhicules », a rappelé en ouverture Luc Messien, directeur du Pôle automobile du Nord-Pas-de-Calais. « Nous visons les 20 % », a précisé Gérard Liraut, expert leader polymères chez Renault. Sur la nouvelle Clio, il y a 170 kg de plastique, dont 26,2 kg de matière recyclée. Du polypropylène en majorité, à hauteur de 80 %. « Nous pourrions faire mieux, mais les volumes de plastiques recyclés répondant à nos exigences de fabrication sont trop restreints », a affirmé Gérard Liraut. Propos par tagé par Louis David, maître expert en matériaux chez PSA Peugeot Citroën : « Nous avons pris la peine d'adapter nos pièces à l'utilisation de matière recyclée, mais nous en manquons pour aller plus loin. Nous savons tous que le marché français des VHU n'est pas suffisant pour nous approvisionner en matières plastiques recyclées à la hauteur de nos futurs besoins », a-t-il précisé. Il faudrait donc aller se fournir ailleurs. D'autant que, d'après Christian Traisnel, directeur de Team2, le gisement est important. Sur les 5 millions de tonnes de polymères consommées en France chaque année tous produits confondus, seulement 1 million de tonnes de plastiques usagés sont collectées. Sur cette quantité, seuls 19 % sont recyclés, le reste partant en valorisation énergétique (41 %) et en décharge (40 %). Grade matière spécifique Pour Frédéric Viot, manager écoconception chez Plastic Omnium, le manque de résines plastiques recyclées pointé du doigt par Gérard Liraut serait en partie dû à la difficulté que rencontrent les recycleurs à vendre au juste prix leurs granulés de plastique : « Vous nous dites qu'ils répondent à vos exigences mécaniques et pourtant vous persistez à les payer moins cher que les polymères vierges. Comment voulez-vous que nous puissions pérenniser une filière dans ces conditions ? » Selon Fabrice Abraham, responsable du domaine expertise recyclage chez Renault, le problème viendrait de l'absence de diversité de grades dans les plastiques recyclés, en particulier pour le polypropylène. La fluidité de la matière varie selon son grade : à chaque pièce automobile correspond un grade matière spécifique. À entendre l'expert de Renault, c'est là que le bât blesse. En outre, la chute du prix du baril de pétrole (-60 % depuis juin 2014) n'aide pas l'industrie du recyclage des plastiques. Il est difficile pour le plastique recyclé de suivre l'évolution du cours de la matière vierge. Or, comme l'ont souligné les constructeurs automobiles au colloque lillois, quelle que soit la situation, il n'est pas question de payer le recyclé plus cher que le vierge. Peut-être alors faudrait-il récupérer les pièces en plastique directement sur les voitures plutôt que de chercher à extraire les polymères des résidus de broyat ? « C'est impossible, répond Frédéric Viot. Nous avons en France environ 1 500 démolisseurs et 50 broyeurs. Les premiers sont de petites structures qui emploient trois ou quatre personnes tout au plus. Les seconds sont de grosses entreprises qui vivent surtout des métaux. Cela explique que le recyclé dans les voitures provient essentiellement des rebuts de production et non pas des produits en fin de vie. Il faudrait une réorganisation de la filière de recyclage et une plus grande collaboration avec le monde universitaire. » Une proposition ambitieuse ? n