L'union sacrée contre les vols de métaux semble scellée en Europe. Du côté des professionnels, en tout cas.
À la fin du mois de mai dernier, 11 organisations professionnelles du ferroviaire, du transport public, de l'énergie, de l'électricité et du recyclage ont lancé un appel commun aux institutions européennes pour améliorer la lutte contre ce fléau. Ce front s'est constitué autour de la Communauté européenne du rail, qui regroupe les compagnies ferroviaires particulièrement affectées. Il comprend l'EFR (European Ferrous Recovery and Recycling Federation) et Eurometrec, la fédération des organisations nationales des non-ferreux. Cet appel commun tient en trois points : l'application dans toute sa rigueur et partout dans l'Union de la directive du 19 novembre 2008 sur la gestion des déchets, le renforcement de la coopération entre les autorités, notamment pour l'échange de données, la définition de sanctions communes et plus sévères, de façon à couvrir le préjudice dans toutes ses dimensions, la valeur dérobée mais aussi les coûts induits par la remise en état.
Rien cependant de révolutionnaire. Les fédérations professionnelles postulent que l'essentiel de l'arsenal juridique existe et qu'il faut le rendre effectif par une meilleure mise en œuvre. De même, elles comptent appliquer plusieurs programmes de lutte qui fonctionnent déjà avec un impact certain, comme Pol-Primett et la plateforme Empact contre le crime, organisés autour d'Europol, l'office européen de police. « Avec cette initiative, nous voulons instaurer un suivi permanent qui dépasse les débats ponctuels avec les institutions », commente Emmanuel Katrakis, secrétaire général d'Eurometrec et d'Euric (Confédération européenne des industries du recyclage).
Disparité des règles
Les signataires demandent que le processus d'identification soit renforcé pour qu'aucun maillon n'échappe à un enregistrement, y compris l'entreprise de transport des déchets métalliques, et des sanctions « proportionnées et dissuasives » pour les chantiers clandestins. La lutte passera aussi par un échange plus efficace des bonnes pratiques. Infrabel, le gestionnaire du réseau de chemin de fer belge, fait figure de modèle. Entre 2012 et 2014, il a ramené les vols de métaux de 1 100 à 162. Il a multiplié les mesures, surtout pour le cuivre : marquage des câbles qui résiste à tout même à l'incendie, concentration des stocks de cuivre dans quelques entrepôts ultrasécurisés, démultiplication des caméras de surveillance, diminution des volumes de câbles – les nouveaux équipements de connexion n'en contiennent plus qu'un kilo contre 15 à 20 avant. « Les coûts de mise en place sont minimes en comparaison des économies générées. Il y a deux ans, ces vols nous coûtaient encore 8 millions d'euros en interventions matérielles et humaines », souligne Arnaud Reymann, porte-parole d'Infrabel. « Le point décisif, c'est l'appareil répressif renforcé grâce à notre lobbying », ajoute-t-il. Le ministère belge de la Justice s'est engagé depuis 2013 à appliquer les peines dans toute leur sévérité. Un écueil de taille subsiste : la disparité des règles nationales sur les plafonds de paiement en liquide, véritable porte ouverte à tous types de trafic. « Et là, l'harmonisation n'est pas pour demain. Les États particulièrement souples comme la Belgique [hormis les câbles de cuivre pour lesquels le liquide est interdit depuis 2013, NDLR], l'Allemagne et l'Espagne s'y opposent », déplore Patrick Kornberg, président d'Eurometrec. n