Les déchets d'ameublement ont connu en 2014 leur premier exercice complet en version REP. Opérationnelles depuis mai 2013, les deux filières organisées par Éco-mobilier pour le gisement ménager et Valdelia pour la partie professionnelle affichent de bonnes performances de recyclage sur les tonnages qu'elles collectent. La majorité de leurs flux sont assez semblables : environ 60 % de bois et une faible proportion de plastique. Mais ils diffèrent sur la part de ferrailles (23 à 24 % pour la deuxième contre 4 à 5 % pour la première), et la forte proportion de mousses et textiles (autour de 20 % de literie et rembourrés) dans le ménager, qui prend en charge l'intégralité des matelas.
Côté volumes, les deux filières ne sont pas logées à la même enseigne : 1,3 million de tonnes de produits sont mises sur le marché pour Éco-mobilier en 2014 (dont 48 % sont effectivement soutenus), contre 218 000 tonnes pour Valdelia. Sur leurs gisements respectifs, les éco-organismes affichent des taux de collecte quasi similaires : 9,6 % pour Éco-mobilier (124 388 tonnes collectées en 2014) et plus de 8 % pour Valdelia (17 745 tonnes). Les deux filières gèrent des recettes de matériaux modestes, si on les compare aux DEEE, et n'ont pas à traiter de produits dangereux comme les piles ou les DDS. Mais la comparaison entre les secteurs ménager et professionnel s'arrête là, car les deux filières n'ont pas les mêmes problématiques en matière de collecte. Elles les ont un peu plus en matière de traitement (à l'exception des matelas). En revanche, leurs orientations diffèrent sur certains points, en raison des exigences de leurs agréments.
Recycler le bois
Absent de la quasi-totalité des filières REP, le bois est la matière de base des déchets d'ameublement. Il représente les deux tiers du gisement ménager et 57,8 % pour le gisement professionnel. L'enjeu majeur pour les deux éco-organismes est son recyclage et sa valorisation. Les objectifs réglementaires de Valdelia sont plus stricts en la matière : 75 % de recyclage et de réutilisation en 2017, contre 45 % (et 35 % de valorisation énergétique) pour Éco-mobilier. « Notre agrément est très clair, affirme Arnaud Humbert-Droz, directeur général de Valdelia, la question du bois-énergie ne se pose pas et la valorisation énergétique doit rester exceptionnelle pour des matières comme les fines de bois. » La priorité étant donnée au recyclage et à la valorisation de la matière, les deux filières se tournent vers l'industrie du panneau, « un exutoire très intéressant dans le cadre d'une filière meubles car on peut vraiment parler d'économie circulaire, à condition de répondre à un cahier des charges précis », pointe Olivier Arrault, responsable filières REP chez Suez Environnement. Les panneautiers sont demandeurs et absorbent les flux en provenance des deux filières. Ces dernières bénéficient, en outre, de l'appel d'air créé par la sortie du statut de déchet du bois A, et de son orientation vers la filière bois-énergie. « Cela crée une tension sur les approvisionnements des fabricants de panneaux, ce qui rend les DEA attractifs pour cette industrie en matière d'usage », souligne Dominique Mignon, directrice générale d'Éco-mobilier. Les volumes de bois sont d'ailleurs ultra-majoritaires dans le taux de recyclage global de l'éco-organisme et compte pour 41 des 48 % de matières recyclées. Le gisement de bois est très hétérogène. Il doit donc être broyé et préparé pour entrer dans les différents exutoires.
Diversifier les débouchés
Premier partenaire de Valdelia, et partenaire majeur d'Éco-mobilier, Suez Environnement mobilise une vingtaine de ses sites en France pour les deux filières. Parmi eux, le centre de tri et de préparation à la valorisation de Gennevilliers, qui, grâce à une unité automatisée de préparation du bois, « met en œuvre une succession de traitements techniques du bois uniques en France per-mettant de respecter à la fois les exigences du recyclage et celles de la valorisation énergétique », précise Olivier Arrault. Les débouchés dans l'industrie du panneau sont en France, en Belgique, en Italie et en Espagne. « Cette industrie est friande d'approvisionnements réguliers et constants, que nous en sommes en mesure de lui fournir », précise Dominique Mignon. Malgré l'appétit actuel des panneautiers, les filières doivent diversifier leurs débouchés. « Il est impératif que notre bois entre dans une logique de qualité, indique Arnaud Humbert-Droz. Dans nos appels d'offres, nous sélectionnons des prestataires capables de fournir des produits qualitatifs et de nouvelles solutions de valorisation de la matière. » En interne, Suez Environnement travaille notamment sur des projets R & D de séparation voire de recyclage du MDF, « un produit fabriqué par les panneautiers, mais encore difficile à réintégrer dans leurs process de fabrication une fois recyclé », note Olivier Arrault. Éco-mobilier fait appel à 140 sites de tri et à une centaine de sites de traitement, et Valdelia mobilise 62 centres. On y retrouve des opérateurs du déchet comme Veolia, Suez Environnement, Paprec, Coved, Serfim, des indépendants du réseau Praxy (SLG, Pena, Epur, Baudelet) et les plateformes de l'économie sociale et solidaire (Envie, Emmaüs, ressourceries).
Hormis le bois, pour lequel elle utilise des voies de recyclage préexistantes, la filière DEA inclut une autre spécificité : les mousses (polyuréthane et latex). Seule la filière VHU – dans une bien moindre mesure – connaît un peu cette problématique avec quelques pourcentages dans les RBA légers. « La forte proportion de mousses est très spécifique à la filière mobilier, cela nous donne une responsabilité particulière », confie Dominique Mignon. Après les trois programmes de R & D lancés en 2014 sur le bois avec l'Ademe et Valdelia (Recyfibres, Vadebio et Profidéa), Éco-mobilier sera bientôt à l'initiative d'un appel à projets sur le recyclage des mousses et de la literie, dont l'objectif repose sur la diversification des débouchés, notamment vers l'isolation phonique et thermique dans l'automobile ou le bâtiment. Fin 2015, la filière ménagère disposera de sept sites de démantèlement des matelas. Dernière implantation en date, le site de Langon, près de Bordeaux, fruit d'un partenariat entre Recyc-Matelas Europe et Suez Environnement, avec sa filiale d'insertion Val Plus. Depuis avril, le site offre une capacité de 7 000 tonnes par an, « dont 80 à 90 % des volumes sont orientés vers le recyclage et 100 % valorisés », assure Olivier Arrault. Qui pour-suit : « Les filières REP et ces partenariats gagnant-gagnant avec les éco-organismes permettent aux opérateurs de développer la création de ce type de sites et de nouvelles voies de recyclage. »
Valoriser la matière
La valorisation énergétique a également sa place dans la filière DEA, en particulier dans le flux ménager, qui l'utilise pour 33 % des volumes collectés : 20 % sont transformés en CSR (pour des cimenteries notamment), 10 % dans une filière bois-énergie industrielle, le reste dans des UVE haute performance (R1). De son côté, Valdelia réserve la transformation en CSR à des produits résiduels : fines de bois, mousses, textiles, plastiques, tissus. « Pour être clair, les industriels ayant répondu à notre appel d'offres avec une proposition de CSR n'ont pas été retenus, la valorisation de la matière reste le point clé et nous demandons des engagements sur objectifs », tranche Arnaud Humbert-Droz. Moins cruciale que pour d'autres filières, la question des plastiques se règle par la valorisation énergétique. Dans les DEA, les plastiques ne représentent que 1 à 5 % des volumes. Mais avec un gisement total de près de 2 millions de tonnes de DEA, ils pèsent malgré tout quelques dizaines de milliers de tonnes. À l'instar de Suez Environnement, certains opérateurs n'excluent pas, à terme, la valorisation matière au travers de l'approvisionnement d'unités de recyclage des plastiques en mélange à partir de différentes filières REP.
S'appuyant sur le réseau des déchèteries publiques (80 % des volumes collectés), Éco-mobilier ne souffre pas d'un déficit de notoriété. Ce n'est pas le cas pour Valdelia, qui doit se faire connaître des détenteurs et leur faire comprendre la problématique des DEA. « Le problème est qu'ils ne connaissent pas leurs obligations et que le sujet ne les intéresse pas », regrette Arnaud Humbert-Droz. Côté matières, il doit aussi convaincre les professionnels de lui confier la totalité de leurs déchets sans extraire de flux à plus forte valeur ajoutée. Autres impératifs : se développer en région (50 % des volumes sont captés en Île-de-France), accroître les performances des PAV (12 % des flux collectés), qui passe-ront de 120 aujourd'hui à 200 fin 2015, voire des centres de massification volontaires (bennes installées chez des opérateurs déchets, déménageurs), qui récoltent 12 à 15 % des volumes et sont utiles pour la captation des flux diffus.
De son côté, Éco-mobilier dispose d'un maillage territorial homogène avec près de 2 000 points de collecte à la mi-2015. Il veut se développer auprès des distributeurs et des PAV pour professionnels (7 % des volumes collectés). L'éco-organisme vise une montée en puissance progressive, « pour amener tous les acteurs de la filière vers un rythme de croisière à l'horizon 2020, date à laquelle nous devrions voir doubler le montant des contributions, qui atteint 120 millions d'euros en 2014 », détaille Dominique Mignon. Des contributions qui augmenteront au 1er janvier 2016 mais deviendront modulables avec des bonus d'écoconception. Son autre enjeu est la recherche de solutions de recyclage et de valorisation pour accompagner la croissance des volumes. De fait, la dernière filière REP opérationnelle n'en est qu'au début de sa mission.