Il y a un an, Federec proposait de favoriser l'innovation et la R & D, leviers stratégiques pour le développement de nouveaux débouchés. Elle affichait sa volonté de créer un centre technique du recyclage afin de mutualiser la R & D au bénéfice de l'ensemble de la filière en intégrant les industries utilisatrices. Une étude de faisabilité, financée en partie par l'Ademe, a été lancée. D'après Jean-Philippe Carpentier, pré-sident de Federec, les résultats devraient sortir d'ici à la fin 2015 : « Il s'agit de faire le tour de l'existant en matière de recherche et développement dans le recyclage en France car il n'est pas question de recréer ce qui existe déjà ailleurs. » Ce Centre de recyclage technique (CTR) s'appuierait sur les ressources et sur les savoir-faire des autres centres techniques ainsi que sur les laboratoires publics et privés dont les compé-tences pourraient être mises au service d'une innovation partagée dans le recyclage. Jean-Philippe Carpentier en est certain : « Si ce CTR ne voit pas le jour, nos adhérents vont se faire préempter par les grosses entreprises et les éco-organismes qui rêvent tous d'organiser le marché en fonction de leur intérêt. Nos PME deviendront de simples sous-traitants et devront utiliser des solutions imposées par d'autres. Nous avons intérêt à mutualiser nos recherches si nous voulons pérenniser nos petites entreprises. » La volonté est affichée. Federec ne demande pas de bâtiment ni de plateforme d'essais. Juste une équipe allégée avec des comités scientifiques chargés de piloter chaque projet, dans lesquels seraient impliqués des entreprises, centres techniques industriels, laboratoires publics et pourquoi pas des laboratoires privés.
Recherches croisées
Ceux qui travaillent déjà sur le recyclage ne manquent pas. Entre 2011 et 2014, dans le cadre d'un projet de l'Ademe, sept centres techniques ont même travaillé ensemble sur la valorisation croisée des matières issues de secteurs industriels manufacturiers en partant du principe que les déchets des uns pouvaient devenir les matières premières des autres. Ce projet réunissait le Centre technique du papier (CTP), le Centre d'études et de recherche de l'industrie du béton (Cérib), le centre Forêt, cellulose, bois et ameublement (FCBA), le Centre technique des industries de la fonderie (CTIF), le Centre technique des matériaux naturels de construction (CTMNC), le Centre de recherche agronomique pour le développement (Cirad) et le Centre technique industriel des professions de corps gras (Iterg). Au CTP, le thème de l'écoconception et du recyclage des emballages est clairement identifié. C'est celui d'une des dix unités scientifiques et technologiques autour desquelles s'articule sa recherche. Un des principaux objectifs de ce centre est de pérenniser le recyclage des papiers et cartons d'emballage et d'optimiser les chaînes de recyclage. Au CTIF, en revanche, le recyclage ne représente que 15 % de l'activité en chiffre d'affaires. « Sur la vingtaine de pro-jets menés ces trois dernières années, seulement quatre traitaient de recyclage. Nous pourrions en faire davantage. Mais nos ressortissants sont frileux. Ils craignent pour leur four et y vont à pas comptés », avance Bernard Duquet, ingénieur environnement au CTIF. Mener plus de recherches croisées entre recycleurs et fondeurs via un CTR pourrait accélérer les choses. Le CTIF dispose de deux laboratoires, à Sèvres et à côté de Lyon, pour analyser les matières entrant dans le four et les pièces en sortie. Sa fonderie expérimentale est équipée de trois fours à induction. Dans le cadre d'une recherche sous contrat, il a mis dernièrement ses compétences au service d'Eco'Ring, une société d'ingénierie de filière de valorisation de déchets et de Fiday Gestion, un fabricant de pièces de freinage en fonte. Les deux entreprises ont ainsi réussi à inventer un nouveau procédé, le Bat'Ring, pour valoriser les piles usagées en fonderie. Avec le Cetim (Centre technique des industries mécaniques), il a participé au projet Valbom de création d'une filière de valo-risation des boues d'usinage. Terminé en février 2015, ce projet a permis d'obtenir à partir de ces boues des briquettes métalliques dont la qualité convient aux exigences des aciéries et des fonderies. Plusieurs entreprises y étaient impliquées dont ArcelorMittal, SKF, SNF Floerger, NTN SNR, SFH et Defontaine Group. Consommateur de millions de tonnes de ferrailles par an, ArcelorMittal y a vu l'opportunité de trouver une nouvelle matière pour ses fours. SFH s'est mis au compactage et SKF a récupéré les huiles présentes dans les boues.
Marchés cibles
Dans ces exemples, on voit bien que les CTI (centres techniques industriels) sont avant tout au service de leur filière. Quant aux laboratoires privés des groupes Suez Environne-ment et Veolia Environnement, leurs projets d'innovation s'inscrivent dans leur stratégie d'entreprise. Le déchet n'est plus le point d'entrée de l'organisation de Veolia Environnement. Le groupe est organisé autour de sept marchés cibles (pétrole, gaz, industries minières, agroalimentaire, entre autres).
Il existe trois programmes de recherche, un centré sur les besoins des industriels des marchés cibles, un consacré aux villes et le programme projet performance, destiné à améliorer l'offre existante. « Nos recherches se positionnent sur l'ensemble de la chaîne de valeur, depuis la collecte jusqu'à la réintégration des matières dans l'industrie en passant par le tri, la séparation, le démantè-lement, le contrôle », indique Estelle Redon, directrice de programme projets performance chez Veri (Veolia recherche & innovation). Le groupe travaille en partenariat avec la plupart des centres techniques sur des projets de recherche collaboratifs. Il intervient par exemple avec l'institut de recherche Jules-Vernes sur les procédés de séparation des fibres composites.
Suez Environnement, lui, a fait du recyclage des plastiques sa priorité. En octobre 2014, il a ouvert son laboratoire Plast'lab avec pour objectif de fabriquer des polymères fonctionnels à partir de plastiques usagés. « Nous voulons tirer le recyclage des plastiques vers le haut et garder la propriété industrielle de nos résultats de recherche », avance Olivier Vilcot, directeur général de la division plastiques de Suez Environnement. Le groupe travaillera-t-il avec le prochain centre technique spécialisé sur les plastiques ? D'après Jean Martin, délégué général de la Fédération de la plasturgie et des composites, « l'arrêté ministériel de la création de ce centre va bientôt sortir. Notre centre technique industriel s'appuiera sur les structures existantes de l'Institut supérieur de la plasturgie d'Alençon (Ispa) et du Pôle de plasturgie de l'Est (PPE). Comme le recyclage arrive en tête des besoins de nos adhérents, notre CTI va y travailler ». Federec a tout intérêt à regarder de près cette initiative, et il le fait.