C'est dans un contexte de crise économique majeure que cette loi, dont l'objectif principal était de produire du logement rapidement, a été adoptée. Pour cela, elle a entendu faire du droit de l'urbanisme un vecteur essentiel de la politique de l'habitat (Loi Boutin : l'urbanisme au service du logement, notamment, E Carpentier BJDU 2/2009 p 92). Mais, un champ d'intervention très vaste et une volonté de mettre en place, à la hâte, des outils simples, efficaces et novateurs, ont conduit cette loi à quelques « imprécisions ». C'est pourquoi elle a d'ores et déjà nécessité l'intervention de nombreux décrets d'application.
Celui du 22 mars 2010 a trait, principalement, à deux mesures phares de la loi MOLLE que sont : l'intégration du programme local de l'habitat (PLH) dans le plan local d'urbanisme (PLU) communautaire et le projet urbain partenarial (PUP). Sur ces deux sujets, ce décret nous apporte, certes, quelques précisions mais ne nous livre pas encore toutes les clés nécessaires à leur utilisation sereine. C'est donc, en grande partie, la pratique et la jurisprudence qui achèveront, comme souvent, de « parfaire » ces outils.
PLH et PLU communautaire : une fusion artificielle et obscure
Revenant sur les décennies précédentes, la loi MOLLE a fait table rase du principe, certes ébréché, de séparation des politiques d'urbanisme qui conduisait à distinguer les documents « généraux » (SCOT, PLU...) des documents spécialisés, comme les Programmes locaux de l'habitat (PLH) et les Plans de déplacements urbains (PDU). En effet, elle prévoit que : « lorsqu'ils sont élaborés et approuvés par des EPCI dont ils couvrent l'intégralité du territoire, les PLU intègrent les dispositions des PLH et tiennent lieu de PLH ».
On assiste donc ici à un mouvement d'apparente simplification de la hiérarchie des normes d'urbanisme, mouvement qui devrait se poursuivre avec la loi Engagement national pour l'environnement, dite Grenelle 2 (qui prévoit également d'intégrer les PDU aux PLU communautaires). Mais derrière cette unification des documents d'urbanisme se cache en réalité un remaniement profond des politiques d'urbanisme, au sens large, pour lequel de nombreuses zones d'ombre persistent encore aujourd'hui.
On constate, tout d'abord, que cette obligation d'intégration du PLH n'existe qu'en matière de PLU communautaire, c'est-à-dire de PLU de compétence communautaire, réalisé sur l'ensemble du territoire de l'EPCI concerné ; ce qui n'est pas anodin.
En effet, ces PLU, bien qu'autorisés par la loi (actuel article L 123-1 du Code de l'urbanisme), ne représentent, pour l'heure, qu'une très faible proportion des PLU existants mais témoignent d'une nouvelle conception de l'urbanisme (Étude de l'association des communautés de France, Communautés et urbanisme, octobre 2008).
Ainsi, malgré de nombreux obstacles, construire un PLU à une échelle intercommunale signifie que l'on a pris conscience, comme c'est le cas depuis quelques années, que le territoire communal n'est plus, aujourd'hui, pertinent pour régler des questions urbanistiques, et notamment des règles d'occupation et d'utilisation du sol.
La loi Grenelle 2 constituera, vraisemblablement, le point d'orgues de cette réflexion puisque le projet de loi, dans sa version actuelle, érige le PLU communautaire au rang de principe, là où, aujourd'hui, il n'est qu'une exception, face aux PLU communaux.
Art. L 123-1 issu du projet de loi Grenelle 2 (version adoptée au Sénat) : « Lorsqu'il est élaboré par un EPCI compétent, le PLU couvre l'intégralité de son territoire. Lorsqu'il est élaboré par une commune non-membre d'un EPCI compétent, le PLU couvre l'intégralité de son territoire. »
La loi MOLLE a donc en quelque sorte préparé l'avènement de ces PLU communautaires, documents d'urbanisme de demain, en considérant que, puisque les questions d'habitat et les questions d'occupation du sol étaient régies à la même échelle, elles pouvaient être réunies au sein d'un seul document.
Si la motivation qui a guidé le législateur vers cette fusion est certes légitime, il n'en reste pas moins que de nombreuses difficultés techniques et juridiques persistent, sur les moyens concrets de réaliser cette intégration des PLH aux PLU.
En effet, même si le volet opérationnel et programmatique des PLU s'est vu considérablement conforté par la récente législation, il n'en reste pas moins que PLU et PLH n'ont pas les mêmes objets. Ainsi, alors que l'un, précis, régit les occupations et utilisations du sol, l'autre se veut être un document stratégique de programmation et de mise en oeuvre des politiques locales d'habitat.
La doctrine, tout comme la pratique, était donc dépourvue de réponse face à l'une des questions centrales générées par la loi MOLLE : comment intégrer un PLH dans un PLU ? (Séminaire Intercommunalité GRIDAUH : « Interrogations sur l'intégration du PLH dans le PLU intercommunal » de J.-P. Lebreton-. Planchet).
Il n'existe d'ailleurs, pour l'heure, aucun exemple de cette intégration.
Il aura donc fallu attendre le décret du 22 mars 2010 pour obtenir quelques éléments de réponse sur ce sujet. Ce décret nous précise, en effet, dans quels documents du PLU seront ventilés les différentes composantes du PLH.
Ainsi, le diagnostic sur le fonctionnement du marché local du logement et les conditions d'habitat du PLH, prévu à l'article R 302-1-1 du Code de la construction et de l'habitation (CCH), devra être incorporé dans le rapport de présentation du PLU.
Le document d'orientation du PLH énonçant les principes et objectifs du programme sera, quant à lui, réparti entre le Projet d'aménagement et de développement durable (PADD) et les orientations d'aménagement du PLU. Ces mêmes orientations devront également comporter le programme d'actions du PLH.
Enfin, il est créé un nouvel article R 123-14-1 du Code de l'urbanisme qui impose à l'EPCI compétent en matière de PLU communautaire, de mettre en place le dispositif d'observation de l'habitat prévu, jusqu'à présent dans le cadre de la mise en oeuvre des PLH.
Même si ce décret nous donne plus de précision sur les modalités pratiques d'incorporation du PLH dans le PLU, de nombreuses interrogations persistent encore.
C'est le cas, par exemple, des orientations d'aménagement qui seront démultipliées et diversifiées selon qu'il s'agit d'orientations générales reprenant les principes du PLH, d'orientations plus précises de programmation sur une commune ou un secteur, ou encore d'orientations d'aménagement détaillées d'un quartier. Ce foisonnement risque de créer une confusion. L'intégration, dans des documents opposables du PLU, d'éléments non normatifs du PLH reste aussi un sujet qui risque de créer une certaine insécurité juridique.
De même, on peut se demander comment les actions et programmations en matière d'habitat seront mises en oeuvre dans le cadre d'un PLU communautaire. En effet, l'application essentielle du PLU se fait lors de l'examen des demandes d'autorisation d'occupation du sol. Or les politiques d'habitat ne nécessitent pas toujours le recours à de telles demandes.
À noter également que ce décret du 22 mars 2010 remet en cause la formulation actuelle du projet de loi Grenelle 2 qui dispose que seules les orientations d'aménagement et de programmation des PLU communautaires définissent les objectifs et les principes du PLH et tiennent ainsi lieu de PLH, alors que le décret prévoit, quant à lui, que ce rôle incombe au PLU dans son intégralité.
Cette solution paraît d'ailleurs plus raisonnable car il eut été difficile d'envisager, par exemple, d'intégrer un simple diagnostic en matière d'habitat, dépourvu de toute normativité, dans une orientation d'aménagement, quant à elle, opposable.
Il n'en reste pas moins que ces orientations auront un rôle phare en la matière puisque, le projet de loi Grenelle 2 (article 10) prévoit de leur conférer un caractère programmatique. Elles seront donc demain plus à même d'intégrer les actions et opérations programmées aujourd'hui dans les PLH.
Le projet urbain partenarial : un outil prometteur... mais pas idéal
Le PUP, mis en place par la loi MOLLE, est un outil contractuel destiné à permettre le financement d'équipements publics rendus nécessaires par le développement d'opérations privées.
Sa création, appelée par les acteurs de l'aménagement, visait à combler un vide juridique existant dans la liste limitative des contributions d'urbanisme. L'objectif était de créer, à côté de la traditionnelle ZAC, certes efficace mais nécessitant une initiative et une maîtrise publique de l'opération, et du Programme d'aménagement d'ensemble (PAE), intervenant dans le cadre d'opérations privées mais déterminé de manière unilatérale par la collectivité, un outil novateur de négociation en matière de financement d'équipements publics.
Sorte de « ZAC privée », le PUP, tel qu'issu de la loi MOLLE, s'inspire considérablement du PAE, sans toutefois présenter sa rigidité (pas de préfinancement des équipements publics en matière de PAE car programme lié à la délivrance des autorisations d'occupation du sol, PAE déterminé par délibération de la collectivité...).
Mais si l'objectif du législateur était d'offrir une alternative aux difficultés que présentaient les contributions « classiques » d'urbanisme, le PUP n'en est pas pour autant un outil « parfait », et comporte lui aussi sa part d'interrogations et de limites (comme toute contribution d'urbanisme, il est limité par les deux principes de lien direct et de proportionnalité des équipements publics avec l'opération en cause).
Ainsi, si la souplesse qui caractérise cet outil contractuel est un avantage indéniable pour ses utilisateurs, le PUP n'en reste pas moins encré dans un cadre juridique précis, et parfois pesant, que le décret du 22 mars 2010 vient renforcer. À ce titre, il insère trois nouveaux articles relatifs à la mise en oeuvre du PUP (art R 332-25-1 et suiv. du Code de l'urbanisme). Il y est, notamment, précisé que la convention de PUP doit être accompagnée du document graphique faisant apparaître les périmètres concernés et que le maire ou le président de l'EPCI ne pourra signer une telle convention que si le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI l'y aura autorisé, et ce dans des conditions précisément définies.
L'apport de ce décret en matière de PUP pourrait paraître négligeable, puisqu'il ne s'agit que de mesures d'application de cet outil, mais il n'en est rien. Ces mesures sont en réalité très révélatrices des difficultés qui existent à appréhender un outil contractuel en matière d'équipements publics et, de manière générale, en droit public.
On notera également que ce décret met en place des mesures d'application du PUP qui, sur de nombreux points, sont très similaires à celles existant en matière de PAE (exemple : il ne crée pas de sous-section spécifique au PUP mais intègre celui-ci dans le chapitre, rebaptisé, consacré au PAE), et cet amalgame n'est pas anodin puisque le PUP devait remplacer le PAE, jugé trop risqué et trop complexe. Mais le législateur n'a pas tenu à mener cette réforme jusqu'au bout puisqu'il a maintenu le PAE et a limité au contraire le champ d'application du PUP. C'est donc, comme le constate le Pr Strebler, une réforme inaboutie qui fait aujourd'hui coexister deux outils qui, même s'ils sont de natures différentes, ont le même objet (Le PUP : les risques d'une réforme inaboutie, J.-P. Strebler, BJDU 3/2009, p 178).
Exemple de cette analogie, le décret du 22 mars 2010 impose d'annexer au PLU les périmètres fixés par les conventions de PUP, comme c'est le cas pour les PAE. Une telle obligation est assez surprenante en matière de PUP puisque, même s'il permet de financer des équipements publics, il n'en reste pas moins une convention passée entre une collectivité et une personne privée, qui n'a pas véritablement sa place dans un document d'urbanisme.
On pourrait penser qu'à trop vouloir rapprocher le PUP des autres contributions d'urbanisme, et notamment du PAE, le législateur et l'exécutif ont eu tendance à oublier la spécificité de cet outil, à savoir sa nature contractuelle.
Il reste donc encore du chemin à parcourir avant d'éclaircir la situation de cet outil suis generis.
Quelques ajustements
La loi MOLLE a souhaité créer de nombreux outils efficaces au service d'une production nouvelle et intense de logement. Le décret du 22 mars 2010 accompagne l'application de deux de ces mesures de densification et de diversification du parc de logement, à savoir :
- La possibilité pour les PLU de délimiter des secteurs à l'intérieur desquels les programmes de logements devront comporter une proportion de logements d'une taille minimale, que le PLU aura préalablement fixé (art. L 123-1 15° du Code de l'urbanisme). Pour contrôler l'application de cet outil et donc renforcer son efficacité, le décret ici étudié, impose d'ajouter aux demandes de permis de construire, un tableau indiquant la proportion de logements de taille minimale imposée. Mais on peut d'ores et déjà regretter l'insuffisance de ce dispositif pour assurer un véritable contrôle en la matière.
- La possibilité de majorer jusqu'à 50 % le volume constructible d'un programme de logement s'il comporte des logements locatifs sociaux (art. L 127-1 du Code de l'urbanisme). Le décret du 22 mars 2010 précise les procédures d'association du public et de publicité applicables en la matière.
À noter que ce décret précise également les conditions d'application des procédures de mise en compatibilité de déclarations de projet avec un schéma de cohérence territoriale (SCOT) ou un PLU, prévues respectivement aux articles R 122-11-1 et suivants et aux articles R 123-23-1 et suivants du Code de l'urbanisme.