Dans le cadre du projet «?Iter?» (International Thermonuclear Expe-rimental Reactor), l'État a décidé l'aménagement d'un itinéraire routier spécifique, depuis le Por t de la Pointe à B erre - l'Étang jusqu'au site de Cadarache, sur le territoire de la commune de S a i nt- Pa u l - l è s - D u ra n ce. En effet, la co n s t r u c t i o n du ré a c te u r expérimental impose le transpor t, par convois exceptionnels, de pièces industrielles de très grande taille. Dans la perspec tive de ces livraisons, échelonnées sur 5 ans, un itinéraire (environ 100?km pour faire passer 200 convois) susceptible d'accueillir les convois exceptionnels a été défini et déclaré d'utilité publique par un arrêté préfec toral du 16?avril 2007, qui est intitulé «?Iter : aménagement d'un itinéraire routier pour convois exceptionnels lourds et de grand gabarit?». Dans le cadre d'une convention de co - maîtrise d'ouvrage, conclue avec le dépar tement des Bouches-du-Rhône et fondée sur la loi Mo p, l'État a assuré la maîtrise d'ouvrage de cet aménagement, et le préfet de région et la Dreal ont ainsi sollicité auprès de la société Ed f le déplacement des lignes électriques se trouvant sur cet itinéraire.
Erdf, venant aux droits d'Edf, a sollicité de l'État le remboursement des frais engagés pour le déplacement ou l'enfouissement de ses ouvrages électriques sur l'itinéraire concerné, ce qui lui a été refusé par plusieurs décisions préalables.
Par une quarantaine de demandes indemnitaires très voisines sans être par faitement jumelles, Erdf vient donc vous demander de condamner l'État à lui verser une somme de près de 3,5?millions d'euros à ce titre.
L'État oppose deux Fn r à ces demandes.
Il s ou t ient en prem ie r lieu que la société Erd f, qui ne p ré c is e pas l'identité de son représentant, ne rappor te la preuve ni de la qualité ni de l'habilitation régulière de celui- ci à agir en son nom.
La qualité du représentant de la société pour agir au nom d'Erd f ne nous semble toutefois faire aucun doute en ver tu des principes posés par la jurisprudence Société omnium de gestion immobilière de l'Île - de - France (1).
En effet, Erd f, SA avec conseil de sur veillance et direc toire, est ici valablement représentée par le président du directoire en application des dispositions des ar ticles L. 225-64 et L. 225-66 du Code de commerce.
Par ailleurs, Erdf produit la délégation consentie par le président du directoire au directeur de l'unité réseau électricité Paca Ouest, délégation qui donne compétence à celui- ci pour «?agir devant toutes les juridic tions ou instances arbitrales, tant en demande qu'en défense, au nom d'Erdf dans les matières qui entrent dans les compétences des ser vices placés sous son autorité, à l'exception des contentieux confiés au directeur juridique, au directeur des finances et au directeur des ressources humaines?», Erd f précisant en outre – sans que cela soit contesté par l'État – que cette délégation s'exe rce dans le cadre des a c t i v i té s de distribution publique d'élec tricité d'Erd f sur les territoires définis pour les a c t i v i té s et missions placées sous la responsabilité du directeur de l'unité réseau électricité Paca Ouest, ce qui inclut for t logiquement le contentieux qui vous est soumis.
Vous pourrez donc écar ter cette première fin de non-recevoir.
Il en ira de même de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion des demandes.
L'État fait en effet valoir dans deux a f f a i r e s (n° 1100346 et n° 1100346), que l'administration a rejeté la demande indemnitaire par décision du 22?décembre 2009, et que ces deux requêtes de 2011 seraient tardives.
Comme Erd f le fait toutefois valoir, nous sommes ici en matière de TP et l'ar ticle R. 421-1 du Code de justice administrative fait obstacle à l'application de la règle de la décision préalable et à toute forclusion, même lorsqu'une décision expresse de rejet a été prise sur la demande indemnitaire (2).
Les demandes présentées par Erd f étant recevables, vous en viendrez alors au fond.
Erd f, venant aux droits d'EDF, souligne qu'elle est concessionnaire du domaine public pour l'implantation des ouvrages de distribution publique d'é n e rgi e électrique sur le fo n d e m e n t des dispositions de l'article?10 de la loi du 15?juin 1906 sur les di s tri b ut i on s d'énergie, tell es que con fi rmé es par les ar t i cles L. 113-3 et L. 113-5 du Code de la voirie routière (Cvr).
Les demandes d'Erd f se fondent, en conséquence, sur le droit à indemnité ouver t aux personnes autorisées à occuper le domaine public en application d'une concession ou permission de voirie lorsqu'elles subissent des dommages du fait de travaux menés sur la parcelle qu'elles sont autorisées à occuper. Erd f invoque, à ce titre, les dispositions de l'ar ticle L. 113-3 du Cvr aux termes desquelles : «?Sous réser ve des prescriptions prévues à l'ar ticle L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouver ts au public les ser vices publics de transport ou de distribution d'électricité ou de gaz et les canalisations de transpor t d'hydrocarbures ou de produits chimiques déclarées d'utilité publique ou d'intérêt général peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n'est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre. / Le gestionnaire du domaine public routier p e u t, dans l'intérêt de la sécurité routière, faire déplacer les installations et les ouvrages situés sur ce domaine aux frais de l'occupant dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.?»
Erdf se fonde, aussi et surtout, sur les principes posés par la jurisprudence et relatifs à l'occupation du domaine public, que les dispositions précitées ne font en fait que reprendre pour l'essentiel, principes aux termes desquels le titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public doit supporter sans indemnité les conséquences sur ses installations de travaux réalisés sur le domaine occupé, si les travaux publics sont entrepris dans l'intérêt du domaine occupé et si ces travaux constituent une opération d'aménagement conforme à la destination de celui-ci.
La demande qui vous est ainsi présentée par la société Électricité réseau distribution France vous amènera à vous pencher attentivement sur les conditions d'application de ce régime de responsabilité.
Vous noterez, en guise de préliminaire, que la nature du titre en vertu duquel est occupé le domaine – permission ou concession – est sans incidence sur l'application de ce régime.
Ainsi que le résume par faitement le professeur Chapus dans son Droit administratif général, tome?II, la jurisprudence a opté, du fait de la précarité qui s'attache aux autorisations d'occupation du domaine public, pour un principe de non-indemnisation des préjudices résultant, pour les personnes autorisées, des travaux menés sur le domaine public.
Ce principe connaît toutefois des exceptions qui, après avoir varié dans le temps en fonc tion de fluc tuations de la jurisprudence, sont aujourd'hui fixées de la manière suivante, au terme d'une décision de Sec tion du 6?février 1981, Compagnie française de raffinage (3).
Pour reprendre la formule de principe de cette décision, il est dérogé au principe de non-indemnisation lorsque les travaux, exécutés dans l'intérêt même de la dépendance occupée, ne constituent pas une opération d'aménagement conforme à la destination de cette dépendance, ainsi que, seconde hypothèse traditionnelle qui n'est pas remise en cause par la décision Compagnie française de raffinage, en cas d'anomalie dans l'exécution des travaux (4).
En l'espèce, et au vu d'une jurisprudence par faitement stabilisée, nous n'avons aucun doute sur le fait que l'élargissement des routes en cause constitue, eu égard à son ampleur relativement limitée, une opération conforme à la destination des dépendances du domaine public routier concerné.
En revanche, après une analyse attentive de la jurisprudence, il ne nous semble pas possible de considérer que les travaux en cause ont été d é c i d é s et menés dans l'intérêt du domaine public routier.
Comme chacun le perçoit bien à la simple lecture des critères cumulatifs posés par la jurisprudence, on co m p re n d que la manière de co n ce vo i r cet «?intérêt de la dépendance domaniale?» et les éventuelles variations que l'on conférera au champ de cette notion sont absolument cruciales pour l'application de ce régime de responsabilité. En effet, si l'on adopte une acception large de cette notion, il sera évidemment plus aisé de rattacher telle ou telle opération de travaux publics annexe, voire ex térieure à la dépendance domaniale, comme engagée dans l'intérêt de celle - ci. Au contraire, si l'on adopte de cette notion d'intérêt de la dépendance domaniale occupée une conception plus étroite, il en découle une plus grande ouver ture du régime de responsabilité en cause.
La jurisprudence pose en la matière un principe qui est de nature à vous éclairer, aux termes duquel seuls les travaux menés dans l'intérêt de la dépendance précise occupée par le permissionnaire sont de nature à exclure l'indemnisation, et non tous les travaux menés au bénéfice d'une dépendance quelconque du domaine public. Ainsi, un occupant du domaine public fluvial obligé de déplacer son installation a droit à indemnité d ès lors que ce d épla cem ent lui est i m po sé par les travaux d'aménagement d'une voie publique longeant le cours d'eau en cause et donc par des travaux menés dans l'intérêt du domaine public routier (5). De même, l'occupant du domaine public ferroviaire a droit à indemnité lorsque les travaux de construc tion d'un park ing dans le sous-sol de la place de la gare, cer tes menés également au bénéfice de celle - ci, bénéficient en réalité en premier lieu au domaine public routier (6). Enfin, plus largement, la jurisprudence reconnaît le droit à indemnisation, au besoin par tiel, lorsque les travaux sont en tout ou par tie menés, non dans l'intérêt de la dépendance domaniale occupée, mais dans un autre but d'intérêt général (7).
En dépit de la clar té de ces principes tels qu'ils sont posés dans leur pureté par la jurisprudence, celle - ci abonde en cas d'espèce où le lien entre les travaux engagés et la dépendance domaniale occupée est reconnu alors même qu'il n'apparaît pas, sur le plan logique, absolument évident.
Sans doute inspirée par des considérations matérielles liées à la consistance assez large donnée au domaine public routier, la jurisprudence est en par ticulier relativement généreuse pour reconnaître que telle ou telle opération de travaux publics est menée dans l'intérêt du domaine public routier.
Les exemples en la matière sont nombreux et l'État se prévaut d'un cer tain nombre d'entre eux dans notre affaire.
Il est par exemple jugé que les travaux de construction d'un égout sont menés dans l'intérêt du domaine public routier (8).
De même, la rénovation de la voirie dans le cas d'une opération plus large de rénovation urbaine est jugée engagée dans l'intérêt du domaine public routier (9). Il en va de même s'agissant d'une conduite d'eau forcée destinée à éviter l'inondation, dont il est jugé qu'elle contribue à la protection des voies et qu'elle est donc construite dans l'intérêt de ce domaine (10). Autre exemple, plus significatif encore, et bien connu, la construction d'une ligne de tramway sur l'emprise de la voie publique est jugée menée dans l'intérêt du domaine public routier (11). Par ailleurs, dans cer taines affaires, la jurisprudence retient des solutions qui ne sont guère éloignées de la rupture avec ses propres principes, en jugeant que, alors même qu'une opération por tant sur la voirie découle de travaux menés dans l'intérêt d'une autre dépendance du domaine public routier, l'amélioration générale des conditions de circulation dans le sec teur permet de regarder les travaux comme menés dans l'intérêt de la dépendance occupée (12).
Il nous semble pour tant qu'il ne faut pas donner à ces décisions un sens qu'elles n'ont pas et qui consisterait à affirmer que tout t r a v a i l public b é n é f i c i a n t d'une manière ou d'une a u t re, et même indirectement, à la voie publique, est mené dans l'intérêt du domaine public routier au sens qu'il convient de donner à cette expression dans le cadre de ce régime d'indemnisation, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, il ne faut pas exclure, ainsi que nous vous l'avons d i t, que la jurisprudence s o i t un peu plus o u ve r te en ce qui concerne le domaine public routier, en considérant que celui- ci doit faire l'objet d'une approche un peu plus globale étant donné ses multiples vocations (assurer la circulation générale, mais aussi ser vir de suppor t à de nombreux réseaux de transpor ts ou de ser vices) et la circonstance que la route au sens le plus large constitue un ensemble et, pour tout dire, un système avec les réseaux qui lui sont attachés et qui la ser vent tout autant qu'elle les ser t.
En second lieu, il convient de souligner que, bien que la jurisprudence use fréquemment de rédac tions assez brèves qui ne permettent pas toujours de mettre clairement en évidence en quoi les travaux publics en cause sont menés principalement dans l'intérêt de la dépendance domaniale occupée, le juge n'en mène pas moins cette recherche avec le souci de déterminer quel est le but premier de ces travaux, ainsi que le révèlent notamment les conclusions des commissaires du gouvernement ayant conclu sous ces affaires.
Ces obser vations étant faites, et votre attention attirée sur la prudence avec laquelle il convient d'aborder les solutions arrêtées en ce qui concerne le domaine public routier et l'apparente rigueur dont elles font état vis-à-vis de l'occupant du domaine, nous en venons de ce fait à ce qui est en conséquence, selon nous, l'esprit la jurisprudence en la matière. À notre sens, en effet, contrairement à ce que soutient l'État en défense, il ne suffit pas que les travaux en cause bénéficient d'une quelconque manière à la dépendance domaniale occupée pour qu'ils puissent être regardés comme menés dans l'intérêt de cette dépendance. Au contraire, nous comprenons la jurisprudence comme exigeant de vous que vous recherchiez quel a été le but primordial des travaux, leur cause première, et ce n'est que si cette cause première est le souci – même largement entendu – de conser ver et d'améliorer le domaine que l'indemnisation sera exclue. En revanche, dès lors que la cause première, l'objectif des travaux, n'est pas celui-là, le droit à indemnité du permissionnaire ou du concessionnaire de voirie sera reconnu, peu impor te que les travaux se traduisent par ce que l'économiste appelle des ex ternalités positives sur le domaine, celles- ci étant une conséquence indirecte ou plus ou moins voulue des travaux, mais pas la raison pour laquelle ils ont été menés.
Une longue et constante jurisprudence, dont la requérante se fait d'ailleurs l'écho nous conduit à cette conclusion, tout au moins lorsqu'il apparaît clairement que les travaux qui imposent le dévoiement de ses réseaux au concessionnaire, s'ils ont un impac t sur la dépendance qu'il occupe, procèdent d'une opération de travaux publics ou d'intérêt général par faitement identifiable comme ex térieure à cette dépendance.
Dans une décision du 26?novembre 1920 (13) le Conseil d'État reconnaît ainsi le droit à indemnité à raison du déplacement de canalisations électriques installées sous une route en ver tu d'une permission de voirie en jugeant «?que les travaux dont s'agit ont pour but la construction du chemin de fer d'intérêt général (…), lequel constitue une voie ferrée complètement indépendant de la route numéro?85 (…) dont elle n'emprunte qu'accidentellement cer taines portions?» avant de souligner que «?les travaux relatifs à ladite voie ferrée ne sauraient être envisagés comme rentrant dans les opérations de voirie dont les titulaires de permissions de voirie seraient tenus de suppor ter sans indemnité conséquence?».
Dans une affaire proche (14), le Conseil d'État exclut le droit à indemnité du concessionnaire de l'éclairage au gaz dont les canalisations sont placées sous une voie publique en ce qui concerne les conséquences des travaux d'élargissement de cette voie, mais le reconnaît en revanche en ce qui concerne le déplacement de ces mêmes canalisations induit par les travaux simultanés découlant de la création d'une voie de chemin de fer.
Dans une décision de Section du 7?décembre 1928 (15) le Conseil d'État reconnaît le droit à indemnité du permissionnaire de voirie dès lors que si les travaux qui ont amené à déplacer les ouvrages «?ont été entrepris dans des conditions qui ont pu, en définitive, concourir à l'amélioration de la circulation terrestre, il n'est pas établi que les nécessités de la voirie eussent, en tout état de cause, rendue inévitable la réfection de ses ouvrages?».
Dans d'autres cas très proches, la jurisprudence recherche de manière constante et systématique dans quel but concret et décisif les travaux ont été entrepris, pour juger sans incidence les éventuels effets positifs des travaux sur d'autres parcelles domaniales (16).
Pa r ve n u au terme de cette pré se ntation, il nous semble que la question qui vous est posée en l'espèce ne posera, si vous nous suivez dans notre analyse de la jurisprudence, guère de difficultés.
En effet, il est par faitement clair que les travaux d'élargissement et de modification des ouvrages routiers en cause ont été menés dans le seul et unique but de permettre la circulation des convois très exce p t i o n n e l s devant a l i m e nte r le chantier n o n moins exceptionnel de construction du réac teur I ter. L'État vous dit cer tes qu'après l'élargissement et la réfection de ces voies, les routes en cause bénéficieront à toutes les catégories d'usagers et que les améliorations qui en découleront en termes de confort et de sécurité sont indéniablement positives pour le domaine public routier, mais il est évident que tel n'est pas l'objectif premier des travaux, dont il n'est d'ailleurs pas manifeste qu'ils aient pour effet d'améliorer réellement la sécurité.
Le programme en cause impose du reste près de 50?millions d'euros d'investissement aux dépar tements concernés au titre des frais de voirie et il est bien évident qu'un tel coût n'aurait pas été mis à la charge de ces collec tivités dans le simple but d'améliorer la sécurité routière. Du reste, il résulte de nombreuses pièces versées au dossier que c'est un réel programme de mise au gabarit spécifique des convois visant cet axe qui a été mis en place unilatéralement par l'État dans le but exclusif de permettre le bon déroulement du chantier.
D è s lors, vous d e v re z juger, si vous nous ave z suivis j u s q u'à p ré s e n t, que les travaux en cause n'o nt pas été menés dans l'i n t é rê t des d é p e n d a n c e s domaniales o c c u p é e s par Erd f et que cette société peut engager la responsabilité de l'État sur le terrain de ce régime de Rsf.
Vous aurez alors à trancher diverses contestations soulevées par l'État, soit dans l'ensemble des instances, soit dans cer taines d'entre elles.
L'État conteste en premier lieu l'anormalité et la spécialité du préjudice. Pour notre par t, les conditions relatives à l'anormalité du préjudice et à sa spécialité nous semblent par faitement réalisées en l'espèce : Erd f suppor te un coût financier impor tant qu'elle n'a pas à suppor ter et les dépenses en cause n'incombent qu'aux seuls concessionnaires ou permissionnaires de voirie de l'axe concerné, ce qui c a r a ctérise une rupture d'égalité devant les charges publiques.
L'État conteste ensuite la réalité et le quantum du préjudice, ainsi que, de manière plus incidente, le lien de causalité entre le préjudice et le fait du défendeur.
Le défendeur reproche tout d'abord à la requérante de se constituer des preuves à elle - même, la société demandant réparation sur la b a s e de f a c t u re s dressées par elle, trop l a c o n i q u e s et justifiées par aucune autre pièce selon l'État.
L'État c r i t i q u e notamment les différents p o s te s de dépenses por tés dans les f a c t u re s d'Erd f, en soulignant que les études antérieures à la réalisation ne sont pas versées, que les f a c t u re s d'achat de m atér i el ou de mat ières prem iè res ne le sont pas d av a n t a g e, que les frais g é n é r a u x sont f a c t u ré s de manière for faitaire ou qu'aucun bulletin de paie ou fiche d'inter vention ne v i e n t prouver l'e n g a g e m e n t des dépenses de p e r s o n n e l alléguées.
Il est également soutenu que rien ne prouverait qu'Erd f n'aurait pas r é a l i s é, à cette o c c a s i o n, d'a m é l i o r a t i o n de ses ouvrages sans rappor t avec les incidences du chantier I ter.
Il nous semble toutefois que la contestation apportée par l'État sur ces différents points est trop peu argumentée et trop gratuite au vu du contexte de l'opération. Il résulte en effet de l'i n s t r u c t i o n que l'État a directement co m m a n d é l'exécution des travaux à Erd f au cours de réunions techniques avec l'opérateur et qu'il a l u i - m ê m e fixé un c e r t a i n nombre de c a r a c t é r i s t i q u e s des ouvrages. Il dispose par ailleurs de ser vices techniques qui sont en mesure de chiffrer et de contester le coût de tels travaux et leur mode de réalisation, les approvisionnements nécessaires, les coûts de main- d'œuvre. Or il se borne à une contestation q ui, pour l'es s ent ie l, q ue st i on ne les chiffres avancés par Erd f sans les remettre sérieusement en cause, sans dire en quoi le déplacement de tel ouvrage ne nécessiterait pas X heures de travail, en quoi telle fourniture est excessivement coûteuse, en quoi tel chantier excéderait ce qui avait été demandé à Erd f, en quoi le taux horaire d'un technicien Erd f avancé par l'entreprise serait inexac t.
Face à cette contestation formelle, les pièces produites par Erd f ne peuvent être tenues pour négligeables : elles sont issues de la comptabilité analytique d'une société publique, sont détaillées à un niveau tel que la vraisemblance de leurs chiffres peut aisément être vérifiée par vos soins et les montants avancés sont par faitement crédibles. Comment, du reste, peut- on contester que des travaux de déplacement d'une ligne élec trique ne justifie pas une étude préalable, peu impor tant que cette étude ne soit pas produite au dossier ? Comment peut- on contester que de tels travaux nécessitent un déplacement de main- d'œuvre, des fournitures, les pièces justificatives de chaque opération étant en tout état de cause inexistantes puisqu'agrégées dans les comptes de la société (Erd f n'achète pas ses câbles au mètre pour les travaux imputables à l'itinéraire I ter, n'établit pas une fiche de paie à la journée pour un technicien inter venant sur un tel chantier) ? Comment peut- on contester que l'administration, l'organisation, le financement de tels travaux nécessitent l'engagement de frais généraux dont la jurisprudence admet le carac tère for faitaire (17), et qui se situent d'ailleurs à un taux très raisonnable ?
Ajoutons à cela qu'Erd f précise également que le déplacement de ses ouvrages relève des missions qui lui sont dévolues par la l o i, et de sa s eu le comp étence pour les zon es de de s se r te concernées par les travaux, ce qui n'est pas contesté par l'État (articles?10 et?12 du cahier des charges de concession). Ainsi, si l'on peut imaginer que ses travaux soient sous-traités, il n'est nullement appor té la preuve qu'ils l'auraient été. Ils ont donc été réalisés en régie et Erd f ne peut donc appor ter la preuve de son préjudice qu'au moyen de pièces internes.
Pour notre par t, nous jugeons donc que les pièces produites par Erd f ont une va l e u r probante s u ffi s a nte, en l'a b s e n ce de contestation de principe très précise, pour attester de la réalité des travaux effec tués et de leur coût.
Vous pourrez de ce fait, à notre avis, écar ter la demande d'expertise présentée par l'État, qui vous demande de désigner un expert qui pourrait décrire précisément la nature des travaux menés par Erd f et leur lien avec l'itinéraire I ter, estimer leur coût, ainsi qu'apprécier si les travaux réalisés ne relèvent pas de dépenses qu'Erd f aurait dû engager au titre de la mise aux normes ou du renouvellement de ses installations.
À notre sens, la mesure est inutile à par tir du moment où vous d i s p o s e z au dossier des é l é m e n t s suffisants pour é v a l u e r le préjudice et qu'ils ne sont pas remis en cause de manière circonstanciée par l'État.
Vous devrez ensuite trancher diverses contestations spécifiques à cer taines des requêtes.
En ce qui concerne la requête n°?1100346, l'État se plaint de ce que les fac tures complémentaires produites pour les chantiers n°?21, 33 ou 24 ne sont pas suffisamment justifiées, notamment par rappor t aux travaux déjà effec tués (notamment pour les «?travaux complémentaires de dépose?» et «?frais d'é t u d e complémentaire?»).
Dans la requête n°?1100347, l'État présente la même contestation pour les chantiers n°?5, 19, 18, 20 et 22.
À notre sens, il suffit de comparer les détails de facturation, pour constater que les prestations supplémentaires facturées ont été nécessaires pour chacun des chantiers concernés, les fac tures énumérant les prestations ou travaux nouveaux
Dans la requête n°?1100347, s'agissant du chantier n°?34 bis, Erdf n'appor te pas de justification du détail des prestations prétendument réalisées. Autrement dit, Erd f vous produit l'annexe à la facture mais pas «?le détail de facturation?» que vous trouvez au dossier pour les autres chantiers. Aucune contestation précise et argumentée du montant n'est toutefois opérée.
Pour la requête n°?0806197, l'État se plaint de ce que l'annexe de la facture du 19?juin 2008 produite au dossier énumère les mêmes postes de dépenses, «?au mètre près?», que ceux figurant dans le détail de facturation produit dans le cadre de la requête n°?0806196 alors que les montants en jeu sont radicalement différents (du simple au triple).
Il s'agit des chantiers 43 bis (quar tier les Tilleuls à Peyrolles : mise en souterrain des réseaux BT et HTA sur 1 100?m) et 43 (quar tier le Parc à Peyrolles : mise en souterrain ligne BT sur 300?m) : les chantiers sont b i e n différents et ont eu lieu re s p e c t i ve m e n t du 7 au 28?janvier 2008 (chantier 43) et du 21?janvier 27?mars 2008 (chantier 43 bis). Ils ont donné lieu à deux fac tures datées du 19?juin 2008, mais différentes également (n°?705053402 et n°?705053403), mais il est vrai que pour des travaux différents conduisant à une facturation totale d'un montant très dissemblable, une grande par tie du libellé des fac tures est identique. Seule la facture correspondant au chantier 43 nous semble pouvoir être prise en compte car le métré correspond à l'opération menée à cet endroit. En revanche, le coût du chantier 43 bis ne nous semble pas pouvoir être déterminé au vu de la facture produite et faute de justification du coût des travaux entrepris, vous écar terez cette facture d'un montant de 113 382,66?euros HT.
Vous corrigerez ensuite une erreur de calcul qui entache la facture du chantier n°?25 (requête n°?1100346), pour un montant de 47,84?euros HT.
A r r i vé s à ce s t a d e, vous pourrez donc fi xe r le montant de la condamnation à 2 752 528,86?euros HT. Erd f ne peut en effet demander à se voir rembourser la Tva acquittée sur ses intrants dès lors qu'elle relève d'un régime fiscal lui permettant normalement de déduire tout ou par tie de cette taxe de celle qu'elle a perçue à raison de ses propres opérations (18).