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TERRITOIRES

L'application de la domanialité publique par anticipation : un enjeu pour les biens antérieurs au Code

PUBLIÉ LE 1er NOVEMBRE 2013
LA RÉDACTION
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1. Considérant qu'avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du Code général de la propriété des personnes publiques, l'appartenance d'un bien au domaine public était, sauf si ce bien était directement affecté à l'usage du public, subordonnée à la double condition que le bien ait été affecté au service public et spécialement aménagé en vue du service public auquel il était destiné ; que le fait de prévoir de façon certaine un tel aménagement du bien concerné impliquait que celui-ci était soumis, dès ce moment, aux principes de la domanialité publique ; qu'en l'absence de toute disposition en ce sens, l'entrée en vigueur de ce code n'a pu, par elle-même, avoir pour effet d'entraîner le déclassement de dépendances qui, n'ayant encore fait l'objet d'aucun aménagement, appartenaient antérieurement au domaine public en application de la règle énoncée ci-dessus, alors même qu'en l'absence de réalisation de l'aménagement prévu, elles ne rempliraient pas l'une des conditions fixées depuis le 1er juillet 2006 par l'article L. 2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques qui exige, pour qu'un bien affecté au service public constitue une dépendance du domaine public, que ce bien fasse déjà l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public ;  2. Considérant que l'association soutient, à l'appui de son pourvoi, que le juge administratif des référés n'était manifestement pas compétent pour statuer sur la demande d'expulsion dont il était saisi, dès lors que celle-ci portait sur des parcelles qui, en l'absence d'aménagement spécial, n'auraient jamais fait partie du domaine public ; que, toutefois, ainsi qu'il ressort des écritures des parties, avant la date à laquelle l'association a été autorisée par l'État, par la convention du 15 juin 2005, à occuper les parcelles cadastrées section B n° 1081, 1480, 1072 et 1069 situées sur le territoire de la commune de Villeneuve-les-Béziers, ces parcelles avaient été acquises par l'État en vue de la réalisation des travaux, déclarés d'utilité publique par décret du 30 mars 2000, de raccordement de l'autoroute A75 à l'autoroute A9 aux abords de l'échangeur de Béziers Est ; qu'ainsi, la personne publique avait prévu de manière certaine de réaliser les aménagements nécessaires ; que, par suite, ces parcelles étaient soumises aux principes de la domanialité publique ; que la circonstance qu'elles n'aient finalement pas été utilisées pour la réalisation des infrastructures de transport ainsi envisagées, ainsi qu'il résulte d'une déclaration d'utilité publique modificative du 16 novembre 2007, est sans incidence, en l'absence de décision de déclassement, sur leur appartenance au domaine public ; que, par suite, les emplacements occupés par l'association, alors même qu'ils n'ont fait l'objet ni des aménagements projetés en 2000 ni d'autres travaux d'aménagement ferroviaire, ne sont pas manifestement insusceptibles d'être qualifiés de dépendance du domaine public dont le contentieux relève de la juridiction administrative ; que le moyen tiré de ce que le juge des référés n'aurait manifestement pas été compétent pour statuer sur la demande du préfet de l'Hérault doit donc être écarté ; Avant le Code général de la propriété des personnes publiques (Cgppp), la détermination de l'appartenance d'une dépendance immobilière au domaine public ou privé reposait principalement sur l'application des critères fixés par la juridiction administrative (ou judiciaire). La situation était complexe car si nous avions une situation de principe reposant sur l'usage du critère de l'affectation (soit au service public, soit à l'usage direct du public), cela était complété par différentes théories, comme celle de la domanialité publique globale (1), par accessoire ou encore par anticipation (2). Devant cet état de fait, les auteurs du Cgppp ont souhaité simplifier cette détermination. Pour ce faire, le Code comporte plusieurs listes fixant directement la domanialité (publique ou privée) d'un bien immobilier ou mobilier (3) ainsi qu'une réécriture des critères de détermination d'une telle appartenance hors ces listes (4) avec la volonté de réduire le champ de la domanialité publique, notamment en limitant la domanialité publique globale et celle par accessoire et en supprimant la domanialité publique par anticipation (5). C'est de cette dernière théorie dont il s'agit dans la présente affaire portant sur une question d'occupation irrégulière d'une dépendance appartenant à l'État et donnant lieu à un conten-tieux en référé conservatoire (6). Revenons sur les faits. L'association Atlalr a été autorisée par le préfet de l'Hérault, par une convention en date du 15 juin 2005, à occuper des parcelles appartenant à l'État sur le territoire de la commune de Villeneuve-les-Béziers. Quand le préfet leur demande de quitter les lieux, les responsables de l'association refusent et le préfet saisit alors le tribunal administratif pour obtenir une ordonnance d'expulsion comme le permet ce référé spécifique. Ce dernier donne raison au préfet et ordonne l'expulsion. Les responsables de l'association intentent alors un recours en cassation devant le Conseil d'État en contestant la compétence de la juridiction administrative au motif que les parcelles occupées ne relèveraient pas, selon eux, du domaine public. La Haute Assemblée rejette le pourvoi en démontrant que le tribunal ne s'est pas trompé en décidant que lesdites parcelles relèvent du domaine public étatique. Ce faisant, le Conseil d'État profite de l'occasion pour réaffirmer que la domanialité publique par anticipation n'existe plus depuis le Cgppp (I) et que ledit Code n'a pas eu pour effet de changer la nature domaniale des biens appartenant aux personnes publiques avant son entrée en vigueur (II). I. Une application limitée aux biens existant avant l'entrée en vigueur du CGPPP Le Conseil d'État a été amené à élaborer la théorie de la domanialité publique par anticipation (dite parfois virtuelle) afin de protéger certains biens appartenant à des personnes publiques devant faire l'objet d'une protection particulière alors même qu'ils ne remplissent pas encore les conditions d'entrée dans ce domaine public. Ce faisant la Haute Juridiction considère que sous certaines conditions (voir infra II), ces biens peuvent être soumis aux principes de la domanialité publique. Ont notamment été reconnus comme faisant partie de ceux-ci : l'inaliénabilité, l'imprescriptibilité et caractère précaire des autorisations d'occupation du domaine public (7), l'exigibilité de la redevance pour toute utilisation des dépendances du domaine public (8), le fait de veiller à l'utilisation normale des dépendances du domaine public (9), le maintien d'une servitude conventionnelle de droit privé sur une parcelle appartenant au domaine public, à la double condition d'avoir été consentie antérieurement à l'incorporation de cette parcelle dans le domaine public et d'être compatible avec son affectation (10). La théorie de la domanialité publique par anticipation est née avec la décision du Conseil d'État Eurolat, du 6 mai 1985 (11). Elle a été confirmée dix ans plus tard dans les deux fonctions de la Haute Juridiction, à savoir tant consultative que juridictionnelle (12). Nous trouvons encore quelques décisions antérieures à l'entrée en vigueur du Cgppp qui évoquent cette théorie, à l'exemple de celle rendue à propos de la Société Asf (13). Avec l'arrivée du Cgppp, la situation se devait d'évoluer : les auteurs de ce code reconnaissent que la nouvelle rédaction des critères de la domanialité publique d'un bien appartenant à une personne publique a été pensée afin de mettre un terme à cette domanialité publique par anticipation, en raison de son caractère extensif pour ce domaine. Ainsi, le rapport au président de la République précise que « de la sorte cette (nouvelle) (14) définition prive d'effet la théorie de la domanialité publique virtuelle ». Mais à lire avec attention l'article 2111-1 dudit Code, cette disparition ne semble pas aussi évidente. D'ailleurs, la doctrine se partage sur cette question (15) : une partie de cette dernière estimait que le Code n'étant pas suffisamment clair, il fallait attendre de voir ce qu'en pensait le Conseil d'état dans sa fonction contentieuse (16). Alors qu'en est-il des décisions rendues depuis l'entrée en vigueur du Cgppp ? Les juridictions administratives ont été amenées à rendre plusieurs décisions appliquant la théorie de la domanialité publique par anticipation, mais toujours à propos de situations antérieures au Code, comme dans la présente affaire (17). Dans une affaire concernant la Société Magenta Développement, et alors que le requérant a évoqué la fin de la théorie de la domanialité publique par anticipation, le Conseil d'État ne peut que constater l'inapplicabilité des dispositions du Cgppp à la Nouvelle-Calédonie. Mais dans la présente affaire, bien que née sous l'empire du régime juridique antérieur au Code, la Haute Assemblée profite de l'occasion pour affirmer que ladite théorie ne joue plus depuis l'entrée en vigueur de ce code. La fin de ladite théorie repose sur la lecture attentive du considérant de principe de la présente décision. En effet, d'une part, le Conseil d'État rappelle l'existence de cette théorie avant l'entrée en vigueur du Cgppp. D'autre part, il précise que depuis cette date les conditions ont changé sur ce point-là (18), mettant un terme à la logique de l'anticipation. La rédaction du considérant aurait pu être plus claire s'agissant de l'arrêt de cette théorie, mais c'est le Cgppp qui aurait dû l'être sur ce point, ce qui n'est pas le cas. Nous attendrons donc la confirmation de cet abandon par d'autres décisions du Conseil d'État, notamment dans d'autres contentieux que celui du référé conservatoire. En l'état, ladite théorie ne joue donc plus après le 1er juillet 2006, mais continue à s'appliquer aux biens appartenant aux personnes publiques avant cette date et relevant de leur domaine public, en raison des conditions alors applicables. II. L'application complexe de cette théorie pour les biens encore visés La présente décision est l'occasion pour le Conseil d'État de réaffirmer (19) que le Cgppp, en l'absence de dispositions spécifiques en ce sens, n'a pas pu avoir pour effet de déclasser les biens appartenant aux personnes publiques et relevant de leur domaine public, dès lors qu'ils ne rempliraient pas les nouvelles conditions posées par le Code. Dès lors, cela signifie que les biens que les personnes publiques possédaient avant le 1er juillet 2006 sont entrés dans leur domaine public selon les conditions alors en vigueur. Ainsi, en dehors de certaines dispositions légales, ce sont les critères posés par la juridiction administrative qui sont encore applicables. Le bien est donc entré dans le domaine public s'il a été affecté à l'usage direct du public ou à un service public et aménagé spécialement dans ce dernier cas. Il pourra encore l'être par application de la théorie de l'accessoire, mais aussi au vu de la présente décision par celle de la théorie de la domanialité publique par anticipation. L'intérêt de la présente décision provient aussi de la rédaction retenue pour définir la théorie de la domanialité publique par anticipation. En effet, nous pouvons relever dans le considérant de principe que le Conseil d'État caractérise l'application de cette théorie par « le fait de prévoir de façon certaine l'aménagement » du bien affecté au service public. Cette rédaction est un peu étonnante car dans les décisions et avis antérieurs, la Haute Assemblée précisait que ce qui doit être prévu de façon certaine, c'est l'affectation (au service public principalement), à l'exemple des arrêts Eurolat, préfet de la Meuse (20) ou encore Société des Autoroutes du Sud de la France (21) et de l'avis du 31 janvier 1995 : « Le fait de prévoir de façon certaine l'une ou l'autre de ces destinations implique cependant que le terrain est soumis dès ce moment aux principes de la domanialité publique. » Un arrêt du 5 mai 2010 (22) montre bien cette analyse : « que, toutefois, à supposer même que les locaux aliénés aient effectivement servi de dépôt de matériel aux services de la direction départementale de l'équipement implantés sur la parcelle contiguë, cette seule circonstance ne saurait suffire à les regarder comme affectés à un service public ; qu'il résulte par ailleurs de l'instruction que le lieu n'a fait l'objet d'aucun aménagement spécial visant à l'adapter à cette éventuelle affectation sur la période concernée ; que, si le requérant soutient que le bien était soumis par anticipation aux principes gouvernant la domanialité publique en raison de son affectation certaine à l'accueil de services du conseil général du Loiret, il résulte en tout état de cause de l'instruction que ce projet a été abandonné dès 2001 et que l'aménagement des locaux à cette fin n'a jamais été entrepris ; qu'il suit de là que le bien cédé ne saurait être regardé comme constituant, à la date de la vente, une dépendance du domaine public départemental ; ». Ainsi, à la différence de ces décisions et avis, il suffit que l'aménagement spécial soit prévu de façon certaine pour soumettre le bien aux principes de la domanialité publique. Mais alors qu'en est-il de l'affectation ? Bien sûr, le fait de prévoir l'aménagement signifie que l'affectation est, elle aussi, prévue, mais si elle n'est pas réelle ou effective, qu'advient-il du bien ? Au vu de la situation de l'espèce, il semble que l'absence d'effectivité de l'affectation ne soit pas un souci pour la soumission aux principes de la domanialité publique. L'État a fait l'acquisition de parcelles sur le territoire de la commune de Villeneuve-les-Béziers afin de procéder à des travaux de raccordement des autoroutes A75 et A9 aux abords de l'échangeur de Béziers Est. Cependant, ces infrastructures de transport ne seront finalement pas réalisées et lesdites parcelles ne seront donc pas utilisées pour l'opération prévue (23). Dans cette affaire, les parcelles n'auront jamais été utilisées pour la finalité de l'opération et leur affectation au service public aura été temporaire, ce qui n'empêche pas leur entrée dans le domaine public. En effet, la présente décision apporte une seconde précision importante sur ce point, puisque normalement la théorie de la domanialité publique par anticipation n'entraîne que la soumission aux principes de la domanialité publique pendant la période transitoire allant de la prévision certaine à l'effectivité de l'affectation et de la réalisation des travaux. Mais dans le cas présent, rien n'a été effectif ni réalisé et pourtant, les parcelles en question sont passés de la soumission aux principes à la domanialité publique pleine et entière ! Ainsi, contrairement à ce que certains pouvaient imaginer (24), l'abandon du projet (donc de l'affectation) n'entraîne pas l'arrêt de la soumission aux principes de la domanialité publique puisque le bien est déjà dans le domaine public. En fait, l'anticipation qui est donc censée couvrir une période transitoire ne peut être arrêtée, elle aboutit forcément à la domanialité publique réelle et en conséquence, la sortie de ce domaine demande un déclassement (puisque la désaffectation est déjà réelle). Il est donc important que les personnes publiques récapitulent les conditions qui ont entraîné l'entrée de leurs biens dans leur domaine public (et en conservent la trace) afin qu'elles puissent déterminer les conditions de leur sortie et ce selon la date d'entrée, puisque les conditions ne sont donc pas les mêmes avant ou à partir du 1er juillet 2006. Certaines décisions récentes montrent justement toute la complexité de la situation à l'exemple de l'arrêt du Conseil d'État, en date du 17 mai 2013 (25) : « Considérant, d'une part, que lorsque, avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 2006, du Code général de la propriété des personnes publiques dont l'article L. 2211-1, prévoit que les réserves foncières relèvent du domaine privé des personnes publiques, un terrain a été acquis par une personne publique en vue de la constitution d'une réserve foncière, il n'a pas été, de ce seul fait et dès ce moment, soumis aux principes de la domanialité publique, alors même qu'il a été précisé que cette réserve était justifiée par la réalisation envisagée d'un aménagement d'une infrastructure de transport public en site propre ; ». Si dans quelques années, cette date n'aura plus beaucoup d'effet, c'est loin d'être le cas au regard de la date d'acquisition et d'usage de nombreux biens appartenant aux personnes publiques.


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