Des chercheurs du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) et du Centre national de recherche scientifique (CNRS) ont publié une analyse qui conclut que la défaunation en forêt tropicale menace également les arbres.
Une équipe de chercheurs de l’unité « Mécanismes adaptatifs et évolution » du MNHN (MNHN – CNRS) a publié ce mardi 2 juin dans la revue Ecological Applications, une analyse en Guyane sur les effets de la chasse sur la régénération de la forêt en elle-même. « Il en résulte que lorsque les grands animaux qui dispersent naturellement les graines de certains arbres sont tués, la forêt toute entière en subit les conséquences », expliquent les chercheurs, qui craignent ainsi un appauvrissement global de la forêt tropicale. L’analyse souligne qu’une majorité des espèces d’arbres repose sur les animaux qui consomment leurs fruits et dispersent leurs graines, permettant une régénération.
Pour leur analyse, les chercheurs se sont concentrés sur deux sites en Guyane : Nouragues, un site protégé, et Montagne de Kaw, où la chasse est pratiquée et le site est partiellement exploité. L’observation a été conduite sur quatre familles d’arbres dont les graines sont dispersées par les animaux et « qui représentent 88% des arbres endozoochores qui fructifiaient au moment et à l’endroit de l’étude ». « Nous avons évalué l’abondance des disperseurs de graines et des prédateurs de ces quatre famille en effectuant des échantillonnages diurnes », précise le rapport d’analyse. « Parallèlement, nous avons estimé les taux d’enlèvement des graines depuis les fruits en comptant les graines dispersées dans des quadrats de 1m2 placés sous les arbres fruitiers », est-il précisé. L’analyse démontre que les taux d’enlèvement des graines passent de 77% à Nouragues, à 47% à Montagne de Kaw, « confirmant que la perte de frugivores associée aux perturbations humaines a un impact sur l’enlèvement des graines au niveau communautaire », concluent les chercheurs. Néanmoins, pour certaines espèces d’arbres, une compensation pourrait se produire grâce à la dispersion opérée par les oiseaux et en particulier les toucans, très nombreux sur le site de Montagne de Kaw.
Un appauvrissement à long terme
« Les effets de la chasse sur les arbres ne sont pas immédiatement visibles, puisque ceux-ci peuvent vivre et rester en place des dizaines voire des centaines d’années, même s’ils ne peuvent plus se reproduire », précisent les chercheurs. Mais « sur le long terme, ces immenses superficies de forêts risquent de se retrouver considérablement appauvries », poursuivent-ils. Sont particulièrement menacées les espèces d’arbres à grosses graines dispersées par les animaux les plus chassés, à savoir les primates. « La densité de plusieurs disperseurs clés tels que les primates à gros corps a été considérablement réduite à Montagne de Kaw, où le frugivore Ateles Paniscus est probabelemnt éteint », détaillent les chercheurs.
« Cet appauvrissement des forêts tropicales mettra à son tour en péril les activités économiques ou de subsistance qui en dépendent, telles que l’exploitation du bois, des fruits ou des graines », regrettent les chercheurs.