Pour toutes les collectivités qui vont devoir passer au Zéro phyto au 1er janvier 2017, des alternatives au « tout chimie » existent. Les gestionnaires des espaces verts, ou plutôt des Jevi, pour « jardins, espaces verts et infrastructures » (1) disposent de toute une panoplie de solutions alliant procédés mécaniques et physiques, des pièges, sans compter l'aménagement des espaces pour favoriser les auxiliaires naturels. Ainsi que les produits utilisables en agriculture biologique, ceux à faible risque, et le biocontrôle. « Le biocontrôle a toujours existé, mais jusque dans les années 2000, on parlait de lutte biologique », cadre Thibaut Malausa, chargé de recherche à l'UMR Institut Sophia Agrobiotech/Inra.Cet ensemble de solutions pour la protection des plantes est mis en avant depuis le lancements du plan Ecophyto.Sa particularité ? Faire appel à des organismes ou des molécules issues du vivant : des macro-organismes (invertébrés, insectes, acariens, nématodes), des micro-organismes (champignons, bactéries, virus), des substances naturelles (organiques ou minérales), et des médiateurs chimiques (phéromones au sein de la même espèce, kairomones et allomones entre des espèces différentes). Les solutions pour lutter contre les insectes sont les plus développées. Par exemple, la société Koppert propose des traitements contre la pyrale du buis (avec des trichogrammes, une micro-guêpe), le ravageur du palmier (avec un nématode), le tigre du platane (avec une combinaison d'insectes et de nématodes). Contre les chenilles, l'utilisation de bactéries (micro-organismes) comme bacillus thuringiensis (Bt) est possible. Contre les chenilles et les pucerons, des substance naturelles sont disponibles, comme les phéromones ou la pyrèthre, une molécule extraite d'une plante. En revanche, il existe encore peu de solutions (essentiellement des substances minérales) pour lutter contre les maladies liées à des bactéries, virus ou champignons microscopiques.En tout, une centaine de produits sont disponibles, dont 30 à 40 concernent les Jevi. Avec un certain manque de diversité : la liste inclut une dizaine de références de phosphate ferrique contre les limaces… Pour s'y repérer, la base de données Ephy (http://e-phy.agriculture.gouv.fr) recense tous les produits autorisés (soumis à une autorisation de msie sur le marché ou AMM). « La liste des produits de biocontrôle est attendue depuis le 1er janvier 2016 », regrette Maxime Guérin, chargée d'études chez Plantes et Cité. Et pour les maladies ou ravageurs sans solution de biocontrôle ? « ça va être le temps de dérogation », prédit, réaliste, Jacques My, directeur général de l'Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics (UPJ) et président de l'académie de biocontrôle.Se passer des phyto est complexe, car il n'existe pas d'équivalent. « Il n'est pas nécessaire d'éradiquer complètement un agresseur, il s'agit plutôt de le contrôler », explique Maxime Guérin. Pour les collectivités, c'est plus de travail, et un suivi plus rigoureux. Quatre mille se sont déjà engagées dans cette voie, dont 200 ont reçu le label « Zéro phyto ».Le désherbage est une problématique importante pour les collectivité, tout comme la protection des semences et le nettoyage des outils, pour lesquelles il y a peu de solutions de biocontrôle. Mais un désherbant bio existe, à base d'acide acétique (vinaigre) et d'acide pélargonique. D'autres solutions à base d'acides caprilique ou monoïque émergent. « Il y a des solutions en développement, mais elles ne seront pas sur le marché avant 3 à 4 ans », estime Jacques My. Selon l'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab), plus de 50 produits devraient arriver sur le marché entre 2020 et 2025.Historiquement, les solutions de biocontrôle ont été développées par des PME, comme Koppert, Biotop, NPP, M2i (qui a échoué dans son introduction en Bourse, afin de « devenir un acteur majeur » du secteur, à l'été dernier), Capnodis ou encore SBM Développement – ces deux derniers acteurs étant plus particulièrement impliqués dans les Jevi. Et plusieurs start-up se sont créées ces dernières années. Mais le vent sur les phytosanitaires commençant à tourner, les grands groupes de l'agrochimie, comme Bayer, BASF, Syngeta ou Monsanto ont réinvesti le secteur. BASF a notamment ouvert au printemps 2016 un centre de recherche pour développer de nouvelles solutions de biocontrôle. Ces géants visent surtout les marchés de masse, au détriment des maladies rares. Par ailleurs, ils pensent le biocontrôle comme un outil complémentaire à la panoplie des phytosanitaires, et non comme une alternative.« Le biocontrôle représente actuellement 3 à 5 % du marché des phytosanitaires. Nous visons 15 à 20 % d'ici 2020 », soutient Thibaut Malausa. Pour accélérer le développement des produits, les acteurs français ont lancé, depuis depuis février 2016, le consortium public-privé sur le biocontrôle. Le but de ce consortium de recherche et d'innovation animé par Thibaut Malausa : favoriser l'essor du biocontrôle et accompagner le développement de la filière française. Doté des 350 000 euros de cotisations des entreprises pour 2016 , il agit à travers des projets de recherche collective et des animations. « Le biocontrôle nécessite un vrai savoir-faire. C'est souvent plus subtil que les molécules de synthèse à large spectre », confirme Thibaut Malausa, qui veut proposer des produits clés en main pour les Jevi, comprenant le produit, son utilisation et des outils d'aide à la décision (capteurs, règles de décisions, etc.).Il y a de nombreux dossiers de candidature pour les substances de base (comme l'ortie, la prêle, ou le vinaigre), dont relèvent les substances naturelles. Et là, il s'agit de maîtriser les subtilités de la réglementation européenne. « Avec l’article 23 du règlement 1107 les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) acquièrent enfin le statut de substances de base. Mais elles ont un régime d'exception : elles n'ont pas besoin d'AMM, contrairement aux substances actives qui entrent dans la composition des phytos classiques », éclaire Patrice Marchand, expert substances naturelles à l'ITAB. Ce dossier d'approbation est plus léger et moins coûteux qu’un dossier classique. De plus, l'approbation sans limite de validité. Pour les fabricants de cette substance – généralement des entreprises hors du milieu phytosanitaire -, c'est un moyen de développer de nouveaux marchés. Mais l’entreprise qui obtiendrait l’approbation le ferait pour toute entité qui vend cette substance, ce qui limite les candidatures. De son côté, Patrice Marchand a déjà soumis une quinzaine de dossiers d'approbation en 2015 et une dizaine au premier semestre 2016, dont la prêle, le vinaigre, le saule, la rhubarbe ou encore le sucre…Albane Canto(1) Les cimetières et les stades ne sont pas concernés par l'interdiction des produits phytosanitaires.