En donnant sa vision de « la nouvelle France industrielle » en septembre dernier, le président de la République identifiait le stockage de l'énergie comme « un enjeu majeur ». La commission innovation présidée par Anne Lauvergeon en a aussi fait peu après l'une de ses « sept ambitions pour la France ». Dans un rapport publié en novembre, l'Ademe, l'ATEE et la direction générale de la compétitivité de l'industrie et des services (DGCIS) ont cherché à objectiver les besoins et les perspectives de croissance du marché à l'horizon 2030.
En guise d'énergie, le document fait la part belle à la problématique électrique dans un contexte de montée en puissance de la production intermittente. L'étude s'appuie ainsi sur trois hypothèses de pénétration des renouvelables. Dans le scénario médian de RTE, les besoins de stockage d'électricité évolueront assez peu en journée. La demande est forte aux heures les plus ensoleillées. Si la puissance photovoltaïque reste en deçà de 20 GW, l'équilibre offre-demande sera naturel. Si elle dépasse 30 GW en revanche (ce qui est le cas dans le deuxième scénario de RTE et dans celui de l'Ademe, plus ambitieux encore), les pics de production nécessiteront de nouvelles capacités de stockage. Surtout si nos voisins suivent la même trajectoire. Quelle que soit l'hypothèse retenue, les besoins infra-hebdomadaires devraient quant à eux augmenter significativement, car les parcs éoliens voient leur production varier par cycles de plusieurs jours.
Pas de panique néanmoins. « Le système électrique français apparaît avoir une bonne résilience à une introduction conséquente d'énergies renouvelables (jusqu'à 46 GW d'éolien et 33 GW de solaire) », d'après l'étude. D'ici à 2030, l'objectif n'est donc pas d'investir massivement dans le stockage électrique, mais de se préparer à des objectifs plus ambitieux à long terme en investissant dans la recherche et la démonstration. Le rapport propose de faire des DOMTOM le principal terrain d'expérimentation. Les projets lancés pourront y être rentables rapidement.
Dans ces zones non interconnectées (ZNI), la ressource renouvelable est forte, la production nucléaire semble proscrite et, par définition, il est impossible de faire appel à des productions d'appoint extérieures. Ce qui justifie les besoins de stockage. « Un premier gisement de 200 à 400 MW est atteignable à court terme dans les ZNI françaises », souligne le document. Ces expérimentations grandeur nature devraient permettre à la filière de se développer pour être compétitive le moment voulu. Objectif : créer de 8 000 et 25 000 emplois, en fonction du scénario retenu et de la part de marché de l'industrie française. À noter que l'étude est plutôt optimiste, puisque cette part est évaluée entre 10 et 30 % ! À l'instar des volants à inertie et des batteries Li-Ion, les systèmes prometteurs ne manquent pas. L'option la plus rentable reste pourtant sans conteste la station de transfert d'énergie par pompage. La France dispose en la matière d'une capacité de 5 GW. Un chiffre qui pourrait encore augmenter de 1 à 1,5 GW à court terme, puis croître sensiblement à partir de 2030 si les productions photovoltaïque et éolienne sont au rendez-vous. « En dehors de contextes locaux particuliers », comme l'isolement ou la difficulté à renforcer le réseau, le stockage diffus et l'écrêtement de la production intermittente excédentaire s'avèrent « moins intéressants économiquement », insiste l'étude qui met donc en garde contre un emballement que l'on voit parfois poindre dans certains discours. Mieux vaut par exemple miser pour le moment sur davantage de signaux prix (ce qui sera possible techniquement quand le parc de compteurs communicants sera installé) ou sur le pilotage des ballons d'eau chaude sanitaires des particuliers par exemple. Voire sur les véhicules électriques connectés. L'étude n'oublie pas l'énergie thermique. Sur les réseaux de chaleur, le stockage est d'autant plus intéressant que les productions d'appoint recourent à des énergies fossiles. Dans les centrales de cogénération enfin, emmagasiner la chaleur pourrait permettre de produire l'électricité au moment le plus opportun.