Quels dysfonctionnements connaît le secteur électrique ?
Les marchés ont été conçus pour donner des signaux d'arbitrage entre combustibles à court terme. Or, le mix intègre des centrales qui demandent de lourds investissements fixes. C'est vrai de l'éolien comme du nucléaire. Des doutes existent quant à la capacité d'un marché, où ne sont échangés que des kilowattheures, à envoyer les bons signaux d'investissements. En rémunérant la disponibilité des centrales, le futur mécanisme de capacité est censé résoudre en partie ce problème. Mais jusqu'où ? Deuxième élément, en France, les échanges sur le marché représentent moins du tiers de la demande, l'essentiel se faisant de gré à gré sans passer par une bourse de l'électricité. Sortir d'une situation de monopole prend du temps. Un tel marché, qui représente de faibles volumes et où la concurrence est insuffisante, peine à envoyer des signaux économiques. On assiste par ailleurs à une situation de surcapacité. Des centrales sont en grande difficulté, en particulier les cycles combinés à gaz récents.
Par son essor, l'éolien est accusé d'avoir causé cette surcapacité…
Il existe plusieurs causes. D'abord, la diminution ou la stagnation de la consommation interne, due à la crise économique. Les exportations sont aussi réduites à cause de la baisse de la demande dans les pays voisins. Ensuite, le prix du carbone est quasi-nul et celui du charbon chute à cause de la concurrence des gaz de schiste aux États-Unis. Dans ce contexte, les centrales à charbon deviennent en Europe plus compétitives que celles à gaz. Enfin, il y a l'essor des renouvelables. Cet état de surcapacité est lié à l'incertitude qui pesait sur ces facteurs. D'après notre étude, entre 2007 et 2012, l'écart entre les parcs éoliens initialement prévu et finalement construit explique moins de 10 % de la surcapacité, loin derrière les autres facteurs. Pour l'avenir, à l'horizon 2020-2025, la principale incertitude est liée à la politique nucléaire : la France va-t-elle descendre à 50 % du mix ?
Votre étude a analysé les mécanismes de soutien à l'éolien…
Nous nous sommes placés à volume de développement égal de l'éolien pour comparer le tarif d'achat français à trois autres dispositifs. D'abord à la prime « ex-post », comme en Allemagne et en Angleterre. Son principe est de fixer un prix cible, de laisser le producteur éolien vendre son électricité sur le marché et de lui payer la différence. Il n'y pas d'exposition aux risques conjoncturels, mais à ceux de commercialisation, oui. Cela peut pénaliser les petits acteurs qui ne disposent pas d'équipe propre à cette activité. Ensuite, à la prime « ex-ante » : il s'agit d'attribuer une prime aux kilowattheures vendus sur le marché, ce qui rend les revenus très vulnérables aux risques conjoncturels et peut faire exploser les coûts de financement. Enfin, à un système de quotas. Nous avons pris une série de critères : construction d'une filière, optimisation par rapport au marché, coût de financement, maîtrise des dépenses publiques et des rentes, etc. Au final, le tarif d'achat s'avère le plus équilibré. Nous avons tout de même identifié trois mesures pour le faire évoluer. Inciter l'éolien à baisser sa production en périodes de prix négatifs. L'encourager à contribuer à l'équilibre du système, en lui faisant porter la responsabilité de ses prévisions de production. Enfin, le faire participer, à la baisse, aux réserves dites tertiaires dont RTE peut avoir besoin en cas de soucis technique sur le réseau.