La conférence internationale sur le climat à Paris en 2015 s'annonce sous de mauvais auspices : une hausse de 3,6 °C d'ici à 2100, c'est le réchauffement climatique que devrait connaître la planète d'après le rapport « World Energy Outlook 2013 », publié par l'Agence internationale de l'énergie (AIE) fin 2013. Un scénario bien haut dessus des 2 °C visés par les accords internationaux... et dû en grande partie à la demande en énergie. « En tant qu'origine des deux-tiers des émissions globales de gaz à effet de serre (GES), le secteur de l'énergie sera décisif pour atteindre ou non les objectifs en matière de changement climatique », souligne l'AIE. D'après ses prévisions, en l'état actuel des mesures annoncées, les émissions mondiales liées à l'énergie devraient ainsi augmenter de 20 % pour atteindre 37,2 milliards de tonnes par an en 2035. La demande en énergie devrait en effet croître de 30 % et être satisfaite encore principalement par les ressources fossiles. Celles-ci devraient encore représenter 76 % du mix énergétique mondial en 2035. Ce qui constituerait certes une diminution par rapport aux 82 % de 2011, mais très insuffisante pour limiter le changement climatique.
Ce scénario noir masque toutefois l'essor des renouvelables : la légère diminution des énergies fossiles se ferait, pour la production d'électricité, notamment à leur bénéfice. Les renouvelables pourraient ainsi voir leur part augmenter de 20 % en 2011 à 31 % en 2035, et devenir la deuxième source d'électricité, non loin derrière le charbon. Pour qu'un tel déploiement d'électricité verte soit possible, rappelle l'AIE, il faudra néanmoins que les subventions accordées au secteur, « qui ont atteint 101 milliards de dollars en 2012, en augmentation de 11 % par rapport à 2011, s'élèvent à 220 milliards de dollars en 2035 », ce qui implique un engagement fort des gouvernements du monde entier. Car c'est bien à l'échelle internationale que se joue l'enjeu climatique. Le World Energy Outlook 2013 met ainsi l'accent sur la nouvelle répartition des besoins en énergie : la Chine aujourd'hui, puis l'Inde (à partir de 2020), sont les principaux moteurs de croissance de la demande. En cause, leur développement rapide... et la prise en charge d'une partie des émissions de GES liées à la production industrielle des pays développés. « Si les pays européens, par exemple, sont en ligne avec leurs engagements concernant les émissions de gaz à effet de serre, c'est en partie parce que celles des pays développés augmentent », relève Romain Morel, chargé d'études Climat, investissement et aide à la décision à CDC Climat, qui vient de publier son rapport annuel « Chiffres clés du climat 2013 ». En effet, les accords internationaux, par souci de simplicité, comptabilisent les émissions selon l'approche Territoire, c'est-à-dire là où elles sont émises. Selon ce système, la France a ainsi réduit ses émissions de 7,5 % entre 1990 et 2007. « Mais les résultats sont différents avec l'approche Empreinte, qui prend en compte les émissions dues à la demande finale intérieure d'un pays, en ajoutant les émissions liées aux produits importés et en retranchant celles des produits fabriqués sur son territoire puis exportés », poursuit l'expert. Avec cette méthode, les émissions françaises sont plutôt en hausse de 14 % sur la même période ! Et le constat est identique pour l'Union européenne dans son ensemble, ou encore pour les États-Unis, puisque ces pays ont délocalisé une partie de leur industrie dans les pays en développement. « Cela ne remet cependant pas en cause le fait que les pays en développement sont aujourd'hui les plus gros émetteurs de GES, même en retranchant la part d'émissions liée à la production industrielle qu'ils prennent en charge pour les pays développés, note Romain Morel. Au final, les pays développés comptent en effet pour moins de 40 % des émissions mondiales. » Il sera donc nécessaire de trouver des mécanismes pour faire entrer un plus grand nombre de pays, y compris ceux en développement, dans l'effort de réduction des GES. « Car si la cible est toujours de limiter le réchauffement climatique à 2 °C, cela va devenir très compliqué », prévient Romain Morel.