En matière de pollution arséniée, l'unité écotechnologies du service environnement et procédés du BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières) s'intéresse depuis plusieurs années à la forme la plus délicate de ce métal, l'arsénite (As III), très soluble et toxique. Il est en effet nécessaire d'oxyder ce composé en As V, qui se fixe facilement sur des hydroxydes de fer ou de l'alumine activée. Le BRGM souhaite éviter l'utilisation des oxydants chimiques forts et coûteux, l'oxydation à l'oxygène s'avérant très lente. Il s'oriente donc vers la voie biotechnologique. Plusieurs stratégies sont à l'étude simultanément pour répondre aux différents cas du marché. Mais leur point commun est d'utiliser des bactéries autotrophes, ne nécessitant pas de substrat organique car se nourrissant d'éléments minéraux et utilisant le CO2 de l'air comme apport carboné. « C'est un point important, car non seulement les substrats de type méthanol ont un surcoût, mais, en plus, ils sont à l'origine de sous-polluants ou ne sont pas totalement consommés », explique Fabienne Battaglia, chef de projet au BRGM.
La première piste étudiée cible les eaux très fortement polluées, contenant plusieurs dizaines de milligrammes d'arsénite par litre. Pour cela, le BRGM s'appuie sur une bactérie isolée il y a quelques années et baptisée CasO1. Elle présente une forte capacité à former un biofilm et la vitesse à laquelle elle oxyde l'As III est très élevée. Après des essais en laboratoire sur des eaux artificielles ou prélevées sur un site de stockage de produits arséniés, un pilote industriel dont les bioréacteurs contiennent de la pouzzolane tourne actuellement avec succès, affichant un rendement allant jusqu'à 95 % d'oxydation. Avant rejet, l'arsenic V est fixé dans un autre réacteur. Cette approche permet de s'attaquer à de fortes concentrations, à l'instar de celles que l'on trouve dans des nappes de sites pollués, voire, à terme, aux lixiviats, puisque les travaux du BRGM menés dans le cadre du réseau Riteau (Recherche et innovations technologiques eau et technologies de l'environnement) ont montré qu'on pouvait pousser le traitement jusqu'à des concentrations proches du gramme par litre.
Les bactéries endogènes efficaces aussi
Heureusement, ces niveaux de concentration ne sont pas toujours atteints. Le recours à une bactérie exogène aussi efficace que la CasO1 n'est donc pas indispensable. Il existe d'ailleurs dans les milieux pollués à l'arsenic une faune bactérienne autotrophe capable de venir à bout d'une pollution plus mesurée. C'est ce que montre le deuxième volet des travaux de l'équipe du BRGM, menés sur le site de Lopérec, dans le Finistère. Sur une résurgence continue (10 m3/h) d'une galerie creusée au début des années quatre-vingt-dix, on enregistre des concentrations en arsenic total (dont la moitié en As III) inférieures à 2 mg/l. Les bactéries naturellement présentes dans le sol ont été stimulées pour former un biofilm sur un support fixe (pouzzolane) et oxyder l'arsénite en arsenic V. « L'objectif est de disposer d'un procédé passif sans pompe ni additifs », résume Fabienne Battaglia. Le réacteur utilise la pente naturelle pour oxygéner l'eau et intègre la fixation de l'As V. « Le taux de fer dans l'eau est naturellement favorable. Les bactéries oxydantes le transforment en Fe3, qui précipite sous la forme d'un hydroxyde capable de fixer l'As V formé lui aussi par oxydation », explique la chercheuse. Le pilote installé sur le site permet de configurer au mieux le bioréacteur pour obtenir un temps de séjour suffisant et éviter le colmatage de l'installation. Un nouveau pilote tirant les enseignements de ces premiers essais est en cours de mise au point.